Pour
en revenir au témoignage de Norman Mineta, il n’est pas inutile, à mon sens, de
mentionner ici ce que nous dit le rapport final de la Commission d’enquête.
Cela
est d’autant plus intéressant que ce rapport, qui ne conteste pas la réalité de
la discussion ambiguë qui eut lieu entre Dick Cheney et son aide de camp,
affirme en revanche qu’elle n’avait pas pour objet le vol AA77 (qui s’est
écrasé au Pentagone à 9h37) mais le vol UA93 (qui s’est écrasé à Shanksville
entre 10h03 et 10h06).
Je
vous reproduits ci-dessous les passages en question du rapport final, lequel
peut être consulté en cliquant sur le lien suivant :
"Le vice-président se souvient avoir appelé le
président juste après son entrée dans la salle de conférence de l’abri. Il y a
contradiction sur le moment où le vice-président est entré dans cette salle.
D’après les preuves que nous possédons, il y est arrivé juste avant 10h,
peut-être à 9h58."
Note : Il s’agit ici d’une première contradiction avec le témoignage
de Norman Mineta.
En effet, tandis que ce dernier a affirmé que Dick
Cheney se trouvait déjà au bunker à 9h20, c’est-à-dire avant le crash du vol 77
sur le Pentagone, la Commission a conclu quand à elle qu’il n’y est arrivé qu’à
9h58 au plus tôt, c’est-à-dire plus de 10 minutes après le crash susmentionné.
"A 10h02, dans l’abri, les communicants commencent à recevoir des
informations des services de protections concernant un appareil,
vraisemblablement détourné, qui se dirige vers Washington. C’était le
vol 93 d’United Airlines. Les services de protections du président
tiennent l’information directement de la FAA qui avait peut-être suivi le vol
93 sur un écran qui montrait son trajet projeté vers Washington et non son retour
radar réel. (...) Entre 10h10 et 10h15, un aide de camp informe le vice-président Cheney et
les autres que l’appareil se trouve à 130 km (80 miles). On demande
alors au vice-président l’ordre de tirer si il y a lieu. Sa réaction a été
décrite par Scooter Libby comme rapide et ferme : "Environ le temps
nécessaire à un batteur de décider de swinguer". Le vice-président
autorise les chasseurs à tirer. Il nous dira avoir fondé sa décision sur la
conversation qu’il venait d’avoir avec le président".
Note : voici la seconde
contradiction.
En
effet, selon la Commission, la conversation entre Dick Cheney et son aide de
camp se serait déroulé entre 10h10 et 10h15.
Cette
affirmation est incompatible avec l’idée selon laquelle elle devait concerner
l’approche du vol 77, puisque celui-ci s’est écrasé à 9h37, soit plus de 30
minutes auparavant.
Selon
la Commission, cette conversation ne concernait donc pas le vol 77 mais le vol
93, qui s’est écrasé vers 10h03.
Autre
indication importante : la Commission précise que la distance de 80 miles à
laquelle l’aide de camp a fait référence pour décrire l’approche de l’aéronef
n’était vraisemblablement pas basée sur une observation de sa trajectoire
réelle mais sur une simple projection fictive de son parcours vers Washington (son
transpondeur ayant été coupé par les terroristes).
Il
est néanmoins étonnant que la Commission ait employé le conditionnel à propos
d’une information aussi capitale, car il n’est pas inutile de rappeler que le
vol 93, dont la trajectoire est parfaitement connue et établie, ne s’est jamais
retrouvé à moins de 150 miles de Washington avant qu’il ne s’écrase.
Du reste,
le rapport est laconique et ne permet pas de se forger une opinion éclairée
sur ce point.
Il
n’en demeure pas moins que tout cela entre violemment en contradiction avec les
propos de Norman Mineta, dont la conversation téléphonique avec Monty Belger,
le numéro 2 de la FAA, faisait clairement allusion à la trajectoire du vol 77
en direction du Pentagone au moment des faits.
Dans
un second temps, voici ce que nous dit la Commission d’enquête à propos de l’heure
à laquelle le président Bush aurait donné à Dick Cheney l’autorisation de faire
abattre les avions détournés qui représenteraient une menace pour Washington :
Page 91 :
« Le Vice-président dit
qu’il a appelé le Président pour définir des instructions de combat pour la CAP
(note : les règles d’emploi des armes). Il se souvient qu’il n’avait pas touché
l’opportunité d’envoyer une CAP sans que les pilotes sachent s’ils peuvent
tirer si l’avion n’obtempère pas. Il dit que le Président a reconnu la justesse de sa remarque. Le Président
nous confiera qu’il se souvient de cette conversation car cela lui avait
rappelé l’époque où il était lui-même pilote intercepteur. Il nous
a bien fait comprendre que, ce matin-là, il a donné l’autorisation d’abattre
l’appareil piraté. L’aide de camp du Président croit se souvenir que le vice-président a parlé
à celui-ci juste après son arrivée dans la salle de Conférence souterraine,
mais il n’a pas entendu la conversation. Condoleezza Rice, arrivée peu après le vice-président, s’assit à côté de
lui. Elle se souvient l’avoir entendu dire au Président : « Monsieur, la CAP a
décollé. Ils vont vouloir savoir ce qu’ils doivent faire, monsieur ». Puis elle
entendit : « Oui monsieur ». Nous croyons que cet appel a eu lieuavant
10h10 et 10h15. Parmi les témoignages d’autres évènements
importants de cette matinée, il n’y a pas de preuve documentaire de cet appel
mais les sources sont incomplètes. Des personnes présentes qui prenaient des
notes, comme le secrétaire général du vice-président, Scooter Libby, qui était
assis à côté de lui, et Mme Cheney, n’ont pas consigné d’entretien entre le
président et le vice-président juste après l’arrivée de ce dernier dans la
salle de Conférence ».
Note : Nouvelle
incompatibilité majeure avec le témoignage de Mineta.
L’autorisation
d’abattre l’avion détourné n’aurait été donnée que plus de 30 minutes après le
crash du vol 77 au Pentagone.
Pourquoi,
dans ce cas, cette autorisation n’a-t-elle été donnée qu’après le crash du vol
93 (qui a eu lieu à 10h03) ?
Réponse
de la Commission : la FAA n’a informé le NEADS du crash du vol 93 qu’à
10h17 (après que le NEADS, organisme responsable de la défense aérienne, se
soit retrouvé dans la nécessité d’aller directement à la pêche aux informations
concernant la situation de cet appareil) :
Page 77 :
NEADS : United 93,
avez-vous des infos sur ce vol ? FAA : Ouai, il est au
sol NEADS :
Au sol ? FAA :
Oui NEADS :
Quand a-t-il atterri ? FAA :
il n’a pas atterri NEADS :
Oh ! « Au sol »…vous voulez dire qu’il s’est écrasé ?
Je
note au passage que la gestion de la surveillance du vol 77 par la FAA, telle
que décrite par la Commission, offre un autre exemple de passivité plus qu’
étonnant de la part de cette agence fédérale.