Il y a beaucoup de facteurs qui expliquent le "retour" du vinyle :
1. le mouvement vintage, pour la génération 80. On nous a fait écouter beaucoup de musique dans les années 90 dont on s’est rendu compte a posteriori qu’il ne s’agissait que d’une longue suite de reprises et de samples de titres des années 70. On a réalisé que dans les années 70, il y avait des musiciens de génie, des techniciens hors pairs, même pour jouer des tubes ultra-commerciaux (cf. l’immense catalogue de la Motown). Aujourd’hui, les charts sont remplis de samples mal utilisés qui ne font que donner envie d’écouter les originaux.
Du coup, au sortir de l’adolescence (où, j’avoue, je me contentais d’écouter ce qui passait en boucle à la radio) on a découvert les anciens, et on a été rétrospectivement déçus des nouveaux. Tels artistes 90’s qu’on pensait être des génies de la mélodie ou de la ligne de basse n’avaient en réalité fait que pomper comme des sales dans le catalogue de leur maison de disque. Les maisons de disques elles-mêmes, plutôt que de payer des musiciens à faire leur travail, trouvaient cela plus rentable...
Du coup, le retour de bâton est un mouvement vintage chez les plus de 20 ans, qui met au devant de la scène des groupes oubliés des années 60 et 70. Ce qui donne une certaine valeur aux vinyles de cette époque, et a enclenché une vague de rééditions, dont les prix sont raisonnables, puisqu’en concurrence (un mot que ne connaissent plus les majors aujourd’hui) avec des stocks considérables d’occasions.
2. Beaucoup, beaucoup de remixes et versions longues des titres nouveaux ne sortent qu’en vinyle. En particulier en électro et en hip-hop : ils sont destinés aux DJs, qui, malgré l’existence de matériels adaptés au CD ou au mp3, préfèrent le feeling du vinyle. Ces versions longues sont souvent un bonheur pour les oreilles, parce que, n’étant pas saucissonnées pour trouver place entre deux pages de pubs à la radio, elles laissent libre cours à l’inventivité et aux délires de leurs auteurs.
3. On avait beaucoup décrédibilisé le vinyle, en terme de restitution sonore, dans les années 90. Tout le monde se souvient du vinyle à papa de Georges Brassens qui craquait de manière insupportable ; en allant chez des amis qui passaient des vinyles sur des chaînes hi-fi de haute qualité, on s’est rendus compte que la différence de qualité musicale entre un 45t en bon état et un cd est totalement négligeable par rapport à la différence de restitution entre une chaîne hi-fi de base et une haut de gamme.
Dès lors, pourquoi payer les tarifs de plus en plus prohibitifs des cd alors que certains magasins de vinyles regorgent de bonnes affaires ? Mieux vaut s’acheter des vinyles et investir dans les enceintes !
4. L’objet est un plaisir à utiliser. Poser le bras sur le vinyle, épousseter le disque avant de le faire tourner... Peut-être que ça, ça nous passera. Mais une chose ne passera pas : la taille d’un vinyle est bien plus adaptée à la création de pochettes somptueuses que le cd. Les pochettes vinyles ont été à la source d’une créativité sans bornes ; parfois, on achète un 45t juste parce que sa pochette est belle. Ca ne risque pas d’arriver avec un cd...
5. Un autre retour de bâton a eu lieu avec le mp3. Ce format, qui a pris une place prépondérante dans de nombreuses collections personnelles d’amateurs musicophages, s’est avérés après coup avoir des défauts de jeunesse assez pénibles. Sa practicité a eu comme pendant une déperdition nette de qualité, surtout dans les taux d’échantillonnages utilisés à ses débuts, qui privilégiaient l’espace disque. Là où le vinyle, malgré son encombrement, peut se voir comme une autre alternative bon marché à l’achat de cd neufs.
En fait, dire qu’un vinyle sonne mieux qu’un cd, intrinsèquement, n’a pas de sens (la technologie ne marche pas à l’envers, tout de même). Par contre, lorsque le vinyle ne sonne pas de manière aussi neutre qu’un cd, le son "déformé" sonne bien quand même. Parfois, on peut même préférer, parce que les basses sont légèrement surmixées, ou bien qu’une légère distortion est perceptible (ce qu’on appelle la "rondeur" du son). Là où un mp3 mal encodé est une torture pour les oreilles de l’amateur. D’autre part, on note souvent que vers la fin des années 80, certaines conversions du vinyles au cd ont été faites de manière très grossières...
Moi je trouve le scénario des "happy few de la sg" un peu tiré par les cheveux, mais sur le principe je pense qu’on peut pas exclure quelque chose dans ce goût.
Je ne sais pas précisément comment ils ont réussi à se débarasser d’une position pareille, mais on ne peut pas leur en vouloir s’ils ont fait un peu de vente au gré à gré (c’est-à-dire sans passer par la bourse).
En effet, si j’avais pour 50 milliards d’avoirs à écouler le plus vite possible, j’essaierais de faire ça discrètement. Si le public commence à savoir que je dois me débarrasser de ces avoirs, ça va forcément faire baisser le prix de ce que je dois revendre ; donc il faut être discret. Du coup, mettre 50 milliards de titres sur le marché d’un coup, c’est pas forcément la bonne méthode.
Conséquemment j’essaierais de contacter des partenaires fiables (autres banques ou investisseurs qui tiennent à ce que la SoGé ne tombe pas, ne serait-ce que parce que les banques dans leur ensemble ont intérêt à ce que le grand public ait confiance en elles), afin de leur vendre une partie des actifs concernés au gré à gré. Nécessairement à pertes ; ça serait ça le deal : achète-moi pour 500 millions d’euros de titres à 95% de leur valeur, revends-les sur le marché à leur vraie valeur, garde les bénéfices, et surtout ne dis pas que je te les ai vendus avant qu’on ait rendu tout ça public.
(bien sûr 50 milliards ça fait beaucoup pour qu’ils aient pu tout écouler au gré à gré ; ils ont dû en mettre une bonne partie sur le marché quand même, mais en l’étalant sur plusieurs jours histoire d’être un peu discrets).
Bref, les gens à qui ils ont vendu leurs titres au gré à gré, investisseurs, banques étrangères (peut-être qu’on apprendra dans l’année que la Cour des Comptes en a acheté pour 10 milliards, allez savoir ;) ), eux se sont fait un peu d’argent pour le coup. Mais pour service rendu, alors je trouve ça réglo...
En revanche là où des particuliers ont pu faire de l’argent de manière illégale, c’est en délit d’initié. N’importe quel "gradé" de la SG qui était au courant de l’histoire, sachant que les titres que la SG allait revendre allaient probablement baisser, aura pu contacter ses amis pour leur dire de "jouer la baisse" (à la bourse, on peut aussi gagner de l’argent quand on sait qu’une valeur va baisser). Ceci dit, çe seraient des montants bien en-deçà des 50 milliards ; par contre, dans ce cas, il ne s’agirait pas des 4,9 milliards de pertes, qui eux se sont bel et bien envolés dans la nature.
Je voudrais apporter des précisions quant à l’aspect sécurité informatique.
Je ne suis pas expert ni en sécurité informatique, mais je suis tout de même informaticien, et j’ai travaillé à la Sogé. Je peux vous dire une chose : je n’ai JAMAIS vu un post-it avec un mot de passe quelconque accroché sur un quelconque écran d’ordinateur. Pas dans les services ou la sécurité informatique est aussi critique. Qu’un supérieur hiérarchique passe devant votre ordi et y voie votre mot de passe sur un Post-It, et vous vous assurez un vraiment sale quart d’heure dans le bureau de la RH !!
Le plus souvent l’employé n’a qu’un seul mot de passe à retenir, son mot de passe de session Windows (qui doit être changé tous les deux mois). Un seul mot de passe, suffisamment important pour qu’on n’ait pas besoin de Post-It pour le retenir. Au niveau utilisateur, on a par contre une pression constante de la hiérarchie pour s’assurer que chaque employé se déconnecte de sa session quand il quitte son écran des yeux, y compris juste deux secondes pour aller boire un verre d’eau.
En somme, de mon point de vue, il est quasiment impossible que Jérôme Kerviel ait volé un mot de passe. En revanche, la déposition de Jérôme Kerviel donne un éclairage sur la manière dont il s’y est pris.
Je la cite :
"J’ai alors fourni de faux justificatifs de saisie sur ces opérations, à savoir de faux mails. J’ai réalisé un faux mail en utilisant les possibilités qui me sont offertes par notre messagerie interne, à savoir une fonction qui me permet de réutiliser l’en-tête d’un mail qui m’est expédié en changeant le contenu du texte qui m’est envoyé. Il me suffisait alors de taper le texte que je souhaitais et le mail avait toute l’apparence d’un document original."
La messagerie interne dont il est question ici est a priori Lotus Notes (utilisée dans l’ensemble des deux tours de la Sogé à la Défense).
Je pense que Jérôme Kerviel a beaucoup plus probablement utilisé une des nombreuses complications fonctionnelles de ce logiciel qui est particulièrement difficile à comprendre et à utiliser, tant du point de vue utilisateur qu’administrateur (tous ceux qui s’y sont frottés savent de quoi je parle).
Si vous voulez plus de précisions sur ce que veut dire "une fonction qui me permet de réutiliser l’en-tête d’un mail qui m’est expédié en changement le contenu du texte", il faut aller demander ça aux experts de Lotus Notes. Je parie qu’il s’agit d’un paramètre de sécurité oublié par l’administrateur de la messagerie.
En tout cas, je peux vous dire à quoi ça vous mènera sans doute comme conclusion : Jérôme Kerviel n’a probablement pas piraté un quelconque ordinateur ni volé un quelconque mot de passe. Il a utilisé les limites atteintes aujourd’hui par les progiciels, qui sont devenus tellement gros et complexes qu’aujourd’hui il est parfois difficile de discerner une fonctionnalité d’un bug.
Bref, ils auraient bien pu avoir un système de reconnaissance de l’ADN digne d’un film de science-fiction, ça n’aurait strictement rien changé !!