• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de thomiste

sur Bientôt un parti social-démocrate en France ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

thomiste (---.---.21.152) 17 avril 2007 12:38

Platon (428 - 348 av. J.-C.), La République, VIII, 557 b, 558 b, 560 et 561 a, 562 a, 563 a, 564 a : « Maintenant, repris-je, voyons de quelle manière ces gens-là [les démocrates] s’administrent, et ce que peut-être une telle constitution. Aussi bien est-il évident que l’individu qui lui ressemble nous découvrira les traits de l’homme démocratique.  » C’est évident. « En premier lieu, n’est-il pas vrai qu’ils sont libres, que la cité déborde de liberté et de franc-parler, et qu’on y a licence de faire ce qu’on veut ?  » [...] On trouvera donc, j’imagine, des hommes de toute sorte dans ce gouvernement plus que dans aucun autre. « [...] Comme un vêtement bigarré qui offre toute la variété des couleurs, offrant toute la variété des caractères, il pourra paraître d’une beauté achevée. Et peut-être, ajoutai-je, beaucoup de gens, pareils aux enfants et aux femmes qui admirent les bigarrures, décideront-ils qu’il est le plus beau.  » [...] Et l’esprit indulgent et nullement vétilleux de ce gouvernement, mais au contraire plein de mépris pour les maximes que nous énoncions avec tant de respect en jetant les bases de notre cité, lorsque nous disions qu’à moins d’être doué d’un naturel excellent on ne saurait devenir homme de bien si, dès l’enfance, on n’a joué au milieu des belles choses et cultivé tout ce qui est beau, - avec quelle superbe un tel esprit, foulant aux pieds tous ces principes, néglige de s’inquiéter des travaux où s’est formé l’homme politique, mais l’honore si seulement il affirme sa bienveillance pour le peuple ! « C’est un esprit tout à fait généreux, dit-il.  » Tels sont, poursuivis-je, les avantages de la démocratie, avec d’autres semblables. C’est, comme tu vois, un gouvernement agréable, anarchique et bigarré, qui dispense une sorte d’égalité aussi bien à ce qui est inégal qu’à ce qui est égal. « [...] Et n’en dirons-nous pas autant des désirs amoureux et des autres ?  » Si fait. « [...] Lorsqu’un jeune homme élevé, comme nous l’avons dit tout à l’heure, dans l’ignorance et la parcimonie, a goûté du miel des frelons [le frelon étant, selon Platon, » l’homme plein de passions et d’appétits, gouverné par les désirs superflus « ], et s’est ainsi trouvé dans la compagnie de ces insectes ardents et terribles qui peuvent lui procurer des plaisirs de toute sorte, nuancés et variés à l’infini, c’est alors, crois-le, que son gouvernement intérieur commence à passer de l’oligarchie à la démocratie.  » [...] A la fin, j’imagine, ils [les désirs « qu’on a chassés, nourris secrètement »] ont occupé l’acropole de l’âme du jeune homme, l’ayant sentie vide de science, de nobles habitudes et de principes vrais, qui sont certes les meilleurs gardiens et protecteurs de la raison chez les humains aimés des dieux. « Les meilleurs et de beaucoup, dit-il.  » Des maximes, des opinions fausses et présomptueuses sont alors accourues, et ont pris possession de la place. « C’est tout à fait exact.  » Dès lors le jeune homme, revenu chez les Lotophages [1], s’installe ouvertement parmi eux ; et si, de la part de ses proches, quelque secours vient au parti économe de son âme, ces présomptueuses maximes ferment en lui les parties de l’enceinte royale, et ne laissent entrer ni ce renfort, ni l’ambassade des sages conseils que lui adressent de sages vieillards [et ainsi c’en est fait de toute civilisation]. Et ce sont ces maximes qui l’emportent dans le combat ; traitant la pudeur d’imbécillité, elles la repoussent et l’exilent honteusement [cf. les films et la publicité à la télévision, etc.] ; nommant la tempérance lâcheté, elles la bafouent et l’expulsent ; et faisant passer la modération et la mesure dans les dépenses pour rusticité et bassesse, elles les boutent dehors, secondées en tout cela par une foule d’inutiles [on se croirait au début du XXIe siècle après J.-C.]. « C’est très vrai.  » Après avoir vidé et purifié de ces vertus l’âme du jeune homme qu’elles possèdent, comme pour l’initier à de grands mystères [les mystères d’Éleusis], elles y introduisent, brillantes, suivies d’un chœur nombreux et couronnées, l’insolence, l’anarchie, la licence, l’effronterie, qu’elles louent et décorent de beaux noms, appelant l’insolence noble éducation, l’anarchie liberté, la débauche magnificence, l’effronterie courage (2). N’est-ce pas ainsi, demandai-je, qu’un jeune homme habitué à ne satisfaire que les désirs nécessaires en vient à émanciper les désirs superflus et pernicieux, et à leur donner libre carrière ? « Si, dit-il, la choses est tout à fait claire.  » [...] Sa vie ne connaît ni ordre ni nécessité, mais il l’appelle agréable, libre, heureuse, et lui reste fidèle. « Tu as parfaitement décrit, dit-il, la vie d’un ami de l’égalité.  » [...] « Lorsqu’une cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons, elle s’enivre de ce vin pur au-delà de toute décence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté [c’est l’escalade inéluctable], elle les châtie, les accusant d’être des criminels et des oligarques.  » C’est assurément ce qu’elle fait [ou fera], dit-il. « Et ceux qui obéissent aux magistrats, elle les bafoue et les traite d’hommes serviles et sans caractère ; par contre, elle loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont l’air de gouvernés et les gouvernés qui prennent l’air de gouvernants. N’est-il pas inévitable que dans une pareille cité l’esprit de liberté s’étende à tout ?  » Comment non, en effet ? « Qu’il pénètre, mon cher, dans l’intérieur des familles, et qu’à la fin l’anarchie gagne jusqu’aux animaux ?  » Qu’entendons-nous par là ? demanda-t-il ? « Que le père s’accoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants, que le fils s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour ses parents [ » ses vieux « - complètement gâteux ou séniles], parce qu’il veut être libre, que le métèque devient l’égal du citoyen, le citoyen du métèque et l’étranger pareillement.  » Oui, il en est ainsi, dit-il. « [...] Et il en est ainsi du reste : tout déborde de liberté.  » [...] Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s’inquiéter des lois écrites ou non écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître. « Je ne le sais que trop, répondit-il.  » [...] Le même mal, répondis-je, qui, s’étant développé dans l’oligarchie, a causé sa ruine, se développe ici avec plus d’ampleur et de force, du fait de la licence générale, et réduit la démocratie à l’esclavage ; car il est certain que tout excès provoque ordinairement une vive réaction, dans les saisons, dans les plantes, dans nos corps, et dans les gouvernements bien plus qu’ailleurs. « C’est naturel.  » Ainsi, l’excès de liberté doit aboutir à un excès de servitude, et dans l’individu et dans l’État. « Il le semble, dit-il.  » Vraisemblablement, la tyrannie n’est donc issue d’aucun gouvernement que la démocratie, une liberté extrême étant suivie, je pense, d’une extrême et cruelle servitude. « C’est logique. »


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès