Virgin Galactic : le même, en plus gros
Bon, ça y est, on sait comment enfin on pourra débourser ses 200 000 dollars pour aller se balader quelques minutes en apesanteur. Virgin et son directeur hyper-médiatique viennent de révéler hier soir le look de leur engin spatial, disponible début 2009. Pour les profanes, ça décoiffe, pour les connaisseurs c’est une simple redite.

Pour tout avouer, c’est sans trop de surprises en effet pour les connaisseurs qui avaient suivi les premiers pas du premier vaisseau spatial imaginé par ce génie de l’aviation qu’est Burt Rutan, l’homme aux avions incroyables. Le roi, sinon l’empereur de la formule canard en aviation. Le Blériot du XXIe siècle qui accumule depuis ces dernières années les prix et les honneurs.
L’engin dévoilé aujourd’hui par Virgin Galactic reprend entièrement en effet la recette élaborée pour la conquête du titre de premier vol spatial commercial avec SpaceShipOne, le 4 octobre 2004 (1er vol en apesanteur le 21 juin 2004). Un engin aujourd’hui accroché au plafond du Smithsonian Museum, en bonne compagnie, entre l’avion de Lindbergh, le X-1 de Yeager et une cabine Apollo ! Celle d’un engin gigogne, composé d’un avion porteur, cette fois devenu quadriréacteur, qui embarque sous son aile un petit engin muni d’un moteur fusée alimenté par un mélange surprenant, et qui s’élance une fois largué à la verticale à l’assaut de l’apesanteur. Une fois arrivé en altitude, l’engin, pour redescendre se "casse" comme un casse-noix, devenant une sorte de balle de badminton dont le volant serait sa queue relevée, selon la trouvaille de Burt Rutan, découverte en jouant dans son jardin avec son petit-fils. Un des coups de génie de Rutan qui avait trouvé là le moyen de descendre plus lentement sans échauffer de trop l’engin dans l’atmosphère terrestre. Une fois l’aéroport en vue, l’appareil sort le train, encore une fois calqué sur le premier modèle, aujourd’hui suspendu dans le hall du musée. A savoir deux roues "normales" et, à l’avant,... une simple spatule de carbone, qui sert de train avant... elle freine en même temps qu’elle s’use, si bien qu’on doit la changer à chaque vol, mais cela évite la mise au point de coûteux et lourds freins au carbone, qui d’ailleurs ne résisteraient pas longtemps à plusieurs vols consécutifs.
Rutan prouve avec son nouveau projet que sa copie de départ était intégralement bonne. Un vaisseau en carbone, aux petites ouvertures, qui sur le modèle d’origine étaient toutes circulaires, ce qui en avait étonné plus d’un : en fait, ce faisant, l’équipe de Burt avait trouvé la résolution de deux problèmes en même temps : d’une part d’éliminer les contraintes sur les bords, capables de produire le genre de criques qui avait autrefois fait sauter en vol le Comet, et d’autre part de faciliter la production, tous les hublots ayant le même diamètre. Cette fois, les hublots des trois coques (les deux pontons de l’avion porteur et la fusée) ont des formes triangulaires à sommets arrondis... et nous ça nous plaît bien en France, car c’était la forme idéale qu’avaient trouvé en leur temps les concepteurs de la superbe Caravelle. Pour ce qui est de la propulsion de l’engin satellisable, on garde la recette de sorcière concoctée pour le premier design. A savoir de la poudre de pneu amalgamée (comburant solide) dans laquelle on introduit un jet de gaz hilarant (protoxyde d’azote, carburant liquide). Ça produit une odeur épouvantable, mais ça fabrique une poussée conséquente, suffisante pour atteindre les 100 000 m officiels. L’ensemble est toujours aussi surprenant, même si on le trouve moins élégant que le premier projet. Rutan, l’artiste, a dû concilier budget, économies et besoins commerciaux : résultat c’est moins... beau, surtout le porteur, qui n’atteindra jamais à la perfection du look d’insecte du Proteus. Il n’empêche : le nouvel avion porteur, le WhiteKnight Two, brise encore un tabou de plus, ce à quoi Burt Rutan nous avait habitués : à ma connaissance, c’est le seul quadriréacteur tout carbone de l’histoire de l’aviation.
Cinq vaisseaux sont en construction, le premier s’appelant VSS (Virgin Space Ship) Enterprise... un nom qui devrait logiquement vous rappeler quelques souvenirs. Chacun pourra emporter 7 passagers et deux pilotes, à partir de la porte de l’espace que constitue Le Mojave Space Center. A condition que tout se passe bien : le 7 juillet dernier une explosion avait ravagé l’endroit où des employés chargeaient le prototype du nouveau moteur, faisant 3 morts et 3 blessés graves. La conquête spatiale a beau vouloir devenir tourisme spatial, cela reste néanmoins un sport à risques. Le gamin qui jouait dans son canapé avec un avion de balsa peut être aujourd’hui heureux : il va réaliser pour la deuxième fois son rêve d’enfant. C’est plutôt rare pour être ici souligné. Pour voir ses avions partir pour une tour en apesanteur Rutan n’aura pas à aller très loin : il habite à 5 km à peine du SpacePort, dans une maison semi-enterrée assez singulière, à son image donc. A voir sa boîte à lettres disons particulière, on se dit que l’homme aux rouflaquettes les plus célèbres de la planète est vraiment un doux dingue dans son genre, qui continue à nous faire rêver, chose rare de nos jours, avec ses projets fous.
Un autre qui lui aussi avait réalisé pleinement ses rêves : il s’appelait Scott Crossfield et avait tenu à être présent lors de l’arrivée au Mojave aéroport du premier vol qualificatif du SpaceShipOne : Burt Rutan en avait fait son invité de marque, en hommage à sa carrière éblouissante. Un vieux monsieur au regard éternellement doux, qui mourra à peine quelques semaines plus tard en pleine tempête à bord de son petit avion personnel. Un grand monsieur lui aussi, qui avait été pilote d’un nombre conséquent d’avions expérimentaux, le premier à passer Mach2, le 20 novembre 1953 (D-558-II Skyrocket), et ensuite le détenteur pendant plusieurs années du record du monde d’altitude en avion avec le fabuleux X-15. On aura aussi une pensée, lors du premier vol de SpaceShipTwo, pour le milliardaire Steve Fossett, qui a fait deux fois le tour du monde à bord d’un des plus merveilleux avions dessinés par Burt Rutan. Il a disparu le 3 septembre dernier dans le désert du Nevada et, à cette date, on n’a toujours pas retrouvé l’endroit du crash probable de son petit avion de tourisme.
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