Vous souhaitez réctifier quelques vérités, soit. Alors réctifiez-les toutes, à commencer par cette considération sur le « sionisme » de Pascal Bernheim au seul motif que son nom sonne juif. Je ne crois pas que sa mauvaise blague dans l’émission de la TSR ait un quelconque rapport avec sa confession. Amalgame que Dieudonné s’est empressé de faire, parlant à son égard de « riche producteur suisse ». Car c’est bien connu, tous les Juifs sont richissimes. Malheureusement, Dieudonné n’a pas pris la peine de se renseigner sur le rôle de « producteur » en radio, qui désigne simplement le responsable d’une émission. Je peux vous assurer qu’être producteur à la Radio Suisse Romande est un job nettement moins bien payé qu’humoriste pas drôle.
Ce qui est sidérant, c’est que ce discours fait toujours abstraction des autres sources de revenus qui se sont développées dans le même temps : les DVDs, les jeux vidéos, les ordinateurs, souvent vendus par les mêmes firmes (Sony, par ex.). Face à une multiplication des produits, reflétée par la raréfaction des espaces dévolus au disque dans les grandes surfaces, le consommateur n’a pas vu son pouvoir d’achat augmenter dans les mêmes proportions, que je sache. Il faudrait comparer les ventes de films en DVD et les ventes de CD, pour voir, sans doute, une jolie courbe inversément proportionnelle se dessiner. Voilà où sont vos milliards, chères, trop chères majors... Quant à l’argument du live, il me débecte au plus haut point : certes, les artistes peuvent gagner un brin d’argent par le biais des concerts, mais enfin le geste artistique majeur ne tient pas à cette seule « performance » éphémère. Les Beatles ont sans doute fait des concerts géniaux, mais qui d’entre-nous y était ? L’oeuvre enregistrée reste la seule valeur artistique durable, et qui plus est, avec les technologies d’aujourd’hui, enregistrer un disque peut être un geste radicalement différent de celui qui consiste à jouer les mêmes titres en live. En tant qu’artiste, très heureux de faire des disques, je trouve très suspecte cette survalorisation du live à laquelle on assiste aujourd’hui.