Personne n’en a rien à foutre, des pauvres. Personne ne se penche sur ce qu’ils vivent au quotidien, les pauvres. On suppute beaucoup de choses, en réalité personne n’en sait rien...sauf les bien pensants...Et on est tous des biens pensants...tellement, que depuis que je suis pauvre beaucoup de monde s’est détourné, ne m’appelle plus, ne me demande sourtout pas si je tiens le coup. Et ce qui se dit dans c’est milieu bien pensants, c’est...Rhaaa, elle a toujours des problèmes. Personne ne veut savoir...surtout ne pas savoir ! faut pas le dire...J’ai toujours penser que le pauvre créait son isolement, et bien non, c’est une erreur. Et maintenant que je sais que c’est le voisin ou le copain qui va rejeter le pauvre, parce qu’il est pauvre...J’ai honte de n’avoir pas compris...quand je n’étais pas pauvre.
Qu’est ce que je peux dire de plus...que je viens de faire les comptes : Je viens de faire une simulation de demande de RSA : cela nous amène à 474 E de revenus pour le mois qui vient pour 1382 Euros de dépenses fixe sans l’alimentation pour moi et mon enfant... Je suis intermittente de spectacle non indemnisée depuis juin. J’ai 25 ans de métier, j’ai ce statut depuis 1992 qui n’est reconnu que depuis un an, soit aucune aide assedic.
J’ai pu avoir ces médicaments qui font tant défaut à ce monsieur. Le médecin me dit que je suis très résistante. Ce n’est pas vrai, je ne le suis plus. Ce qu’il ne sait pas, mon médecin, ce sont les nuits de cauchemars qui ont précédé cette mise sous anxiolytique et anti- depresseurs. Ce qu’il ne sait pas, c’est la fatigue et la déprime. Ce qu’il ne sait pas, c’est que c’est un sujet tabou dans cette société et qu’il ne faut surtout pas en parler au risque de vous retrouver complètement isolés de vos amis et aussi de certains membres de votre famille, parce que la pauvreté, c’est pas bien...c’est sale et surtout, ça fait tellement peur que beaucoup de ceux avec qui je vais régulièrement manifester, se détournent !...Ce qu’il ne sait pas, c’est que je ne retrouverais pas d’autres emplois parce que senior...et que je suis donc en route pour la rue, avec beaucoup de lucidité !
Il reste la désespérance. Quelqu’un dans cette situation n’a plus la force pour la colère, surtout si il ne peut pas se soigner. Il faut des mois pour remonter la fatigue que les angoisses du lendemain ont généré . Le coup des soins pour ce type de problèmes de santé est de 70 E, dont 50 ne sont pas remboursés...Il faut être en bonne santé pour affronter les nombreux problèmes qui se greffent très vite à une perte d’emploi. Il faut faire face « aux administrations » des différents services dont on dépend : les impôts, les loyers, l’eau, l’électricité, le gaz et j’en passe. Je passe aussi sur le ton condescendant, pour ne pas être méprisant de beaucoup d’interlocuteurs...Sur ces échanges, ces demandes de délais de paiements, pour ne pas y laisser ma dignité, j’ai usé de ma colère. Ca m’a tenu debout, mais pour combien de temps encore...