Vous avez tout à fait raison. La vie dans les DOM est à tous points de vue, et contrairement à l’image idylique que s’en font les métropolitains, beaucoup plus difficile que dans le reste du térritoire (prix très élevés, salaires plus bas, chomage important, et magouilles en tout genre de la part de certains elus locaux). L’existence d’une taxe à l’intérieur même du territoire français et totalement inadmissible, mais que voulez-vous les très honnètes élus locaux font tout pour la conserver au détriment des consommateurs. J’ajoute que les produits locaux, même sans cette taxe, sont malgré tout beaucoup plus cher que les produits d’importation ! Que reste-t-il au consommateur « domien » ? le droit de se faire plumer, hélas.
« Mais vous avez le soleil et la mer alors ne vous plaignez pas » me suis-je déjà vu répondre. Loin des yeux, loin du coeur...
Merci à vous pour votre soutien . Le difficulté du sujet est qu’il y a une sorte de meli-melo entre les points de vue de mes « adversaires ». Et il me semble qu’au fond il ne sont pas si conciliable que ça : d’un coté il y a ceux qui jugent que Rindy Sam a donné une bonne leçon à un art contemporain ininteressant et se rejouisse de la destruction de ce qu’ils pense être une escroquerie, de l’autre ceux qui estiment que le geste de Rindy est un happening d’art contemporain et a donc une valeur artistique. Et à mon avis, malgré leur accord de façade, ces deux positions sont en fait totalement contradictoires.
Je partage assez largement ce que vous dites sur le monde de l’art et la façon dont les lois de l’économie se sont greffées dessus. Malheureusement plus rien n’échappe à la « marchandisation » universelle, pas même les hommes...
Je pense que j’arrive à comprendre votre point de vue sur cette affaire. Quelques escrocs produiraient des oeuvres faciles et chères qui bénéficieraient d’une « bulle » ou d’un effet de mode exagérant considérablement leurs valeurs. A quel moment peut-on parler d’escroquerie ou d’arnaque quand le vendeur et l’acheteur sont tous les deux satisfaits ? Sûrement quand le seul prix d’une oeuvre est considéré comme le garant de sa qualité artistique et sur ce point je vous rejoins. Je ne connais pas suffisamment bien les hautes sphères du monde artistique pour savoir si certains charlatans finissent par être finalement reconnu à leur « juste » valeur mais d’après ce que certains professionnels m’ont dit, c’est le cas. Même s’il y a une bulle, volontairement provoquée, à un moment donnée autour d’un « artiste » de ce type, les véritables critiques d’art, et le temps, permettraient découvrir le pot aux roses au bout de quelques dizaines d’années. J’ignore si c’est vrai, mais cela laisse espérer que tout ne serait pas totalement pourri par la loi de l’argent.
Personnellement, je ne connais pas suffisamment Cy Twombly pour juger de son intégrité. Les données objectives dont je dispose c’est qu’il a une place dans les grands musées publics et que la toile abîmée date, il me semble, de 1974. Donc je suppose que si c’était un charlatan il aurait sans doute déjà été oublié. J’aurais donc tendance à lui accorder le bénéfice du doute, et c’est pour ça que je le défends.
Quant aux millions d’euros réclamés par la galerie à Rindy Sam, qui n’est apparemment pas très argentée, c’est ridiculement disproportionné, un euro symbolique assorti à la limite d’une petite peine d’intérêt général (mais pas dans un musée ! ) serait amplement suffisant. D’autant plus que ses intentions n’étaient pas mauvaises au départ. Et puis je pense qu’elle ne recommencera plus.
« est-il bien acceptable que des oeuvres classiques et historiques puissent demeurer privées ? N’est-ce pas une forme de hold-up culturel par le pouvoir de l’argent, en un sens largement aussi grave que la destruction de statues, qu’un particulier richissime, ou une entreprise, puisse s’accaparer des oeuvres de portée universelle pour, à leur bon vouloir, les exposer ou bien les receler comme les 40 voleurs dans des caves à trésors ? »
Hélas, je regrette autant que vous cet état de fait. Il arrive que les possesseurs d’oeuvres les aient acheté à bas prix à l’artiste au moment ou personne n’en voulait. Elles ont au moins eut le mérite de lui permettre de manger ce qui n’est pas toujours évident quand on est dans ce métier. Après une fois que c’est devenu des classiques, que faire ? Peut-on leur prendre de force ce qu’ils ont acquis somme toute honnêtement ? Je ne sais pas si vous avez visité l’exposition consacré la galerie Vollard au musée d’Orsay, mais on pouvait saisir toute l’ambiguïté du commerce artistique. Pour résumer, Amboise Vollard était un marchand de tableaux manifestement passionné d’art, il a permis à des artistes en difficulté de vivre en leur achetant des oeuvres en leur faisant des commandes ou en leur versant des rentes, mais il revendait ces même tableaux en faisant plusieurs fois la culbute par rapport au prix qu’il les avaient acheté. Certains de ces artistes le voyaient comme un mécènes, d’autres comme un escroc qui ne payait pas leurs oeuvres à leur juste valeur. Difficile de trancher...
L’acheteur peut aussi prendre un risque en payant très cher une oeuvre qui ne vaudra plus rien d’ici quelques année et qui finira dans les brocantes. Franchement j’ai du mal à me positionner à ce sujet. Il y a des collectionneurs qui enferment leurs tableaux dans des coffres dans un but de spéculation, effectivement, mais il y a aussi de vrai passionnés qui permettent encore une fois de faire vivre les artistes qui ne se nourrissent pas, malheureusement, que d’amour de l’art et d’eau fraîche.
Au sujet des réquisitions, il paraîtrait aussi que la politique de l’état en la matière n’est pas toujours très loyale ou honnête et qu’il aurait des pratiques assez douteuses pour s’approprier les chef d’oeuvres lors de successions. La fin est peut-être louable (donner accès à l’oeuvre au public) mais la fin justifie-t-elle toujours les moyens ?
Une autre solution possible serait l’achat par l’état des oeuvres d’artistes contemporains, ça existe déjà (les FRAC ou les commandes) mais il y a parfois des protestations quant aux sommes dépensées et le risque que les oeuvres soient façonnées pour correspondre au goût de ces FRAC.
La question c’est aussi qui décide de ce qui est de l’art « noble » ou ce qui n’en est pas ? Dans quelle mesure la fracture totale existant avec le public (c’est lui qui paye dans le cas des FRAC...) n’est elle pas préjudiciable sur le long terme ?
Sinon on pourrait demander à l’état de verser une « rente » aux artistes à condition qu’ils donnent leurs oeuvres à l’état... Mais là encore se pose la question, sur quels critères doit on se baser pour sélectionner les heureux élus ?
« Or, que je sache, le baiser de Rindy Sam ne souille pas davantage l’oeuvre que pourrait le faire son propriétaire s’il lui prenait la lubie de faire un geste similaire, ou bien d’y mettre le feu. Mais dans la situation actuelle, inéquitable, personne ne serait en droit de demander, au nom de l’art, réparation à cet heureux possesseur, même s’il s’agissait d’une oeuvre inestimable, dont les foules seraient à jamais privées. »
En france, nous avons des lois relativement protectrices par rapport aux artistes et à leurs droits sur les oeuvres. Je ne suis pas experte en droit mais il existe un droit inaliénable, que l’on ne peut acheter, qui est le droit moral : « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. », selon l’article L 121-1 al. 2 du CPI, le droit moral est perpétuel, imprescriptible et inaliénable (CF wikipédia).
Donc il est illégal, en France, de détruire ou d’altérer une oeuvre que l’on a pas créé, même si on la possède.
Ouf ! Désolée pour ce gros pavé, mais ce sujet m’intéresse particulièrement et il est agréable de discuter avec vous.
PS : L’avatar est un petit gribouillis de mon cru. C’est pas très du grand art mais bon , contente, que vous l’aimiez !
Merci pour votre réponse très développée.
Il y a plusieurs choses très intéressantes dans ce que vous soulevez sur lesquelles je souhaiterais revenir. Lorsque je vous lis, je ne comprends pas que vous défendiez un point de vue aussi différent du mien car il me semble que nos conceptions sont en fait assez proches.
Je crois, dites moi si je me trompe, que vous défendez une position subjectiviste revendiquée. Quant à moi, j’essaye de me placer sur un plan peut-être plus général. J’aurais tendance, subjectivement à être d’accord avec vous (une toile vierge exposée, c’est un peu du foutage de gueule). Cependant j’estime que mes propres goûts ne doivent pas être érigés en critère universel de jugement artistique, et donc j’estime que, même les oeuvres que je n’aime pas ont le droit d’exister, et je défendrais ce droit, pour plusieurs raisons :
- La première et la plus évidente, c’est que je ne suis pas seule au monde, et que certaines personne peuvent apprécier ce travail, donc je ne vois pas de quel droit je me permettrais de les priver de ce plaisir, même s’il est différent du mien.
- La deuxième c’est que mes propre goûts changent, évoluent, et qu’un jour, parce que j’aurais lu tel ou tel livre, parce que j’aurais vu tel ou tel oeuvre, j’apprécierai peut-être ce monochrome. Lorsque j’étais plus jeune par exemple, je détestais le cubisme parce que je trouvais ça moche, mais lorsque j’ai compris le cheminement intellectuel qui y a avait mené, je n’ai pu m’empêcher d’admirer la beauté et l’ingéniosité de l’idée.
J’ai compris aussi qu’il y a plusieurs façon d’aimer une oeuvre d’art : l’une d’elle est instinctive, émotive, subjective et immédiate, à la première seconde on est époustouflé, cette façon d’apprécier une oeuvre est commune à tous les êtres humains. L’autre est plus lente et plus intellectuelle, elle demande une certaine connaissance et de la maturation, la meilleure comparaison que je puisse faire est celle d’un oenologue qui apprécierait les saveurs les plus subtiles d’un vin. On comprend à quoi l’oeuvre fait écho dans l’histoire de l’art et quelles problématiques elle tente de résoudre.
C’est le plaisir de l’émotion ou le plaisir intellectuel, et il est fréquent que les deux cohabitent dans une même oeuvre. Aucun n’est supérieur à l’autre d’ailleurs.
Lorsque vous dites « elle apporte, quel qu’il soit, un sens à ce qui en était dépourvu, puis, je l’espère, une vie esthétique », je trouve que vous allez un peu vite en besogne. Qui vous dit que le tableau de Cy Twombly n’en avait pas ? Moi je vois mille sens possible à une toile vierge, et j’aimerais savoir ce que lui même en dit et comment il justifie son oeuvre. Je vous donne un exemple de la signification possible d’une toile blanche (que j’invente, hein, je ne connais pas le discours de Twombly, d’autant que sa toile fait partie d’un ensemble) :
Permettez moi de vous citer : « L’art ne pourra jamais atteindre à la perfection de la nature car il est par essence artifice. Il prétend fixer le Beau dans une forme donnée et illusoire, alors que la pure harmonie de la nature réside en son évolution permanente. Or la peinture la plus réussie, la plus magnifique photo où la représentation filmée d’un coucher de soleil ne procurera jamais une émotion aussi vraie que la perception du phénomène lui-même. »
Une toile vierge peut très bien signifer ce que vous venez de dire : l’incapacité de l’art à faire mieux que la nature, l’artiste, s’avouant vaincu, décide alors de livrer une toile vierge montrant son incapacité à dépasser la beauté du monde réel. Ce serait une jolie idée, non ?
Sinon, je voudrais revenir sur un point de détail sur lequel je ne suis pas d’accord : « Il n’en va pas de même de »l’oeuvre« d’un contemporain, surtout si elle demeure encore dans le ressort du privé. » De nombreux chef d’oeuvres classiques appartiennent encore à des collections privées. En outre une bonne partie des oeuvres des musées publics sont des legs de collections privées et nous avons des chances de voir un jour l’oeuvre de Cy Twomly au centre Pompidou qui en possède d’ailleurs une toile. De plus il existe de nombreux musées privés, créés par des collectionneurs désireux de faire partager au public leurs collection (le musée Jacquemart-André à Paris par exemple). Enfin, il ne faut pas décourager les collectionneurs privés a réaliser des expositions publiques comme ce fut le cas pour le tableau de Cy Twombly. Ce baiser va instaurer la méfiance des collectionneurs et j’ai peur qu’à cause de cet incident, certaines toiles ne sortent plus jamais du domicile de leur propriétaire qui auront peur qu’elle soient détériorés. Quel dommage, pour nous tous, qu’à cause d’un geste irréfléchi, de nombreuses oeuvres deviennent désormais inaccessibles au regard du commun des mortels.
J’avais décidé de ne plus réagir sur ce thread, car j’ai été insulté par l’auteur de l’article qui n’accepte aucune contradiction. Je réponds car vous vous adressez à moi et que vous le faites de façon courtoise. Pour répondre à votre question, je ne suis pas galliériste et je n’ai pas les moyens d’acheter des tableaux, même si, disons, je m’intéresse de très près au monde artistique, pas uniquement celui des musées ou des expos, et pas uniquement en tant que spectateur.
En outre, même si j’en avais les moyens je n’achèterais jamais des oeuvre dans le style de Cy Twombly.
Je résonne sûrement en petite bourgeoise en affirmant qu’entre artistes, comme dans toute profession, il y a un minimum de déontologie à avoir. Se faire connaître en se greffant de façon maladroite sur le succès (mérité ou pas) d’un autre artiste, sans son accord, en abîmant son travail, et en déformant son propos, c’est une pratique de sangsue. Bon ça, c’est un point de vue moral, en dehors de toute considération artistique, et je sais que beaucoup ne le partagent pas.
Inversons donc les sujets : Qu’aurait-on dit si Cy Twombly, artiste reconnu, estimant que les toiles de Rindy Sam étaient des croutes, avaient recouvert un de ses tableau de peinture blanche ? Et surtout, que se serait-il passé si le tableau détérioré avait été un tableau classique ? Parce que jusqu’ici personne n’a répondu à cette question.
Donc, avant d’avancer plus en profondeur, j’aimerais que vous me répondiez sur point :
La Joconde, l’original, maculée de façon irrémédiable par un baiser rouge, c’est de l’art ou pas ? Vous êtes pour ou contre ?
Concernant la qualité intrinsèque de l’oeuvre : Pour vous le monochrome de Cy Twombly n’est pas de l’art et le baiser de Rindy Ram, en est. Je vous pose donc une autre question : sur quoi se base votre jugement ?