@Dom66 C’est exactement aussi l’attitude de Guillemin dans son approche de l’histoire de Pétain, qui est dès le début orientée par l’opinion propre de son auteur. Le mérite d’Abauzit, c’est de présenter des livres de témoins directs de l’époque ou de faits rapportés par des historiens, livres qui sont généralement shuntés dans les livres d’enseignement de l’histoire et qui apportent sensiblement une autre vision que celle très réduite d’un procès politique où la plupart des témoins à charge ont essentiellement menti.
Le plan de Pétain, dès le lendemain de l’armistice, est de lancer la réorganisation de l’armée française stationnée en Algérie et dans l’Empire, outre le lancement des premiers résistants (que Pétain va contribuer à financer de sa poche et par des subventions déguisés de l’Etat). Il dépêche sur place, à Algers, le Gal Giraud. Mais l’utilisation de cette armée ne peut pas être actionnée par Vichy, sous peine de perdre le bénéfice de l’armistice. Il est donc nécessaire de transmettre le commandement à une autre autorité, et, Pétain réussit à se faire entendre par les Américains, alors que Churchill traîne les pieds. Il faut dire que Churchill trouve De Gaulle encombrant et ne lui fait pas confiance. Les américains finissent par convaincre Churchill et vont proposer à De Gaulle d’actionner cette armée française après un simulacre de débarquement. Giraud, qui n’est pas au courant, car Pétain doit jouer la totale discrétion, se voit contraint par les Américains de transmettre le commandement à De Gaulle.
En ce qui concerne la France occupée par les GI’s, c’est un peu ce qui s’est passé après la libération, sous la forme d’une présence soutenue de leur armée et il faudra attendre les années 60 pour que les Américains soient invités par le Président De Gaulle à quitter leurs bases en France. Dès lors les USA vont travailler à faire tomber De Gaulle (mai 68).
Cette question de l’après-guerre n’a à ma connaissance pas été évoquée par Pétain, même s’il est vraisemblable qu’il pouvait la redouter. Les Américains n’avaient qu’une considération limitée sur la France et les alliances qu’ils avaient déjà avec l’Australie, le Canada et le Royaume-Uni laissait largement présager qu’un monde anglo-saxon se constituait et que la France n’y jouerait aucun rôle.
Le rôle de Pétain était de gérer la situation critique d’une occupation militaire par une armée d’un pays qu’il avait combattu et qu’il voyait comme son ennemi personnel. Dès le début, il savait son rôle transitoire. Et puis, à son âge ... Mais je pense que l’on dispose aujourd’hui des connaissances qui permettent de comprendre davantage que son action a contribué à la victoire des allés, et non l’inverse.
1- Il me semble que la question de l’armistice demande un peu plus d’observations. Lorsque Weigand et Pétain proposent l’armistice au conseil des ministres de Paul Reynaud, la question qui est posée est : comment abattre l’élan de l’armée allemande, techniquement supérieure, alors que notre armée ne peut plus combattre et que les Allemands vont naturellement aller jusqu’à l’Empire Français d’Afrique ? La seule réponse des deux stratèges, qui savent que la bataille de France est perdue, est l’armistice, parce que cela conserve un statut à la France qui peut alors réorganiser ses moyens et donner du temps aux alliés. Il ne s’agissait donc pas d’une capitulation, ni d’un ralliement, mais seulement d’une stratégie. Celle-ci sera officiellement décidée 3 semaines plus tard par Paul Reynaud, validée par le président Lebrun et confiée à Pétain, Paul Reynaud démissionnant !
2- De Gaulle n’était pas l’homme de main de Pétain, mais appartenait au cabinet de Paul Reynaud qui va l’envoyer à Londres, pour préparer un transfert du gouvernement français à Londres.
3- Les lois antijuives ont été durcies volontairement sous la pression exercée par l’occupant nazi qui s’apprêtait à les décider lui-même. Ce qu’on passe sous silence généralement, c’est le nombre de dérogations qui ont ensuite été données aux Juifs pour leur permettre de façon discrète de reprendre certains postes. D’un côté on bluffe les nazis, de l’autre on restaure ce qu’on peut ! Evidemment, la France est alors sous domination nazie et tout ne pourra pas être évité !
4- Par un accord complice avec Franco, Pétain tente à Montoire une entreprise risquée : il convainc Hitler que son véritable ennemi est le communisme et donc la Russie soviétique, le détournant de l’objectif britannique (Gibraltar). La Russie est en train de se mobiliser et de renforcer son armement, malgré le pacte de non-agression avec l’Allemagne. Hitler, convaincu que Pétain a raison, finira par rompre le pacte.
5- C’est en 1942 qu’Hitler reconnaît deux erreurs et s’être fait blousé par le Maréchal : avoir accepté l’armistice de Pétain et s’être dirigé vers la Russie. Cela a prolongé la guerre et a permis aux alliés de s’organiser et d’entrer dans la contre offensive. Par ailleurs, les Russes ont réellement affaibli l’armée allemande.
6- Dès 1941, Pétain est dans le collimateur des Allemands. Ils le suspectent de ne pas collaborer pleinement. Il sera finalement arrêté en 1944, tout en ayant résisté 4 ans, collaborant juste ce qu’il faut, mais contrariant les Allemands autant qu’il le pouvait !