Mais sérieusement arrêtez de généraliser à outrance, c’est usant...
Quels russes ne pleurnichent pas ? Ceux qui se mettent des grandes torgnoles à la Vodka ? Ouai normal..
J’en ai rencontré plein cet été, certains très tristes, d’autres exaltés.
L’un étudiait au Baumann Institute de Moscou, et se rendait régulièrement aux US, au MIT ou à Princeton pour échanger avec les américains. Déjà d’emblée, votre bipolarité s’effondre dans le domaine technique... D’ailleurs j’encourage fortement les gens à s’éloigner de la politique qui ne permet de comprendre que la surface visible de l’iceberg. La technoscience, c’est la clé.
L’autre était une fille désabusée, éreintée de devoir se battre contre des années de corruption et d’extrémisme en tout genre. Elle avait bossé à Sotchi pour les jeux, j’espère au moins que vous savez combien ils ont galéré ces pauvres gens pour servir les intérêts des oligarques du cru.
Mais conclusion générale : les deux étaient ultra-cools ! Et j’ai appris beaucoup de choses sur la Russie. Notamment qu’elle n’est, comme tous les Etats de cette planète, ni toute blanche, ni toute noire. Elle est simplement, comme tous les Etats de cette planète, un processus aveugle et destructeur, comme l’idée d’Etat.
« L’Armée Rouge a mis un terme à ces atrocités et à cette barbarie impitoyable et a sauvé non seulement le peuple juif, mais également les autres peuples d’Europe et du monde. » Vache, niveau propagande, on atteint des sommets des deux côtés... Vous allez pas me faire croire que l’URSS était un havre de paix, vous êtes des grands malades !
Faudrait voir à pas oublier ce qu’il s’est passé... Sauvés, les autres peuples du monde ? Ils ont pas plutôt voulu se dédouaner de l’horreur perpétrée à l’intérieur de leurs propres frontières ? Celle qui d’ailleurs n’en a pas..
Ô grande armée rouge, Ô puissances occidentales, Ô hommes - prétendus - de valeur, vous qui fûtes si vertueux pour qui veut bien le croire, pourquoi le sang jonche le sol de vos nations ? Pourquoi le sang coule-t-il sur vos mains ? Et pourquoi les gens continuent-ils de pleurer ?
Par pitié, je pense comme vous qu’on s’en prend une belle par des dirigeants peu scrupuleux, malhonnêtes ou juste humains et dépassés, par des nihilistes, hédonistes qui ne prônent dans cette vie que l’avoir vain et crachent à la gueule de citoyens lambda comme nous. Mais c’est de bonne guerre, et puis de toute façon ils ne font que repousser un néant psychologique par ces moyens là et je les plains beaucoup.
Je pense avec vous que les politiques sont depuis des années, depuis la création même de la fonction politique et des Etats, dépassés par ce qu’elle est vraiment, à savoir la représentation d’un intérêt commun. Cet intérêt a muté, éclaté, et du commun nous sommes passés à l’individuel, à l’exclusif, à l’égoïste. La politique est l’essence de la communauté, son échelle n’est pas celle du pays. Le peuple est un mythe, la nation est un mythe, tout est mythe et récit.
Et dans ce culte de l’individu et de la personnalité, vous opposez des types comme Obama et Poutine. Ne tombez pas dans le panneau, l’un et l’autre sont tout autant critiquables. L’un et l’autre ne sont que des représentants de la forme générale avide et intéressée, humaine trop humaine peut-être. Faut quand même dire que le processus démocratique en Russie est quand même largement corrodé ! Poutine est un grand mégalo, comme beaucoup avant lui ! Et même si certains de ses choix sont éclairés et qu’une partie de la population le soutient, ce n’est pas le cas de tout le monde en Russie, loin de là... Entendez tout de même ces gens au lieu de tomber dans une logique binaire naïve... Et c’est pareil pour Obama hein, ne me faites pas dire ce que je ne dis pas.
Comme disait Cioran, n’a de conviction que celui qui n’a rien approfondi. Je ne dis pas ça pour vous, c’est valable pour un individu devant cette incompréhension massive, et métaphysique.
Je reste de toute façon d’accord avec vous ! Ce dont vous parlez est du domaine de la contemplation chez moi, et ne pourra jamais être accessible par la science, le discours, la langue en général.
On dit souvent, enfin les gens qui s’y intéressent, que la pensée humaine est issue des sentiments généraux comme la souffrance, la pitié, le bonheur... qui l’auraient ensuite structurée. Que les passions, qui semblent détruire l’homme, sont en fait à son commencement. Je crois que c’est de ça dont vous parlez Howahkan, avec un retour à l’Origine. Toutes les passions humaines saines ont été perverties. Le bonheur s’est transformé en égoïsme, la souffrance en sado-masochisme, la pitié en hypocrisie...
La contemplation, je crois, permet de sortir d’un système de pensée logique, issu du programme dont parle Jean et qui nous fait un monde binaire, basée sur des différences que nous avons posées depuis des temps immémoriaux : le bien/le mal, le vrai/le faux, le statique/le dynamique. Enfin comme vous dites, tous nos mots sont des maux... Quand on se tait, et qu’on s’efface, on arrive à remonter à la contemplation qui n’a plus aucun sens, mais qui fait un bien fou.
Bon, rien de nouveau sous le soleil quand on s’intéresse à la question du dualisme corps/esprit mais si en plus vous y ajoutez celui du temps, je crois qu’on touche alors à deux des piliers inébranlables qui feront longtemps (toujours ?) défaut à la connaissance et à l’entendement humain. Normal qu’on se perde un peu..
Dire que le temps est un processus inhérent à l’activité du cerveau, c’est pour moi faire du Bergson et remonter à la durée vécue, phénoménologique et subjective. La naissance du sujet, du « moi », se fait ensuite dans cette durée, dans cette perception de la continuité des instants successifs. Vous n’êtes pas ultra-clair quant à la présentation de la dialectique action-pensée (vous dites à la fois que l’action précède la pensée et que la pensée mène la marche de l’existence), il s’agit ici du problème de l’intentionnalité et de la réflexivité. Toute pensée est-elle réductible à une action au sens large, c’est-à-dire à quelque chose agissant sur la matière puisque nous la définissons ainsi ? Il n’en va absolument pas de soi... L’action est peut-être tout autant conscience de quelque chose que la conscience réflexive. M’enfin c’est très compliqué et je pense comme vous le dites que le « je » est un mythe. La mémoire joue un rôle essentiel dans ce processus également, est-elle réductible à la matière ? Vaste question. Je réécoutais l’émission de J-C Ameisen sur France Inter, et c’était le thème proposé, on arrive à localiser les souvenirs mais leur forme reste un mystère.
Mais dire que le temps est psychologique c’est quand même oublier un peu Einstein (avec qui Bergson ne s’est jamais entendu, mais peut-être ne se sont-ils jamais compris...) et la relativité. En disant ça, on suppose que le temps serait peut-être né avec l’homme, ce qui est sous-jacent chez Kant par exemple avec ses cadres fondateurs de la raison, mais alors le passé au-delà de lui n’existerait pas ?
La relativité est une vexation pour l’esprit parce qu’elle modifie drastiquement la façon de percevoir une choses les plus évidentes pour nous, la fluidité et l’uniformité de l’écoulement des instants. BOn à ce sujet de toute façon il est intéressant de lire Etienne Klein, qui en parle très bien !
Enfin dernier souci, la notion de programme à laquelle vous semblez attachés. J’aime les auteurs comme Spinoza aussi pour leur déterminisme, et je veux dire avec eux que nos désirs profonds nous sont pour la plupart inconnus mais ils n’avaient pas encore les neurosciences et l’évolution. La question du mécanisme cérébral est très difficile à défendre, surtout en disant que la conscience est une illusion issue de cette mécanique. Une machine par exemple ne peut avoir tort ni raison, il n’y a aucune valeur pour une machine. On ne vas pas féliciter un frigo parce qu’il fonctionne bien.. Searle avait pour moi bien senti l’idée de la machine programmée ou de l’ordinateur : ce n’est jamais qu’associer un 0 ou un 1 à un état du monde (porte ouverte ou fermée par exemple). Mais l’association n’a jamais été création.
Dernier petit exemple : quelqu’un qui défend le mécanisme intégral chez l’humain, va tenir cette proposition(l’homme est une machine programmée par avance) pour vraie alors que selon sa thèse le vrai en tant que valeur à défendre ne peut-être envisagé, donc il se contredit lui-même. Et s’il dit qu’il est un pur mécanisme sans avancer de raisons objectives et juste en le disant, ça n’emportera pas notre jugement sur la chose. Conclusion : le cerveau, et le vivant plus généralement, a ses raisons que la raison doit ignorer.