Tours de chauffe pour le LHC
« Un projet d’une envergure unique dans l’histoire de l’humanité » selon le physicien Yves Sirois de l’institut des particules IN2P3 ! Qu’on en juge : A plus de 100 mètres de profondeur, à l’aplomb de la frontière franco-suisse, un immense anneau de 27km de long ! Des protons, accélérés à une vitesse proche de celle la lumière (300 000 km/s), entrent en collision à une énergie encore jamais atteinte, sept fois supérieure à l’accélérateur de Chicago, le plus puissant jusqu’ici ! Une myriade de particules « élémentaires » se créé alors, semblables à celles émises lors du Big Bang et aujourd’hui disparues ! Un scénario idyllique…qui aurait pu se produire dès le mois de septembre 2008, si le fonctionnement du LHC n’avait pas été stoppé par une cascade d’événements malencontreux ! En effet, pour guider les protons dans leur course et accélérer les faisceaux de protons, plus de 9000 aimants sont en place au sein du LHC. Des aimants particuliers, qui, grâce à un système de circulation d’hélium liquide sont refroidis à une température de -271°C pour ne pas opposer de résistance électrique. Mais l’an dernier, à cause d’une mauvaise soudure sur un câble reliant deux aimants, un court-circuit s’est en effet produit, créant un arc électrique qui a fait fondre l’enceinte autour du câble. L’hélium s’y est engouffré violemment, endommageant une cinquantaine d’aimants et souillant sur près d’un kilomètre, les tubes où circulent les particules ! 14 mois d’arrêt pour une mauvaise soudure ! « Un sacré coup au moral sur le moment. Mais un délai minime au regard des 20 ans de gestation qui ont été nécessaires à la conception du LHC » tempère Yves Sirois. Du coup, les scientifiques se sont remis au travail.
A la recherche du boson de Higgs
Car l’enjeu est de taille : il s’agit de « comprendre la brisure de symétrie électrofaible » c’est-à-dire de découvrir ce qui est responsable de la masse des particules. « Dans la théorie physique -appelée « Modèle Standard »- qui décrit le comportement des particules, le responsable, c’est le boson de Higgs ». Cette particule théorique qui valide la théorie du Modèle Standard, reste pour l’instant introuvable. Sa découverte serait donc un véritable aboutissement pour les théories physiques actuelles. Avec, à la clef, la compréhension de la structure initiale de l’univers peu après le Big Bang et la connaissance des interactions fondamentales entre les particules. Mieux encore, les expériences du LHC pourraient permettre d’identifier les particules qui constituent la matière noire ! Une substance fantôme qui formerait 90% de la matière dans l’Univers et qui interviendrait dans la rotation des galaxies. De quoi laisser rêveur !
En pratique, au cœur du LHC, les paquets de particules entreront en collision au niveau de quatre aiguillages où se trouvent quatre immenses appareils de détection et de mesure nommés Atlas, CMS, Alice et LHCb. Les deux premiers sont des détecteurs dits universels. « Ils ont pour vocation de traiter l’ensemble des problèmes physiques que se pose le LHC » indique Yves Sirois. « Les résultats obtenus vont certainement façonner la physique des particules du 21ème siècle. On ne peut pas se permettre de baser toute l’évolution d’une discipline sur une expérience unique. La confrontation des résultats entre le CMS et l’Atlas est donc essentielle ! » précise Daniel Fournier, responsable CNRS de l’Atlas. Le troisième détecteur, Alice étudiera plus spécifiquement la matière telle qu’elle se présentait dans les premiers instants de l’Univers. Quant au LHCb, il tentera de percer les mystères de l’antimatière, disparue en quasi-totalité peu après le Big Bang.
Un redémarrage en douceur
Et cette fois-ci, pour mettre toutes les chances de leur côté, les scientifiques ont décidé de redémarrer le LHC en douceur, à « faible » énergie : 450 Giga electron Volt, afin « de suivre le parcours des protons dans la machine, de contrôler les dimensions de leurs faisceaux et de les synchroniser ». Le but étant « qu’ils entrent en collision aux bons endroits » confie le physicien François Vazeille du Cern. Car, si tout se passe bien, le Cern envisage de réaliser des collisions à 1200 GeV avant Noël, « ce qui serait déjà un record du monde » ! A terme, les expériences devraient se faire à près de 7 000 GeV. Après un an d’attente et de tests, les physiciens sont désormais plus prêts que jamais à faire entrer le LHC dans l’histoire des sciences !
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