Il faut croire qu’ils ont fait une exception alors, puisqu’il est effectivement un nouveau ; nobody mais pas noob puisqu’il vous lit depuis plusieurs années, tout en appréciant la prose de certains, et les répliques savoureuses des autres en commentaire, quand bien même le billet d’origine serait-il affligeant (je ne parle pas des vôtres, Sandro, l’amateur de troussage de gourgandines en arrière-salle, sûrement à la verticale, mais de ceux d’un certain Rajamachin qui m’excusera pour son pseudonyme).
Je comprends mieux votre (relatif !) aveuglement si vous étiez affairé en coulisse. Je n’ai pas joué du trombone à coulisse autrement que dans une tente personnellement.
Par ailleurs, je ne sais pas si je dois être impressionné par votre intuition d’une « jeunesse khâgneuse », ou meurtri à l’idée que ce genre de prose soit reconnaissable entre mille ; une petite cure de Céline et de forum 18-25 pour déglinguer ce conventionnalisme langagier ne fera pas de mal.
Il ne s’agissait pas tant de contradiction, au sens où mes affirmations n’avaient pas vocation à détruire les vôtres, que d’en faire apparaître le hors-champ ou, plus exactement et modestement, un contrechamp perso. Nos deux discours demeurent, en cela, juxtaposables (est-ce votre idée du « en même temps » ?) ; ou alors l’opposition nette et frontale s’avère peut-être nécessaire pour commenter ici ? De ce que j’ai pu lire depuis quelques années en loucedé, je ne le crois pourtant pas.
D’ailleurs, allons-y, une dernière remarque pour pinailler puisque je suis globalement en accord avec votre discours (Hallelujah !) quoique, contrairement à vous, j’ai quelques difficultés à trier aussi nettement le bon grain de l’ivraie dans leur discographie — d’autant plus si l’on appréhende comme moi les albums comme des touts, sans renfort du bouton « piste suivante ». Je les connais bien moins que vous, ceci explique aussi cela. Vous reprenez ici, comme dans votre billet, l’idée selon laquelle les TR auraient été « capables de jeter 80.000 personnes dans les champs des « Vieilles charrues », un après-midi de juillet 2001, avec les paraboles de « Ginette » ». Puisque vous y étiez (et moi aussi, ma première édition, qui je crois est restée dans la mémoire de bcp, à commencer par nous deux), vous connaissez sûrement les us des Vieilles Charrues et de ce genre de festival plus généralement. Je m’explique : si ma mémoire est bonne, les Têtes Raides étaient en début de soirée (plutôt 20h que fin d’aprèm il me semble, ce qui a son importance ici) sur la grande scène, juste avant Noir Désir, qui venait une heure après le « détour » par la scène d’en face. Or, ND était la tête d’affiche (les TR ont d’ailleurs fait une apparition lors de leur concert), et il est de coutume de trouver une bonne place pour le prochain « gros » groupe. Non pas que je veuille remette en cause le nombre et le plaisir des spectateurs devant les TR, mais ce genre de concours de circonstances est (était) tout de même assez commun aux Vieilles Charrues. Ainsi, pour répondre à votre question — qui se voulait rhétorique — « Vous en connaissez d’autres ? » — : aux Vieilles Charrues, oui, et c’est la règle davantage que l’exception, au moins depuis les années 2000.
Et pour en finir avec de l’humoristique acidulé : j’accepte n’importe quel type de duel ; je ne laisserai pas lettre morte comme Clint Eastwood a pu le faire avec Romain Gary. Et, laissez donc tranquille mon pseudo, il date de l’adolescence et comme vous avec les TR, « il faut rester fidèle à la mémoire de ce qui nous a un jour transi » n’est-il pas ? Et ce serait « Democrite’s Blues » sans erreur grammatical, nah !
Merci pour ce billet. De mon côté, je serais beaucoup moins laudatif que vous : quelques belles chansons, bien sûr, mais certaines chansons « engagées » — comprendre : gauchistes et mièvres à souhait — m’en ont définitivement détourné depuis que j’ai ouvert mes mirettes, notamment sur une chanson comme L’Iditenté et son « Que Paris est beau quand chantent les oiseaux, que Paris est laid quand il se croit français », chanson pro-migrants bas du front (à l’heure où on les appelait encore sans-papiers) en duo avec l’inénarrable Bertrand « et quelques fascisants autour de 15% » Cantat. Je me permets d’ailleurs de faire figurer ici l’amusante critique de l’album Gratte Poil par Jean Levrain Jr, dans le regretté mensuel Chronic’art. Un autre ton que le vôtre, soyez bon joueur !
« Voici trop longtemps que cette engeance néfaste prétend incarner le présent d’une chanson qu’elle empaille. Les Têtes Raides, comme leurs clones La Tordue, comme leurs épigones Casse-Pipe, comme leur variante américanophile Louise Attaque, comme encore les cent mille groupes franchouillards qui hantent les bars du canal Saint-Martin, sont en train de transformer la chanson française en contrefaçon régionaliste, à placer entre I Muvrini et Matmatah.
A peu près tout chez eux est insupportable : les voix viriles, la diction affectée rive gauche, la poétique ostentatoire des textes, la banalité des compositions, les prétentions antifascistes… Mais le pire est au fond ce qu’il y a de plus supportable : cet ascétisme affiché dans le parti pris de l’acoustique. Vrai que rien n’est plus beau que le timbre non altéré de l’hélicon, mais si c’est pour faire la pompe sur ces misérables couplets de Prévert au rabais, autant faire slapper Janick Top. Au moins, on verrait ses mitaines en cuir dans le clip. Ce cirque de l’authenticité, qui consiste à n’adopter aucune posture, aucune tournure, aucun instrument, aucun thème, aucun ton sur lesquels pèserait une présomption de frivolité, ce cirque donc nous fait vomir. Dans le hip-hop comme dans la chanson néo rive gauche. Cette rage à vouloir paraître authentique, poétique, et de gauche est la plus sûre marque de la fausseté et de l’étroitesse d’esprit.
La facilité avec laquelle cette espèce compose des chansons pour les sans-papiers (ici, L’Identité qui clame « que Paris est beau quand chantent les oiseaux / que Paris est laid quand il se croit français ») éclaire sans équivoque sa nature militante. Elle est en fait l’héritière de Jean Ferrat, non de Georges Brassens, qui n’a jamais prétendu parler au nom de qui que ce soit d’autre que lui-même. Je ne laisserai jamais personne parler en mon nom. »