Je suis bipolaire et j’ai la chance d’être stabilisé depuis 6 ans avec du lithium et après avoir fait de la psychoéducation.
Votre article est intéressant, simplement je souhaite dire que les diagnostiques sont posés en moyenne environ dix ans après les premiers symptômes et le problème du sur-diagnostic est aussi important comme vous pouvez le constater. Les effets secondaires inutiles sont une conséquence préoccupante du sur-diagnostic parce que les stabilisateurs de l’humeur constituent le traitement de choix pour ce trouble, le sur-diagnostic expose les patients à de sérieux effets secondaires incluant un impact possible sur les fonctions rénale, endocrine, hépatique, immunologique et métabolique.
C’est le DSM IV qui aide à ce diagnostic et qui définit ses classifications Il y a effectivement une plus grande médiatisation dutrouble bipolaire depuis les années 2000, et cela, comme à l’habitude, entraîne certains psychiatres à suivre la mode et à voir du TB partout. L’extension de la connaissance du TB aux versions atténuées le "spectre bipolaire" amène aussi, chez certains médecins, à une dilution des critéres diagnostiques. Cette version élargie, dimensionelle, du TB n’est pas sans danger comme vous le soulignez.
Il ya une chose importante qu’il faut ajouter aussi parce qu’elle est de taille, c’est la place prépondérante qu’occupe la psychanalyse dans notre pays. Les plus récentes enquêtes menées sur les pratiques des psychiatres français indiquent qu’environ les trois quarts d’entre eux se réfèrent aux théories psychanalytiques dans la prise en charge de leurs patients. La situation est encore plus particulière dans le monde de la psychologie : la plupart des facultés de psychologie françaises n’enseignent aux futurs cliniciens que les approches thérapeutiques dérivées des idées freudiennes.
Et quand on sait que la psychanalyse n’appartient plus aux traitements modernes des troubles mentaux, c’est aussi un facteur qui va aggraver l’accès aux soins et aux traitements. La psychiatrie internationale (celle des pays d’europe du nord et germanique, pays anglo-saxons, États-Unis, Canada, etc.) est médicale, scientifique et pragmatique. La psychiatrie française est philosophique, littéraire et intellectuelle et donc plus destinée aux bobos qui aiment se gratter le nombril. Seule contre tous, la psychiatrie française se complait dans son statut d’« exception ». La posture a certes du panache, mais elle n’aide pas les patients en tout cas !...
Cette intellectualisation très forte et très française de la psychanalyse, en abandonnant parfois le souci du patient au profit de schémas interprétatifs plus abstraits, a laissé en déshérence toute une population de patients demandeurs qui se sont tournés alors vers leurs médecins. Quel bel effet pervers : le règne sans partage de la psychanalyse a ainsi favorisé le recours excessif aux médicaments du psychisme ! La France est devenu ainsi quasiment le seul pays avancé où, institutionnellement, entre le Prozac et le divan il n’y aurait place pour rien !
Il semble qu’une prise de conscience (bien tardive) s’opère cependant sur la grande misère de la prise en charge de la maladie mentale en France, maintenant les thérapies comportementales sont proposés en raisons de leur efficacité reconnues et offrent ainsi une alternative aux patients qui, jusqu’alors, n’avaient le choix qu’entre la psychanalyse et… la psychanalyse. Est-il normal de répondre que notre souffrance n’exprime pas « une vraie souffrance », que ce ne sont que les symptômes d’une souffrance inconsciente ? Existerait-il de vraies et de fausses souffrances psychiques ; des nobles, celles que l’analyse mettrait au jour ou dont elle ferait, enfin, accoucher le patient, et de moins nobles ?
Merci de m’avoir lu, je souhaitai juste vous apporter une vision plus large encore du monde de la psychiatrie en France. Heureusement, il existe une minorité de psychiatres qui souhaite changer les choses mais qui demande des engagements de tout le monde concerné.