S’il y a jamais eu une civilisation d’esclaves dans les grandes largeurs, c’est bien la civilisation moderne actuelle. Aucune culture traditionnelle n’a vu d’aussi grandes masses condamnées à un travail aveugle, automatique et sans âme : esclavage qui n’a même pas pour contrepartie la haute stature et la réalité tangible de figures de seigneurs et de dominateurs, mais est imposé de façon anodine à travers la tyrannie du facteur économique et des structures d’une société devenue individualiste.
Il y a aujourd’hui une infinité d‘hommes sur une terre sans lumière, réduits à une pure quantité – et seulement à une quantité – rendus égaux par l’identité matérielle des parties dépendantesd’un mécanisme laissé à lui-même, tournant à vide et sans contrôle possible – voilà la perspective qui est au bout de la voie économico-industrielle vers laquelle converge tout l’occident.
Et celui qui sent là poindre la mort de toute vie, l’avènement de la loi brute de la matière et le triomphe d’un fait d’autant plus effrayant qu’il ne repose sur personne, celui-là sent qu’il ne peut y avoir qu’un remède : rompre le joug de l’or, dépasser le fétiche social et la loi d’interdépendance, restaurer les valeurs chevaleresques, ces valeurs de qualité, de différence,d’héroïsme, ce sens de la réalité métaphysique contre lequel, aujourd’hui, tout se rebelle.
S’il devait être question d’une réaction de fond contre le système, ce qui revient à dire contre les structures de la société et de cette civilisation de l’argent roi en général, il y a peu de perspectives. Il ne s’agirait pas de contester ou de polémiquer mais de tout faire sauter : ce qui, à ce jour, est évidemment de l’ordre de la fantaisie ou de l’utopie, en laissant une bonne place à l’anarchisme sporadique.