Le programme du Front de Gauche prévoit de convoquer dès la première année du mandat une assemblée constituante, pour rédiger une nouvelle constitution (VIeme République), ce qui va donc encore plus loin que ce que vous défendez ici. Nul doute que le Front de Gauche souhaite voir ce type de dispositifs inscrits dans la constitution, il n’y a qu’à lire le programme pour se rendre compte que c’est en pleine cohérence avec ce que nous défendons. Par contre, si on est d’accord qu’une nouvelle constitution doit voir le jour par le biais d’un assemblée constituante, reconnaissez qu’il serait un peu gonflé d’annoncer ce qu’il y aura dedans, puisque, par définition, ce n’est pas au gouvernement ou aux parlementaires en place de décider, mais à l’assemblée constituante, validée ensuite par un vote populaire.
Je crois premièrement que la reflexion autour de « faire gagner la gauche » a un peu du plomb dans l’aile, et ce depuis (au moins) une certaine année 2005 où une fracture s’est définitivement révélée dans ce qu’on appelle traditionnellement la gauche : Il y a ceux qui souhaitent s’adapter au liberalisme mondialisé, qui ont décidé qu’on ne pouvait pas se battre, et qu’il faut rendre les armes et baisser la tête en évitant au maximum les coups. Puis il y a ceux qui ont décidé que tout cela n’était maintenant plus possible,et qu’il fallait au contraire se battre de toutes ses forces et mettre à bas ce système inique. Savoir si Hollande et la PS sont de gauche ne sert finalement à rien ? Le vrai débat (en tout cas pour moi, et pour bon nombre de militants), c’est est-ce qu’on invente, promeut et met au pouvoir une réelle alternative ? En ces termes, le PS et l’UMP, c’est effectivement blanc bonnet et bonnet blanc : aucun ne veut changer de système. La stratégie est de s’y adapter. Certes, la manière de s’y adapter est radicalement différente dans les deux cas, mais le résultat est finalement le même. On ne peut changer ce système qu’à grand coup de pied au cul, pas en demandant la permission comme le propose le PS. Ceux qui veulent jouer le jeu pour en changer les règles ont perdu d’avance, on le sait, vu la puissance colossale du dit système, et le fait de jouer ce jeu permet au libéralisme de s’installer toujours plus.
La fracture est donc non seulement autour des idées, mais aussi de la stratégie.
Deuxièmement : Pour nous convaincre que leur stratégie est la bonne, le PS passe son temps à nous mentir de manière honteuse (cf campagne du référendum, programme du PS qui joue sur les mots, et candidat qui essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes sur les retraites, la fonction publique...). Comment avoir une seule seconde confiance dans quelqu’un qui se moque à ce point de la parole donnée, et qui nous prend à ce point pour des imbéciles ? Comment faire confiance à quelqu’un, à un parti qui nous méprise à ce point ?
Jusque là, j’ai toujours voté PS au second tour, toujours pour faire barrage à la droite, jamais en croyant une seconde aux promesses. Toujours en pensant à ceux qui vont patir plus que moi de la politique de leur politique (immigrés, travailleurs précaires, chomeurs...) (je suis fonctionnaire titulaire, je gagne pas trop mal ma vie (un peu moins de 2 SMIC), je suis donc un peu plus à l’abri, en tout cas pour ce qui est de mes conditions de vie minimales).
Mais cette fois ci, je crois que je ne pourrai pas. Je ne suis plus persuadé que la stratégie de la vaseline (raccourci que je pense sera compris sans que j’ai besoin de détailler) ne soit pas en fait une impasse. Je crois que nous perdons toute crédibilité à jouer ce jeu. Je crois que cela conforte le PS dans son attitude de vote utile au premier tour comme au second (pourquoi s’emmerder à faire un programme de gauche et à trouver de vraies solutions alternatives, alors que de toutes façons ces braves gens de gauche n’auront pas le choix que de voter pour nous. Ce vote systématique au second tour les rend fenéants et méprisants.
Peut être certains trouveront cette attitude égoiste (encore un fonctionnaire qui se fout des autres), mais ils se trompent. Je passe mon temps à me battre pour les autres, à dénoncer les politiques iniques, à y mettre les grains de sable à chaque fois que je le peux, parfois au risque de me mettre moi même en difficulté par rapport à ma hiérarchie, voire à mes collègues ou ma famille, à faire de la pédagogie pour démonter les discours mensongers et les lieux communs politiques. Pas de problème à ce niveau là, je peux sans probleme me regarder en face dans la glace sans rougir. J’estime prendre largement ma place dans la résistance de tous les jours. Mais là, cautionner une nouvelle fois l’arnaque du PS, je ne pourrai plus, désolé. Il faudra se battre deux fois plus fort si Sarko repasse, et bien soit, je mettrai les bouchées doubles, mais je ne peux plus me persuader que l’intérêt général, c’est aller voter PS au second tour. Cela me semble aujourd’hui vraiment trop incohérent avec le projet de société que je défends.
Ceci n’est qu’une reflexion personnelle, destinée à s’ajouter au débat, à faire comprendre pourquoi certains, comme moi ne pourront plus aller voter PS au second tour, mais en aucune sorte une tentative de persuader qui que ce soit de suivre ou non mon avis. Je ne suis pas sur d’avoir raison, mais je suis sur de ce que je ferai, ma décision est prise. A chacun de faire ce qui lui semble bon, en son ame et conscience.