Je suis le coordinateur de l’association Roule ma frite 17 qui travaille sur ces questions dans l’île d’Oléron en Charente Maritime (17). Merci à Mat pour l’article, tous les points sont abordés. Avant d’aller plus loin, je tenais juste à rappeler que un grand grand monsieur qui a bcp bossé sur ces questions s’appelle Christophe Oudelin, il est à la base de Roule ma frite Marseille et c’est un peu le papa de ces questions.
Concernant l’actualité autour de ces sujets et la problématiques/les polémiques entre gros, petits, industriels, associatifs, etc. il est évident que l’on touche un sujet sensible. Pas seulement car il s’agit d’énergie mais surtout, à mon sens, car l’on parle d’aménagement du territoire.
En effet, à partir du moment où la production (industrielle si possible) est centralisée à un endroit donné et proposée dans des lieux déterminés, il est extrêmement facile d’assurer une traçabilité de la distribution et donc de garder une vision globale sur le marché. C’est vrai pour le nucléaire avec l’EPR et la THT, les terminaux pétroliers, etc.
Relocalisation des centres énergétiques
A l’inverse, ce que nous proposons et préconisons c’est justement l’éclatement de ce modèle pour régionaliser à la fois les centres de production énergétique (en maximisant si la possible la revalorisation de la biomasse présente sous forme de déchet végétal. On a vu plus haut l’intérêt du cycle carbone) mais également les initiatives permettant de réduire l’empreinte écologique des acteurs (circuits courts, achats groupés, isolation, etc.).
Comme le dit fort justement Sobriquet à propos de l’huile de friture usagée recyclée ce n’est pas la solution universelle. Et pour deux raisons principales : I/ la solution universelle n’existe pas sauf à inventer demain l’électron propre (merci le marketing d’IBM sur les réseaux intelligents) et II/ seul l’élargissement du bouquet énergétique laissant une large part à l’efficacité pourra permettre de stabiliser voire (peut-être) réduire les émissions.
L’huile de friture usagée est donc intéressante si elle est considérée comme un outil pédagogique doté d’un fort effet d’entraînement. Pour rendre hommage à nos amis de la grande distribution, il s’agit d’une tête de gondole : tout le monde mange des frites et quiconque a déjà dû trimballer de l’huile sait que c’est dégeulasse à manipuler. Enfin pas grand monde ne se déplace pas en voiture. Donc si d’une pierre trois coup on peut collecter, revaloriser et substituer aux produits hydrocarburés c’est tout bénéf. Alors, après, si l’on est capable de faire cela pour l’huile on peut se dire que l’on n’est peut-être pas moins con que les autres pour initier d’autres programmes de ce type comme le covoiturage par exemple, le retour à l’envoyeur pour les emballages, la revalorisation locale d’autres déchets, etc. Tout en proposant par exemple des animations d’éducation à l’environnement pour les scolaires ou du spectacle vivant dans les campings.
De la friture dans les chiffres
C’est simple, en France aujourd’hui et chaque année 170 000 tonnes d’huile de friture sont consommées par la restauration hors foyer selon la Fédération nationale des corps gras qui regroupe les producteurs d’oléagineux. Sur cette quantité, Veolia estime pouvoir traiter 60 000 tonnes dans son usine de Limay actuellement en fin de construction (22 millions d’euros d’investissement) dans le 78. D’autres acteurs industriels comme Sud Récupération sont également présents sur ce marché mais, au final, une large part du gisement n’est pas collecté.
Mais pourquoi ? tout simplement car la collecte de proximité en porte à porte ne se fait pas. Chaque restaurateur doit amener son huile en déchetterie car les coûts de collecte proposés par ces mêmes Veolia (en fait sa filiale Ecogras) ou Sud Récupération sont trop onéreux. Certains pros ne jouent pas le jeux et hop le gisement disparaît via I/ la récupération dite « sauvage » (le pote du pote qui filtre dans son garage), II/ les canalisations (à tel point que l’Agence de l’eau lance des opérations pour limiter les rejets de Déchets Toxiques en Quantité Dispersée. Pour infos le coût d’utilisation de l’hydrocureur utilisé pour déboucher les tuyaux se chiffre en centaines d’euros), III/ les rejets en pleine nature (pour nous c’est ou la dune ou les marais).
Dans ce dernier cas le bilan environnemental est loin d’être fantastique. Bon comment on fait alors ? Pour Laurent Bromet, le directeur de la section biocarburant au sein de Veolia, « ce recyclage des huiles de fritures pourrait à terme représenter cinq à six pour cent de la production totale de biodiesel en France » (article complet sur http://www.enviro2b.com/environnement-actualite-developpement-durable/26271/article.html). En France, selon http://www.plateforme-biocarburants.ch/infos/eu-biodiesel.php, la production totale de biodiesel s’élevait en France à 982 millions de litres en 2007. Je vous laisse faire vos conclusions après quelques produits en croix pour vous donner une idée de la captivité du marché.
Dis papa, c’est quand demain ?
Nous, on s’est dit que l’on pouvait peut-être faire la même chose en plus simple en adoptant une démarche globale : travail de proximité auprès des professionnels des métiers de bouche, appui technique auprès de l’IFHVP, de Valagro, du CIRAD, etc. qui existent et ont pignon sur rue et test avec un petit train touristique local qui tourne au fuel domestique (www.le-ptit-train.com/).
Ce qui suit est véridique. Une réunion a en ce sens été organisée le 13 octobre 2008 à Paris avec Mr Lemaire (chef du bureau nouveaux produits énergétiques), Mr Mouren (conseiller de Mr Borloo) et Mr Aubret (conseiller spécial de Mr Bussereau) pour mettre en place un protocole. Et bien il n’est toujours pas validé malgré des dizaines de relance. Le responsable la-dessus c’est Yves Lemaire.
A mon avis cela ne sert à rien de brailler ou de traiter de fumier les uns ou les autres, etc. puisque de toute façon cette situation est un état de fait. Quelque soit le sujet, l’histoire se répète (le gros bien assis a pas envie de se faire emmerder par le petit qui voudrait faire différement). Bon là le problème c’est un peu l’urgence climatique et du coup c’est triste parce que, au final, on passe/perd/consacre beaucoup d’énergie pour la gestion plus que pour l’innovation et le développement. Surtout que, en plus, il y a des emplois à la clef …
Enfin bref. Merci en tout cas d’avoir mis le débat sur la table.