Je vis depuis une trentaine d’années en désaccord fondamental avec ma famille ; aujourd’hui à 46 ans je qualifierais cette différence de politique, ou idéologique. En gros ils sont des capitalistes et des consommateurs convaincus et actifs, pour ma part j’ai toujours privilégié des choix de métiers centrés sur mes intérêts profonds, sans me soucier des aspects financiers. Le conflit a éclaté lors de ma première orientation professionnelle : je voulais faire un apprentissage dans l’artisanat, ma mère souhaitait un métier plus rémunérateur... le chemin a été difficile, car j’ai refusé ce que me proposait les adultes à 15 ans pour suivre ma propre voie ; ma famille m’a retiré son soutien financier et surtout affectif, et j’ai lutté seule, et j’ai accompli mes rêves d’alors. Mais quelle bataille ! A présent que l’idéologie dominante vire de bord et qu’on commence à parler de décroissance, je vois ma famille comprendre petit à petit que je n’avais pas tout à fait tort, je les vois usés, aigris par cette course à l’argent à laquelle ils ont tout sacrifié, au milieu de cette masse incroyable d’objets auxquels ils tiennent tant, et qui les fait souffrir, car ils leur ont couté si cher, qu’ils ont si peur de les perdre, alors pour moi ils se sont fait piéger et moi je me sens si libre, et si jeune...Je vote à gauche, ma famille à droite vous l’aurez compris, sauf aux dernières ou certains ont préféré ségolène à sarko (quand même !) ; je suis travailleuse sociale, et ma famille est commerçante... j’ai galéré beaucoup, j’ai peu d’argent et vis en hlm, mais je suis fière de la vie que j’ai mené, toujours fidèle à mes convictions, envers et contre tous, c’est un peu le sens de mon histoire, celui donné par ce conflit familial qui a modelé ma personnalité. J’y ai éprouvé mon intégrité morale, quoi de plus précieux, de pouvoir en arrivant à la cinquantaine, regarder derrière soi le chemin parcouru, se souvenir de nos rêves à 15 ans, de qui on voulait devenir, quel genre d’être humain, et de se dire qu’on a réussi ?