Internet 2.0 et l’individu hypersocial
« Dis-moi qui tu connais et je te dirai qui tu es » est un adage bien connu. Les derniers développements autour de l’Internet social démultiplient les univers relationnels des individus. Alors, qui sommes-nous ?
L’Internet est une invention déjà ancienne mais son essor auprès du grand public remonte en gros à 10 ans. Cette relative jeunesse est en réalité un âge canonique à l’échelle des nouvelles technologies. A 10 ans, Internet a déjà connu non pas une mais plusieurs crises d’adolescence, accompagnées de leur cortège de mutations. Né dans l’esprit du libre partage des connaissances, le Web a d’abord été la Toile de l’accès généralisé à l’information, comme une bibliothèque d’Alexandrie virtuelle accessible de partout. Vers 1998-1999, les marchands sont venus envahir ce temple du savoir. Ce fut l’époque de la "nouvelle économie", des cyber-vendeurs, du e-commerce. De nombreux apprentis rois du monde se sont envolés à califourchon sur une bulle et nombreux se sont réveillés de leur beau rêve tout endoloris lorsque la bulle a éclaté. Mais Internet s’est relevé, lui, et on assiste depuis quelques mois à un nouveau phénomène : celui de l’Internet social. Ou un réseau qui ne se contente plus de tisser des liens entre des pages HTML mais entre les gens.
Dans cette mouvance, on retrouve bien sûr les blogs, qui ont rendu la publication sur l’Internet accessible à tous. Dans la blogosphère, de véritables conversations se construisent jour après jour, et lorsque les articles se répondent (par les commentaires, liens croisés et autres "trackbacks"), se sont des gens qui apprennent à se connaître. De nombreux blogueurs aiment à se rencontrer dans le monde physique, de manière informelle. J’ai été frappé, lors d’une participation à un événement de blogueurs, de constater que des gens qui ne s’étaient jamais vus auparavant se connaissaient en fait fort bien car ils lisaient leurs blogs respectifs. Dans le même esprit, les réseaux relationnels visant à mettre leurs membres en relation (que ce soit à des fins professionnelles, amicales voire amoureuses) augmentent encore cette cyber-sociabilité. Pour prendre un troisième exemple, la plupart des internautes participent, avec plus ou moins d’intensité, à des forums, wikis et autres communautés virtuelles.
Ainsi, les sphères sociales de l’individu se multiplient sous la poussée d’Internet. Schématiquement, on peut distinguer trois types d’internautes. Le "traditionnel" échange des courriels avec les personnes qu’il connaît, utilise des produits grand public de messagerie instantanée (comme MSN) voire des logiciels de téléphonie par Internet (comme Skype) pour échanger avec ses proches. Le Web est pour lui un nouvel outil de communication avec ses contacts du monde physique. Une deuxième catégorie comprend les internautes qui participent régulièrement à des forums, qui pratiquent le chat, ont l’habitude des "pseudos" et ont appris à gérer une identité virtuelle distincte de leur identité physique. Enfin, le troisième groupe est celui des individus que je qualifierais d’hypersociaux. Ils ont des relations régulières avec des personnes qu’ils n’ont jamais rencontrées physiquement. Ils sont blogueurs, inscrits sur des réseaux sociaux et conjuguent sphères virtuelles et physiques selon toute une gamme de possibilités : égalité entre leur identité physique et numérique (cas des wikistes qui contribuent sur des sites avec leur vrai nom), distinction entre les deux (utilisation de pseudonymes), rencontres réelles avec des personnes rencontrées sur Internet ou stricte séparation entre les deux mondes, etc. Ces personnes ont acquis des compétences, une virtuosité qui leur permettent de gérer leurs différents niveaux de sociabilité selon leurs envies.
Cette hypersociabilité soulève bien sûr de nombreuses questions : quelle séparation entre la vie privée et la vie publique ? Peut-on avoir suffisamment de temps pour gérer tous ces niveaux ? De qui est-on proche, finalement ?
Dans cet environnement, nous sommes tous en phase d’apprentissage, nous explorons ensemble un monde nouveau que nous construisons simultanément. "May you live in interesting times" disent les anglo-saxons. Nous y sommes.
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