Merci pour cette excellente analyse de la proximité entre le livre de Houellebecq et celui de Nabe, qu’Abeline Majorel avait déjà développée ici et que j’avais esquissée dans un article paru sur Slate.fr.
A noter que le procédé de copier-coller littéraire dont vous parlez a également été utilisé par Nabe dans son roman « Alain Zannini », dont la première phrase fait référence à « La Divine Comédie » (« Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai dans une sacrée merde »), tandis que la dernière est une allusion à l’incipit du « Voyage au bout de la nuit » de Céline (« Ça s’est terminé comme ça »).
Ce que vous dites de la postérité future de « La Carte et le territoire » me semble particulièrement juste. Le name-dropping de Houellebecq est à côté de la plaque, puisqu’il présuppose à chaque fois, de la part du lecteur, une connaissance préalable des personnages réels qu’il cite. Tandis que Nabe, dans « L’homme qui arrêta d’écrire », parvient en quelques lignes à saisir l’essence romanesque d’un Frédéric Beigbeder ou d’un Jean-François Kahn.
De ce fait, il en fait réellement des personnages littéraires et les rend accessibles aux générations futures qui auront sans doute oublié jusqu’à leur existence. On a accusé Nabe d’avoir fait une sorte de bottin mondain avec son livre. Ce reproche est révélateur d’une profonde méconnaissance littéraire : au XIVe siècle, Dante ne se livrait-il déjà pas à un name-dropping effréné lorsqu’il plaçait ses contemporains dans les cercles de l’Enfer ou sur les corniches du Purgatoire ?
Comme son prédécesseur florentin, Nabe s’est donné « l’incroyable droit de trier les individus vivants de son temps », pour reprendre l’expression de Philippe Sollers. Pas grand-chose à voir avec les clins d’œil gentillets de Houellebecq, donc.