La « dangerosité » du candidat UMP, en dehors même de ses options politiques et économiques qui sont aussi celles d’une part respectable du courant libéral, porte sur sa philosophie personnelle de la société qui le rapproche d’un courant trés représenté aux USA et que son « dérapage » lors de l’entretien évoqué avec Michel Onfray démasque clairement. Ce dérapage peut nous poser à tous des questions qui dépassent nettement le clivage droite-gauche qui s’enflamme sur ce forum ; il révèle la pensée profonde d’une partie de la droite, qu’une autre partie désapprouve clairement.
Pour le candidat UM-P la génétique détermine le social : « J’inclinerai pour ma part, à penser qu’on naît pédophile...Il y a 1200 à 1300 jeunes qui se suicident en France chaque année...parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité... ». Tout est donc simple pour ce déterministe ignorant et le tollé est général depuis les églises jusqu’aux universités...
En effet le déterminisme est un obscurantisme. Dire cela n’est pas une affirmation « politiquement correcte » qui nierait la diversité génétique, mais c’est au contraire connaître l’apport des sciences génétiques associées aux sciences humaines qui, par une masse de travaux considérable, tendent à nous faire évoluer d’une génétique « causale » vers une génétique plus complexe dont l’expression est modulée aussi par l’environnement au sens le plus large. Des champs de vulnérabilité sont désormais identifiés pour de nombreuses affections somatiques, mais les comportements sont le fruit d’un processus bien plus complexe. Le « chromosome du crime » défendu par le criminologue italien CESARE LAMBROSO au XIX me siècle n’a jamais existé, même si notre P-résidentiable voulait le redécouvrir...
- On pourrait en rire ; le chromosome « p » comme pédophile serait aussi le chromosome « p » comme présidentiable ? A deux lettres prés nous étions avec le chromosome « r » comme racaille génétique, plus loin avec le chromosome « s » comme salaud congénital ...
- On peut ne pas en rire du tout ; le XX me siècle nous a appris que lorsque des « politiques » commencent à parler de génétique, le pire devient possible...
Il sera objecté que l’UM-P ne développe aucun programme « eugéniste », voire...
- Notre déterministe dangereux sait de quoi il parle lorsqu’il assimile la « racaille » à une France dangereuse et n’envisage que solution répressive ou carcérale, y compris pour les mineurs.
- Notre déterministe dangereux était à l’origine du projet de loi de « prévention de la délinquance », instrumentalisant un regrettable rapport de l’INSERM pour préconiser un dépistage dés l’âge de trois ans et l’injonction d’un suivi psychiatrique pour tous ces délinquants potentiels...Qu’il ait du retirer certains articles du texte sous la pression de la forte émotion suscitée, n’empêche pas d’imaginer sa détermination à « y revenir » si les électeurs commettaient l’erreur de lui confier désormais la surveillance de leurs enfants.
Dans cette consternante conversation avec Michel ONFRAY (in PHILOSOPHIE MAGAZINE nos 8 avril 2007 ) la fin de chaque phrase mérite autant d’attention que l’argument principal :
- « On naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions pas soigner cette pathologie. » . Cette affirmation ouvre l’acceptation d’une évidence qui serait la solution carcérale prolongée seule possible. Elle fonde aussi l’illégitimité et l’inutilité de tout soutien à des formes de thérapie et d’accompagnement ( réputés inefficaces). Nul doute que le programme santé sociale du candidat en sera fortement influencé en terme d’attribution de moyens.Il n’est pas sur que la société en soit mieux protégée pour autant...
- « ...Les jeunes qui se suicident....chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que génétiquement ils avaient une fragilité ! ... » Cette deuxième affirmation vise clairement à occulter toute autre cause potentielle de souffrance psychique que celle qui aurait pu résulter d’un conflit ou d’une insuffisance familiale ! Le « mal-de-vivre » et la mésestime de soi qui accable des centaines de milliers de citoyens, jeunes ou moins jeunes, confrontés à la difficulté de l’insertion sociale, aux ruptures des solidarités, à la mise en concurrence de chacun contre tous dans un univers libéral terriblement destructeur d’humanité ne sont pour rien dans la désespérance de beaucoup...Suicide au travail ? Fragilité génétique !
Entre le Darwinisme social et l’eugénisme social existe une passerelle ici perceptible. Le processus « ne tue personne », il invite seulement les individus à s’éliminer eux-mêmes, selon les lois d’une sélection naturelle attribuant aux faibles, aux exploités épuisés et aux exclus une « fragilité génétique ». La déresponsabilisation du « politique » est tout entière contenue dans les affirmations de notre P-résidentiable !Il ne faut pas lutter contre les lois de la nature, seulement éliminer les « nuisibles » ...
- La révolte ? Une déviance innée qu’il faut détecter très tôt pour la neutraliser avant son expression !
- La désespérance ? Une fragilité génétique dont l’issue suicidaire n’est qu’une loi de la nature !
Seul un cerveau « malade » peut au XXI me siècle poser de telles affirmations. Il faudrait une tentative d’interprétation psychanalytique pour comprendre pourquoi, dans cet entretien, est survenue une résurgence mentale associant dans son discours « la tentation pédophile » et « l’idée suicidaire » pour les rattacher tous deux et dans la même phrase à une prédisposition génétique incontrôlable...Cette association troublante remontée d’un inconscient un instant débridé au sein d’un ego surdimensionné, nous révèle peut-être des tourments jusqu’à ce jour occultés. On ne peut que recommander une thérapie dont la longueur prévisible et la fréquence des séances souhaitables serait incompatible avec un emploi à plein temps Elyséen. Rendons-lui ce service de ne pas lui imposer cette entrave au soin...
JACQUES RICHAUD