Sur les pistes de la matière noire
L'existence de la matière noire dans l'univers est généralement admise aujourd'hui sans grandes contestations. Même si aucune observation optique ou radio de cette hypothétique forme de matière n'a encore été faite (d'où le terme de matière noire, qu'il vaudrait mieux d'ailleurs remplacer par celui de matière invisible) sa présence et ses propriétés sont déduites de ses effets gravitationnels sur la matière visible, les radiations et la structure à large échelle de l'univers.
La matière noire représenterait approximativement 85% de la matière totale dans l'univers, ce qui est considérable. Ainsi, l'observation d'une galaxie montre que la matière visible (celle des étoiles la composant) n'est pas en quantité suffisante pour maintenir l'équilibre gravitationnel de la galaxie. Sans cette matière noire, les étoiles se disperseraient dans l'espace au lieu de graviter régulièrement autour du centre de la galaxie.
La nature et les origines de la matière noire constituent une des plus grandes énigmes de la cosmologie moderne. Le profane s'étonnera du fait que les recherches la concernant ne mobilisent pas d'avantages de moyens et, en amont, de crédits. Mais pour le moment, de tels suppléments de moyens seraient considérés comme peu utiles, puisqu'on ne saurait exactement à quoi les affecter. Les méthoses d'observation et les hypothèses théoriques se heurtent à des murs que la cosmologie actuelle ne paraît pas en mesure de franchir.
Néanmoins, de temps à autres, de nouvelles hypothèses sont formulées permettant de préciser l'existence de la matière noire à l'occasion d'effets qu'elle pourrait avoir sur des phénomènes observables. En accumulant de telles observations et la recherche d'un agent causal qui serait la matière noire, on peut espérer que le profil de celle-ci se précisera. Mentionnons ici deux domaines de recherche intéressants, qui viennent de faire l'objet de publications.
Matière noire et extinctions de masse ayant affecté le développement de la vie sur Terre
Les biologistes savent que, selon une périodicité à peu près régulière, l'évolution de la vie sur Terre a été perturbée par des extinctions de masse affectant les espèces existantes. En s'en tenant à l'histoire de la vie des organismes pluricellulaires, apparus au cours du cambrien (entre -528 et -510 millions d'années) les fossiles montrent qu'au moins cinq grandes extinctions, dites aussi extinctions massives, ont affecté les espèces telles qu'elles existaient avant que ne se produisent ces extinctions. A chaque fois, environ 50 à 70% des espèces présentes sur le globe disparaissaient. Elles étaient, il est vrai, remplacées après un temps suffisant par de nouvelles espèces, en apparence mieux adaptées.
La dernière de ces extinctions s'est produite à la limite crétacé-tertiaire, il y a environ – 65 millions d'années. Elle a été jugée responsable, au moins en grande partie, de la disparition des dinosaures. Par ailleurs, en dehors des grandes extinctions, des perturbations de l'évolution biologique se produiraient, selon certaines études, environ tous les 30 millions d'années. Les causes de ces extinctions et perturbations ne sont pas encore clairement élucidées, les plus communément admises étant soit la rencontre de la Terre avec des astéroïdes de grande taille, soit des éruptions volcaniques massives.
Or dans les deux cas, selon une hypothèse formulée par le Pr Michael Rampino, de la New York University, ce pourrait être la traversée par le système solaire, et donc par la Terre, de grandes quantités de matière noire au cours de leurs rotations autour du centre de la galaxie (la Voie Lactée) qui produirait soit la rencontre avec des comètes aux trajectoires elles-mêmes perturbées, soit des réchauffement anormaux générateurs d'éruption. 1)
Le disque de la galaxie est empli d'étoiles, de gaz et de poussières, ainsi que, comme rappelé ci-dessus, de grandes quantités de matière noire hypothétiques, inégalement réparties. Le système solaire et la Terre font le tour de la galaxie en 250 millions d'années environ. Au cours de cette rotation, le soleil oscille verticalement en traversant le disque de la galaxie selon des cycles de 30 millions d'années environ. Or Rampino a noté que ces cycles correspondent approximativement aux grands impacts de comètes et aux extinctions observées sur la Terre.
En traversant le disque galactique, le système solaire et les comètes qui y circulent pourraient être affectés par la rencontre avec la matière noire supposée s'y trouver. Les trajectoires de certaines comètes, généralement situées aux confins du système solaires, pourraient s'en trouver modifiées. Dans ce cas, elles pourraient entrer en collision avec la Terre. De même, si des particules de matière noire s'accumulaient à cette occasion au centre de la Terre, elles pourraient ensuite s'annihiler en générant de grandes quantités de chaleur, lesquelles provoqueraient des éruptions.
Michael Rampino s'attache dorénavant à préciser, en collaboration avec les paléobiologistes, les corrélations possibles entre les mouvements du système solaire au travers du disque galactique et les différentes perturbations ayant affecté l'évolution de la vie. Ceci ne signifiera pas pour autant, si ces corrélations se précisaient, qu'il aurait découvert le « smoking gun » prouvant sans ambages l'existence de la matière noire.
Matière noire et trous de ver
Le halo galactique dans la galaxie spirale du Sombrero (photo NASA/ESA Hubble Space Telescope ) Il s'agit d'une sphère (deux demi-sphères) où la concentration d'étoiles est moindre et où pourrait se trouver un trou de ver s'étant formé au sein de la matière noire présente dans ce halo.
Beaucoup plus étrange mais à ne pas refuser a priori serait l'hypothèse selon laquelle l'existence de trous de ver permettant de communiquer d'une galaxie à une autre (selon l'hypothèse du film Interstellar) pourrait être liée à la présence de matière noire. Le spécialiste de la matière noire Paolo Ricci, de l' International School for Advanced Studies (SISSA) située en Italie vient d'en préciser certains aspects théoriques 2) .
Il constate que, s'il n'est pas pour le moment possible de créer des trous de ver au sein de la matière ordinaire, compte tenu des propriétés inhérentes à cette matire, des calculs montrent que de tels trous de ver pourraient se trouver dans la plupart des galaxies spirales.
Ils se formeraient dans les « halos » de ces galaxies, au sein de la matière noire supposée s'y trouver. Restera à observer expérimentalement l'existence de tels trous de ver, et à relier ceux-ci aux propriétés de la matière noire. Il y a encore, on le voit, beaucoup de travail à faire avant de pouvoir emprunter ces passages d'une galaxie à l'autre.
Références
1) Michaël R. Rampino et al. Disc dark matter in the Galaxy and potential cycles of extraterrestrial impacts, mass extinctions and geological events
2) Paolo Ricci et al. Possible existence of wormholes in the central regions of halos
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