En tant qu’ancien chef de service responsable pendant plus de 20 ans
de la logistique de la transplantation rénale (choix donneur/receveur) à
l’Hôpital de l’Ile à Berne, en rapport étroit avec diverses
organisations de transplantation en Europe (Eurotransplant et
autres), le rapport de Dick Marty m’a tout d’abord plongé dans une
profonde révolte et colère. Puis, à la lecture attentive du rapport et à
l’étude de diverses notices sur Internet, me sont venus de profonds
doutes, en tout cas sur l’ampleur du trafic dénoncé.
Selon le
rapport, plusieurs centaines de prisonniers de l’UÇK (300 selon
l’ex-procureure du TPIY Carla Del Ponte, 500 selon le procureur de
Serbie), soit la plupart des 470 disparus après juin 1999, auraient été
assassinés et victimes d’un prélèvement d’organes, essentiellement de
reins, en l’espace d’une année jusqu’en août 2000. La presse retransmet
ces chiffres sans commentaires.
Or ce nombre présumé correspond à
près de trois fois le nombre de reins de cadavres transplantés en Suisse
en une année, et à près d’un tiers à la moitié des transplantations
rénales effectuées dans un grand pays européen tel que la France ou
l’Italie. Le problème logistique et infrastructurel que représenterait
le prélèvement de 300 – 500 reins en une année me paraît absolument
insurmontable dans les conditions de l’Albanie à cette époque.
Mais
surtout, où ces reins auraient-ils été transplantés ? Le rapport ne
parle que des « donneurs », il est silencieux sur le problème des
receveurs. Il est quasiment exclu que les receveurs présumés se soient
situés dans les pays de l’UE, où les receveurs potentiels sont
identifiés, listés et leur sort soigneusement enregistré. Alors où ? En
Turquie ? En Israël ? En Russie ? Il me semble tout à fait impossible et
improbable qu’une activité de transplantation rénale de cette ampleur, à
l’abri de l’omerta albanaise, ait pu se dérouler sans attirer
l’attention. Il ne peut être exclu, par contre, que cela ait été le cas
dans une ou quelques dizaines de cas, une « poignée » comme l’indique le
rapport Marty à un endroit.