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Commentaire de CP

sur Un décret très contestable sur le fonctionnement de la justice administrative


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CP (---.---.243.215) 5 août 2006 12:30

« ... je trouve que ce décret arrive parfaitement à concilier les intérêts en présence. »

Ah bon ! Vous ne trouvez donc pas choquant que, devant le Conseil d’Etat, on soit obligé de « se mettre en avant » pour bénéficier du respect de ce que la Cour Européenne des Droits de l’Homme qualifie d’« intérêt superieur » ?

La théorie des apparences n’est pas basée simplement sur « ce que les gens peuvent penser », mais aussi et surtout sur « ce à quoi ça se prête ». Il a toujours été admis que quelqu’un qui exprime publiquement son opinion sur une affaire ne doit pas participer au jugement de cette affaire, car le délibéré est par définition contradictoire et l’intéressé peut être tenté de ne pas vouloir se déjuger.

Il est d’ailleurs admis que le commissaire du gouvernement de doit pas faire partie de la formation de jugement. Pourquoi, alors, cette présence à tout prix au délibéré ? Qu’on ne vienne pas nous dire que c’est pour qu’il comprenne mieux les motifs de la décision, car dans ce cas cela signifierait que les jugements du Conseil d’Etat ne sont pas vraiment motivés et qu’on ne dit pas tout aux justiciables.

Mais ce qui est encore plus inquiétant, c’est le fait même que la plus forte résistance vienne du Conseil d’Etat, une instance où précisément la composition de la formation de jugement peut n’avoir aucun rapport avec les magistrats qui ont effectivement traité l’affaire au cours de son instruction. Et que, devant la CEDH, le gouvernement français a plaidé sur la base de l’ « utilité » de la présence du commissaire du gouvernement au délibéré. Je pense qu’Isabelle a vu juste lorsque dans son précédent article sur le sujet, elle écrivait :

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11825

"Débat académique, purement formel ? Tel ne semble pas être le cas, pour peu qu’on examine le contexte institutionnel. D’abord, la question de la présence du commissaire du gouvernement au délibéré n’est pas mineure, vu le fonctionnement réel de la Section du Contentieux du Conseil d’Etat où le rapporteur de l’audience publique n’est pas forcément l’auteur du rapport écrit versé au dossier. Le rapporteur initialement désigné au titre des articles R611-20 et R611-30 du Code de Justice Administrative peut ne pas faire partie de la formation de jugement. Le changement de rapporteur avant l’audience est une conséquence possible de la durée de la procédure ou de l’inscription de l’affaire à un rôle qui ne prévoit pas la participation du rapporteur initial. Mais il est alors à craindre que le commissaire du gouvernement ne soit le seul magistrat en charge de l’affaire ayant procédé à un examen approfondi du dossier. Ce qui expliquerait l’incroyable référence du gouvernement français, devant la CEDH, à l’aide que le commissaire du gouvernement apporterait aux juges. Car, autrement, l’auteur du rapport écrit est censé avoir consacré au dossier la même attention que le commissaire du gouvernement, y compris dans la période précédent l’audience. Les conclusions de ce dernier sont publiques et n’ont pas à être complétées ni développées, ni précisées, au cours du délibéré. Si jamais le fonctionnement de facto de la juridiction administrative devait s’avérer un peu différent et si, dans la pratique, c’était le commissaire du gouvernement qui jugeait un certain nombre d’affaires, il y aurait un réel problème.

Les arrêts de la CEDH soulignent que le commissaire du gouvernement ne saurait être en même temps un juge de l’affaire. Ce point essentiel ne peut pas avoir échappé au Vice-Président français et Président de Section de la CEDH, ancien président de sous-section du Contentieux au Conseil d’Etat. Pourquoi, alors, cette polémique autour de la « présence » du commissaire du gouvernement au délibéré ? Le justiciable pourrait même se demander si les autorités françaises font vraiment confiance aux formations de jugement. Quel équilibre sacro-saint a été bousculé par les arrêts de la CEDH ? Il semble bien que notre Haute Juridiction administrative nécessite une réforme. Malheureusement, ces derniers temps, des mesures « de terrain » ont privé les justiciables français de moyens de contrôler des aspects importants du fonctionnement de la juridiction administrative. Par exemple, la feuille contenant l’historique des opérations de la requête et permettant de connaître notamment l’identité de chaque rapporteur, réviseur et commissaire du gouvernement désigné, les dates des désignations, de dépôt d’éventuels rapports écrits... n’est plus jointe à la communication du dossier. Si le justiciable la réclame, on lui répond que c’est un document « interne ». C’est une réelle perte de transparence. D’autant plus, que ce refus peut empêcher la récusation d’un rapporteur dont le rapport écrit, une fois déposé, restera valable malgré toute récusation ultérieure. Si le rapporteur à l’audience n’est pas l’auteur du rapport écrit, le justiciable peut rester dans l’ignorance de l’identité réelle de ce dernier. Une information qui n’est pas sans importance, vu l’absence de séparation des carrières entre la juridiction administrative et les administrations, cabinets de ministres compris."


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