Un décret très contestable sur le fonctionnement de la justice administrative
Le fonctionnement de la justice administrative française avait été mis en cause depuis cinq ans par une succession de condamnations émanant de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La question litigieuse étant celle de la présence du commissaire du gouvernement au délibéré, que la Cour de Strasbourg juge contraire au principe du procès équitable. Si cette situation a duré si longtemps, c’est qu’un réel problème se pose dans la mesure où les instances françaises ne semblent pas vraiment admettre une telle interprétation du droit. Le décret paru le 3 août n’apparaît pas de nature à régler définitivement ce contentieux, en tout cas par rapport à ce que les justiciables peuvent considérer comme leur intérêt légitime.
Le jeudi 3 août, le Journal Officiel a publié un décret (2006-964 du 1er août 2006) modifiant la partie réglementaire du Code de justice administrative. Ce décret entend notamment, en théorie, tirer les conséquences de l’arrêt Martinie de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) que j’avais commenté dans mon article du 25 juillet. Malheureusement, ce que je craignais semble se réaliser : le gouvernement cherche apparemment à "appliquer le moins possible", si j’ose dire, l’esprit de l’arrêt de la CEDH.
Pour la CEDH, le commissaire du gouvernement, magistrat censé exposer publiquement et de manière indépendante son point de vue sur l’affaire à la fin de l’audience, ne doit pas être présent au délibéré de la formation de jugement de la juridiction administrative. C’est le sens de l’arrêt Kress de juin 2001 rappelé très clairement par la CEDH avec l’arrêt Martinie d’avril 2006, au milieu d’une série de condamnations de la France pour avoir refusé d’admettre ce principe. La Cour estime qu’ayant exprimé en public une opinion sur l’affaire, le commissaire du gouvernement ne peut plus être regardé comme impartial et ne doit pas pouvoir influencer, fût-ce par sa "seule présence", le déroulement du délibéré. Comme exposé dans mon article du 25 juillet, le juge français de la CEDH et les autorités françaises ont toujours exprimé des réticences envers le principe ainsi énoncé. Il était à craindre que l’application chez nous de cette jurisprudence de la Cour européenne ne se heurte encore à des difficultés. Tel semble bien être le cas, au vu du décret 2006-964.
Le Conseil d’Etat avait proposé aux syndicats de la juridiction administrative des formulations de l’article R 731-7 du Code de Justice Administrative rendant "optionnelle" la question de la participation du commissaire du gouvernement au délibéré. L’idée étant que, pour se conformer à la jurisprudence de la CEDH, il suffirait de permettre aux parties, si elles le jugent nécessaire, de s’opposer à la présence du commissaire du gouvernement au délibéré. Malgré le peu de succès de ces propositions, Pascal Clément avait soumis début juillet une formulation de ce type au Conseil Supérieur des Tribunaux Administratifs et des Cours Administratives d’Appel (CSTACAA) qui ne l’a pas acceptée et qui, à la place, a adopté le texte beaucoup plus simple et clair : "La décision est délibérée hors la présence des parties et du commissaire du Gouvernement". Cette formulation a prévalu pour les Tribunaux Administratifs et les Cours Administratives d’Appel. Mais, pour le Conseil d’Etat, le décret 2006-964 prévoit que : "Sauf demande contraire d’une partie, le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n’y prend pas part". Une telle formulation paraît difficilement compatible avec l’exercice réel du droit des justiciables français à un procès équitable, tel que garanti par l’article 6.1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales et interprété par la CEDH.
Si on part du critère énoncé par la CEDH, à savoir que la présence du commissaire du gouvernement au délibéré est contraire au principe du procès équitable, alors le texte précité du décret du 1er août revient à écrire en somme que le procès est équitable si une partie en fait la demande expresse, mais qu’en France le contraire est la règle. Pour obtenir le respect effectif de ce droit fondamental par l’absence du commissaire du gouvernement du délibéré, le justiciable devra "se faire remarquer" avec une démarche ad hoc que tout le monde n’osera pas entreprendre. Il pourra même, de ce simple fait, apparaître comme un "contestataire", si ce n’est comme un "meneur". Difficile, pour le moins, de concilier une telle situation avec ce que le citoyen peut considérer comme les bases de l’Etat de droit.
De surcroît, la plupart des recours auprès du Conseil d’Etat nécessitent le ministère d’un avocat aux Conseils. Je n’ai trouvé sur le site de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation aucun communiqué s’exprimant sur l’application en France des principes définis par les arrêts Kress et Martinie. On y remarque, en revanche, une communication du Président de l’ordre intitulée : "La non-admission des pourvois devant la Cour de cassation" prenant la défense de l’actuelle procédure éliminatoire de la Cour de Cassation (voir mon article du 28 juillet) en réponse à "un hebdomadaire satirique". Rien n’annonce qu’une corporation aussi proche des conseillers d’Etat et de la haute magistrature que celle des avocats aux Conseils réclamera par principe l’application stricte des jurisprudences Kress et Martinie de la CEDH, alors que le Conseil d’Etat avait de son propre chef proposé des textes analogues à celui qu’instaure à présent, pour sa Section du Contentieux, le décret 2006-964.
Qu’adviendrait-il si, de manière consensuelle, les avocats aux Conseils en arrivaient à juger superflu d’indisposer les magistrats du Conseil d’Etat par un rappel de l’arrêt Martinie ? L’exercice effectif du droit garanti du bout des lèvres aux justiciables par la nouvelle mouture de l’article R. 731-7 risquerait de devenir quelque chose qui "ne se fait pas, sauf circonstances exceptionnelles". Ce qui équivaudrait à assimiler à une sorte de récusation du commissaire du gouvernement cette simple application du droit des parties à un procès équitable.
Quoi qu’il en soit, il est à craindre que la rédaction de l’article R 731-7 instaurée par le décret 2006-964 ne puisse s’avérer de nature à générer une pression tacite à l’égard des avocats et des justiciables. On se trouverait alors aux antipodes des considérants des arrêts Kress et Martinie qui évoquent rien de moins que l’intérêt supérieur du justiciable. Un intérêt supérieur peut-il être valablement protégé par des droits optionnels et marginaux avec des modalités d’exercice quasiment à risque ? Mais il faudrait d’abord savoir si les institutions françaises admettent l’idée d’un intérêt supérieur du justiciable. Dans un article de l’Express du 21 février 2005, un avocat français déclare : "Le droit public étant en soi défavorable à l’administré, parce que l’intérêt général se doit d’être supérieur à l’intérêt particulier, les tribunaux administratifs avaient besoin de démonstrations d’indépendance pour améliorer leur image". Et pourquoi le droit public devrait-il être "défavorable à l’administré" ? Une telle conception ne revient-elle pas à identifier l’Etat avec les fonctionnaires influents qui le gèrent ? Car autrement, on ne voit guère où réside l’intérêt général dans une lecture du droit public qui, étant défavorable à l’administré, ne pourrait qu’encourager les dysfonctionnements des administrations.
C’est pourquoi, si on va au fond de choses, c’est bien d’une question de démocratie qu’il s’agit, comme je l’avais souligné dans mon article du 25 juillet.
Le problème de l’application conséquente de la jurisprudence de la CEDH concernant le fonctionnement de la Section du Contentieux du Conseil d’Etat devient alors politique et devrait d’être pris très au sérieux. Car il en va en réalité de l’idée que nos institutions se font sur la place du citoyen et de l’individu dans la société française du début du XXI siècle. Si le débat sur une question de prérogatives du magistrat qu’est le commissaire du gouvernement étouffait finalement la cause supérieure qu’est l’intérêt légitime du justiciable, alors la responsabilité du monde politique serait en cause. D’autant plus qu’un intérêt légitime général doit être garanti d’office, et pas par une sorte d’exception facultative comme le fait le décret du 1er août 2006.
46 réactions à cet article
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En effet, en ce qui concerne la participation du Conseil d’Etat au délibéré, le décret est exactement ce qui était annoncé de manière officieuse :
http://www.admi.net/jo/20060803/JUSC0620596D.html
Décret n° 2006-964 du 1er août 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative NOR : JUSC0620596D
Le Premier ministre,
Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,
Vu le code de justice administrative ;
Vu l’avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel en date du 4 juillet 2006 ;
Le Conseil d’Etat (commission spéciale pour l’examen des textes intéressant le contentieux administratif) entendu,
Décrète :
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux experts
Article 1
Il est inséré, après l’article R. 122-25 du code de justice administrative, une section II bis intitulée « Tableau national des experts près le Conseil d’Etat » et comprenant un article R. 122-25-1 ainsi rédigé :
« Art. R. 122-25-1. - Il peut être établi, chaque année, pour l’information des juges, un tableau national des experts près le Conseil d’Etat dressé par le président de la section du contentieux, après consultation des présidents de cour administrative d’appel. »
Chapitre II
Dispositions relatives à l’inscription au rôle
Article 2
I. - Après le premier alinéa de l’article R. 711-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’avis d’audience reproduit les dispositions des articles R. 731-1, R. 731-2, R. 731-3, R. 732-1 et R. 732-2. »
II. - Au troisième alinéa, les mots : « dans les deux cas » sont supprimés.
Article 3
Après le quatrième alinéa de l’article R. 712-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’avis d’audience reproduit les dispositions des articles R. 731-1, R. 731-2, R. 731-3, R. 733-1, R. 733-2 et R. 733-3. »
Chapitre III
Dispositions relatives à l’audience et au délibéré
Article 4
Les articles R. 731-4, R. 731-6 et R. 731-7 sont abrogés.
Article 5
Il est créé trois chapitres au sein du titre III du livre VII du même code.
I. - Le chapitre 1er est intitulé : « Dispositions générales ».
Il comprend :
- les articles R. 731-1 et R. 731-2 ;
- l’article R. 731-5 qui devient l’article R. 731-3 ;
- l’article R. 731-8, duquel le mot : « aussi » est supprimé, qui devient l’article R. 731-4 ;
- l’article R. 731-9 qui devient l’article R. 731-5.
II. - Le chapitre 2 est intitulé : « Dispositions applicables aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel ».
Il comprend :
- l’article R. 731-3, duquel les mots : « Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel » sont supprimés, qui devient l’article R. 732-1 ;
- un article R. 732-2 ainsi rédigé : « La décision est délibérée hors la présence des parties et du commissaire du Gouvernement ».
III. - Le chapitre 3 est intitulé : « Dispositions applicables au Conseil d’Etat ». Il comprend les articles R. 733-1, R. 733-2 et R. 733-3 ainsi rédigés :
« Art. R. 733-1. - Après le rapport, les avocats au Conseil d’Etat représentant les parties peuvent présenter leurs observations orales. Le commissaire du Gouvernement prononce ensuite ses conclusions.
« Art. R. 733-2. - La décision est délibérée hors la présence des parties.
« Art. R. 733-3. - Sauf demande contraire d’une partie, le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n’y prend pas part.
« La demande prévue à l’alinéa précédent est présentée par écrit. Elle peut l’être à tout moment de la procédure avant le délibéré. »
Chapitre IV
Dispositions propres au Conseil d’Etat
Article 6
Dans le texte du premier alinéa de l’article R. 611-22 du même code, les mots : « quatre mois » sont remplacés par les mots : « trois mois ».
Article 7
Le troisième alinéa de l’article R. 611-23 du même code est abrogé.
Article 8
Le septième alinéa de l’article R. 822-5 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« 3° Les pourvois dirigés contre les ordonnances prises en application des articles L. 521-1, L. 521-3, L. 521-4 et L. 522-3. »
Chapitre V
Dispositions diverses et finales
Article 9
Indépendamment de son application de plein droit à Mayotte, le présent décret s’applique en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Article 10
Le présent décret entrera en vigueur le 1er septembre 2006.
Les dispositions de son article 6 ne sont pas applicables aux requêtes sommaires enregistrées antérieurement à son entrée en vigueur.
Article 11
Le garde des sceaux, ministre de la justice, est chargé de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 1er août 2006.
Dominique de Villepin
Par le Premier ministre :
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Pascal Clément
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Je veux dire « la participation du commissaire du gouvernement du Conseil d’Etat au délibéré ».
C’est bien : « Art. R. 733-3. - Sauf demande contraire d’une partie, le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n’y prend pas part. »
A noter que ce ne sera plus l’article 731-7 mais l’article 733-3. L’article 731-7 a été abrogé.
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Merci, Ingrid, pour cette mise au point !
En effet, à compter du 1er septembre, l’actuel article R. 731-7 du Code de Justice Administrative, valable à la fois pour les Tribunaux Administratifs, les Cours Administratives d’Appel et le Conseil d’Etat et qui dit :
" Article R731-7
(inséré par Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 6 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
Le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n’y prend pas part."
sera scindé en deux nouveaux articles.
L’un (R 732-2) pour les Tribunaux Administratifs et les Cours Administratives d’Appel, à l’intérieur d’un chapitre « Dispositions applicables aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel », avec le texte :
« La décision est délibérée hors la présence des parties et du commissaire du Gouvernement ».
L’autre (R 733-3), à l’intérieur d’un chapitre « Dispositions applicables au Conseil d’Etat », avec le texte :
« Sauf demande contraire d’une partie, le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n’y prend pas part »
et précédé d’un article R 733-2 qui précise que « La décision est délibérée hors la présence des parties ».
Je rappelle également l’ensemble des articles actuellement en vigueur dans le Titre III du Code de Justice Administrative « La tenue de l’audience et le délibéré » :
Article R731-1
(Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 5 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
Le président de la formation de jugement veille à l’ordre de l’audience. Tout ce qu’il ordonne pour l’assurer doit être immédiatement exécuté.
Les membres de la juridiction disposent des mêmes pouvoirs sur les lieux où ils exercent les fonctions de leur état.
Article R731-2
(Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 5 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
Les personnes qui assistent à l’audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la justice. Il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d’approbation ou de désapprobation, ou de causer quelque désordre que ce soit.
Le président de la formation de jugement peut faire expulser toute personne qui n’obtempère pas à ses injonctions, sans préjudice des poursuites pénales ou disciplinaires qui pourraient être exercées contre elle.
Article R731-3
(Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 5 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l’article R. 222-13, les parties peuvent présenter soit en personne, soit par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l’appui de leurs conclusions écrites. Le président a la faculté de leur retirer la parole si elles ne sont pas en mesure de discuter leur cause avec la modération ou la clarté requises.
La formation de jugement peut également entendre les agents de l’administration compétente ou les appeler devant elle pour fournir des explications.
Au tribunal administratif, le président de la formation de jugement peut, au cours de l’audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l’une des parties souhaiterait l’audition.
Le commissaire du gouvernement prononce ensuite ses conclusions.
Article R731-4
(Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 5 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
Devant le Conseil d’Etat, après le rapport, les avocats des parties peuvent présenter leurs observations orales. Le commissaire du gouvernement prononce ensuite ses conclusions.
Article R731-5
(inséré par Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 6 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
Postérieurement au prononcé des conclusions du commissaire du Gouvernement, toute partie à l’instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré.
Article R731-6
(inséré par Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 6 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
La décision est délibérée hors la présence des parties.
Article R731-7
(inséré par Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 6 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
Le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n’y prend pas part.
Article R731-8
(inséré par Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 6 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
Peuvent aussi être autorisés à assister au délibéré, outre les membres de la juridiction et leurs collaborateurs, les juges, avocats stagiaires, professeurs des universités et maîtres de conférences accomplissant auprès de celle-ci un stage ou admis, à titre exceptionnel, à suivre ses travaux, qu’ils soient de nationalité française ou étrangère.
Le chef de la juridiction, après avis du président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la formation de jugement délivre l’autorisation.
Article R731-9
(inséré par Décret nº 2005-1586 du 19 décembre 2005 art. 6 Journal Officiel du 20 décembre 2005)
Les personnes qui, à un titre quelconque, participent ou assistent au délibéré sont soumises à l’obligation d’en respecter le secret, sous les sanctions prévues par l’article 226-13 du code pénal.
(fin de citation)
On remarquera que l’article R 731-8 reste intact, alors que, comme je l’avais signalé dans ma note précédente :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11825
il paraît de nature à poser un réel problème.
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Je rappelle qu’à propos de l’article R 731-8 qui à compter du 1er septembre devient l’article R 731-4, j’avais écrit :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11825
« Le décret du 19 décembre 2005 comporte une autre mesure avec une dangereuse charge conflictuelle. Il introduit dans le Code de Justice Administrative un article R731-8 aux termes duquel : »Peuvent aussi être autorisés à assister au délibéré, outre les membres de la juridiction et leurs collaborateurs, les juges, avocats stagiaires, professeurs des universités et maîtres de conférences accomplissant auprès de celle-ci un stage ou admis, à titre exceptionnel, à suivre ses travaux, qu’ils soient de nationalité française ou étrangère....« Les justiciables peuvent-ils raisonnablement se satisfaire de dispositions ouvrant la porte du délibéré à des personnes autres que les juges, qui leur sont inconnues et dont il n’est même pas prévu de leur signifier la présence ? Il paraît très difficile de concilier un tel fonctionnement avec les droits de la personne et les principes de l’Etat de droit, tels que le citoyen peut les comprendre. »
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On peut même se demander si cette disposition de l’article R 731-8, futur R 731-4, n’est au fond plus grave encore que la présence du commissaire du gouvernement au délibéré.
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Je pense comme Ingrid que cette affaire des « invités » au délibéré est encore pire que celle de la présence du commissaire du gouvernement. C’est au fond un manque de respect envers le justiciable, dont la vie peut basculer dans le litige que les juges ont à trancher.
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Excellente analyse dont on peut tirer, me semble-t-il, les enseignements suivants :
1) La CEDH n’est pas minimlaliste dans ce cas tout à fait central quant aux rapports entre l’état et les citoyens, car elle défend les droits de l’homme en un sens plus libéral que l’état français.
2) La conception de l’état français qui tend à assimiler l’état comme dépositaire exclusif et forcément légitime de l’intérêt général et à imposer cette vision contre les droits des individus est contraire à l’idée même de démocratie pluraliste : l’intérêt dit général dans un démocratie pluraliste (plusieurs conceptions de l’intérêt général en compétition permanente) et individualiste (fondée sur les droits égaux des individus humains) ne peut procéder que du respect des droits réciproques égaux des individus et non d’un état transcendant qui l’imposerait de l’extérieur, au nom d’une prétendue volonté générale, non seulement supérieure, mais contraire aux droits des individus.
Merci de modérer votre appréciation antérieure visant, m’avait-il semblé au vu d’un article confus dans sa conclusion, à discréditer la CEDH par rapport à la justice française supposée, à tort -on le voit ici-, plus libérale.
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Pourquoi opposer la critique des institutions françaises et celle des institutions européennes ?
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Parce qu’elle ne relèvent pas de la même conception des droits de l’homme dans leur rapport à l’état et qu’il y a un réel conflit entre la vision libérale du droit représentée en France par B .Constant. et celle de Rousseau.
En France pour faire court les individus appartiennent à l’état et les droits de l’homme sont sous tutelle de l’état qui s’arroge le monopole de leur application au regard de l’intérêt général, alors que pour les anglo-saxons (et les allemands) c’est plutôt l’inverse : les droits de l’homme doivent s’imposer contre la tentation de l’état de les réduire à n’être qu’un instrument au service de son pouvoir transcendant. Cette déification du rôle de l’état explique en partie que le France semble refuser l’individualisme libéral et résiste à l’unification d’un droit européen plus libéral que le droit français ; ex : le scandale des prisons en France et des procédures judiciaires (inquisitoires, héritage de l’inquisition) , denoncé par la CEDH, signe le peu de respect de la justice pénale française pour les droits de la défense et le droit des prisonniers.
Il faut avoir le courage de tirer la leçon du procès de Outreau...
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A Sylvain Reboul : j’ai l’impression que vous vous faites une idée très bienveillante de ce que sont les « traditions européennes ». L’Europe a tout de même été le continent des guerres mondiales, où l’impérialisme français a eu sa part de responsabilité mais il n’a pas été le seul.
Précisément, l’Europe devient de plus en plus une sorte de France à grande échelle, au mauvais sens du terme. A savoir, sans la protection sociale ni la stabilité d’emploi, ni une véritable égalité, mais avec un fonctionnement institutionnel de plus en plus autoritaire et éloigné des citoyens. Avec une pensée unique très musclée, également.
Allez voir le site de l’ENA : à présent, elle est à Strasbourg et se fait appeler « école européenne de gouvernance ». Tout un symbole, et un programme.
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« Allez voir le site de l’ENA : à présent, elle est à Strasbourg et se fait appeler »école européenne de gouvernance« . Tout un symbole, et un programme. »
Cette appelation est le reflet d’une réalité : vous et moi vivons, que nous le voulions ou non, en Europe, dès lors que le droit français est aujourd’hui majoritairement européen et que le droit européen (80% du droit commercial français) détermine les changements du droit français car il lui est supérieur (hiérarchie des normes). On ne peut pas plus être responsable français sans être responsable dans la dimension et l’espace européen. Vous pouvez le regretter mais il est trop tard de revenir en arrière sans catastrophe économique et sociale immédiate que provoquerait nécessairement un protectionisme franco-français, désormais impossible.
Il faut nous adapter à la réalité incontournable européenne comme nous nous sommes adaptés à la république française pour pouvoir l’adapter à nos exigences... Toute autre attitude serait sans effets positifs réels comme l’est la prétendue victoire du non au référendum, minoritaire en Europe, qui nous met en position de faiblesse et d’impuissance relative vis-à-vis de nos partenaires. Victoire de Gribouille, comme on peut le constater tous les jours : L’Europe continue de se faire et de s’étendre dans un sens que nous est pas plus favorable, au contraire.
Rendez-vous après 2007 comme l’annoncent nos partenaires et les futurs dirigeants français, toutes tendances pouvant prétendre gouverner confondues. On reparlera probablement d’un nouveau traité européen qui ne sera pas forcément une constitution soumise à référendum et qui reprendra l’essentiel du texte du TCE. Je prends date...
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Bonjour,
Bravo pour l’article ainsi que les précédents...
Je suis moi même tout à fait impressionné par la persévérance de Mr Reboul pour faire toucher du doigt à ses lecteurs la singularité (peut être une exlusivité) de la France à entretenir ce type d’etat ainsi que ses relations réciproques avec ses administrés. Moi même à moitié Anglo Saxon et fonctionnaire de l’Etat Français, j’ai un mal infini à convaincre mes interlocuteurs de cette réalité ; le regard extérieur est proposé à très peu d’entre nous surtout s’ils n’ont pas l’occasion de connaître d’autres cultures de l’intérieur.
Pour faire bref et choquant :
Je fais l’hypothèse impossible et « absurde » qu"un justiciable puisse se tourner en cas de recours ou de litige vers la justice d’un autre pays européens ou européenne. (cette dernière hypothèse est en fait déjà en pratique).
Je crains que la justice française soit délaissée plus souvent qu’à son tour sauf peut être par c ertaines personnes morales dont l’administration. Bien sur ce scénario est je le répète absurde mais demandons nous outre sa formidable inertie pourquoi la france est la plus longue à transposer les directives et lois européennes....
Enfin cette dénomination de l’ENA est un peu un voeu pieux car cette école à quelques individus près (plus indépendants et ouverts d’esprit) reproduit le fonctionnement intellectuel et mental, le plus opérationnel en faveur du maintien de l’esprit de nos Elites, excusez le terlme, franchouillardes actuelles.
Oui quand c’est non à la guerre en Iraq et au Liban, mais non quand c’est oui aux moyens dérisoires pris contre le chomâge et pour une vrai formation des moins favorisés. (pour l’Elite, son arrogance sans égal en Europe -ils pensent pour les autres puisque les autres « ne pensent pas »- et sa reproduction on n’a pas d’inquiétude....
Mr Reboul, pardonnez moi, mais comme vous êtes Angevins et (attaché à l’Allemagne), cette réflexion me travaille : Suite au procès d’Angers (le plus grand nombre de prévenus pour une telle gravité en la matière que l’on connaisse), les magistrats ont été décorés on imagine en réaction à l’absence d’incidents comparé à ce que donna Outreau. Je m’en indigne car à Angers les accusés ont plaidé coupables et les faits étaient je crois avérés...
Faut il y voir un de nos hypocrites effets médiatiques orchestrés à la française ??????
Cordialement.
Marc P
Marc P
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Dans ces décorations il faut y voir me semble-t-il une attitude ambivalente :
D’un côté il s’agit de revaloriser un fonctionnement possible de la justice à la française mise à mal par Outreau, pour faire temporairement recouvrir, sinon oublier -ce qui est dorénavant impossible- les questions de fond qui concernent les droits de l’homme que le procès d’Outreau a mis en évidence dans un fonctionnement pourtant normal.
D’un autre il s’agit de montrer par cet hommage que les magistrats peuvent et doivent être plus transparents et plus soucieux d’investigations approfondies, sans se soumettre aux passions de l’opinion. Ce en quoi ils peuvent, y compris dans le fonctionnement normal de la justice à la française, être plus sereins et plus équilibrés dans la consuite de la procédure.
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D’accord, pour considérer ces médailles comme une forme d’encouragement à l’ensemble du corps jusdiiare à travailler plus professionnellement en somme....
Mais d’accord aussi pour admettre que le procès d’Outreau outre l’effet déstabilisant des médias débridés est une affaire qui fut beaucoup plus compliquée que celle d’Angers du fait de la « mythomanie » par trop persuasive d’une des accusées ; il ne s’agit pas de dédouaner des auteurs de la terrible erreur judiciaire, mais la comparaison que certains on voulu faire entre les 2 procès Angers et Outreau m’a semblé n’avoir pas trop de sens...
Merci d’avoir bien voulu me répondre pou mon édification.
Cordialement
Marc P
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Sylvain Reboul écrit :
« Cette appelation est le reflet d’une réalité : vous et moi vivons, que nous le voulions ou non, en Europe, dès lors que le droit français est aujourd’hui majoritairement européen... »
Ah, Je croyais qu’en bon libéral, vous étiez pour la suppression de l’ENA... Une chose est certaine : l’ENA convient parfaitement bien à cette bureaucratie européenne dont vous ne nous parlez jamais !
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Marc P évoque :
« ... la singularité (peut être une exclusivité) de la France à entretenir ce type d’Etat... »
Soyons réalistes : si on lit un peu la presse britannique, ils reprochent deux choses à la France : a) sa protection sociale et son droit du travail, b) l’existence d’un secteur nationalisé de l’économie. Pour le reste, la bureaucratie elle-même ne les dérange pas outre mesure.
Et c’est pourquoi l’ENA devenue « européenne » a de beaux jours devant elle, pour notre malheur.
D’ailleurs, ce n’est que tout récemment que le Royaume-Uni s’est doté d’une Cour Suprême. Traditionnellement, la compétence équivalente relevait de la Chambre des Lords...
A propos des critiques britanniques envers la France, j’ai trouvé très juste ce commentaire d’Isabelle dans un autre article :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11958
« Lors de l’incident du 15 juin à l’Assemblée Nationale, François Hollande s’était plaint qu’ »EADS, un des fleurons de notre industrie aéronautique, en France comme en Europe, est aujourd’hui ébranlé par le comportement de l’un de ses dirigeants« dans l’affaire des stock-options. Si le gouvernement en venait à lui confirmer sa confiance, »cela signifierait que nous sommes dans l’irresponsabilité générale, oui, dans l’irresponsabilité générale, puisqu’un président d’entreprise peut se comporter ainsi sans avoir été rappelé à l’ordre par l’État« . Dans une réponse très controversée sur la forme, le Premier ministre avait évoqué une absence de »véritable politique industrielle« de la part du Parti Socialiste, un recours à la »facilité« de ses dirigeants »en matière de politique énergétique« et une gestion n’ayant »jamais cessé de brader« le service public, faute de »faire le nécessaire pour les entreprises publiques« . Le mini-scandale semble s’être soldé par l’arrivée d’un »patron de gauche« au sommet d’EADS. Etait-ce l’objectif »terre à terre" de François Hollande ?
Mais un article de Ross Tieman paru dans The Observer du 25 juin n’a guère accordé d’importance à ce débat. L’auteur pourfend ce qui lui apparaît comme un protectionnisme industriel de l’Etat français et un « capitalisme entre copains » (« crony capitalism »). Il évoque l’affaire Clearstream en traitant Jean-Louis Gergorin de « pote de De Villepin » (« chum of De Villepin’s ») et rappelle que Jacques Chirac en personne avait soutenu la nomination de Noël Forgeard à la co-présidence d’EADS. S’il s’en prend à « De Villepin et sa bande » (« De Villepin and crew »), c’est en tant que représentants d’un monde où « l’économie de marché n’est pas jugée légitime ». Ce qui serait, semble-t-il, la faute à une « philosophie catholique anti-profit alliée à un socialisme d’après-guerre ». En bref, l’Etat français devrait « sortir » de la gestion d’EADS et laisser faire les partenaires privés. A un moment où le nom de Louis Gallois circule déjà, Ross Tieman s’indigne d’une déclaration de Dominique Perben estimant que le fait d’être sortis tous les deux de la même promotion de l’ENA rendrait plus facile d’échanger des idées : la France est dirigée par une élite restreinte (« a tiny elite »). C’est vrai que Noël Forgeard « n’est que » polytechnicien...
Que la France est gouvernée par une « élite » restreinte et que c’est une très mauvaise chose, cela paraît certain. Mais la lecture d’ouvrages récents comme « The Chosen », de Jerome Karabel, ou encore « Privilege », de Ross Gregory Douthat, montre l’existence aux Etats-Unis d’une coupole sociale également « élitiste » et coriace. Pareil pour la Grande-Bretagne. Quant aux « affaires », Enron n’a pas été triste et a amené des critiques qui paraissent difficiles à réfuter. En matière de mélanges de genres institutionnels, l’exemple du Vice-Président Richard Cheney met en évidence que la politique américaine ne se soucie guère de principes tels que la « séparation de carrières ». A la forme près, les dérives sont les mêmes partout. Il reste, toutefois, que les responsables publics et politiques français ne se voient pas interdire la fréquentation, au sein des cercles d’influence, des représentants des milieux industriels et financiers privés. C’est vrai en France, dans une association comme le Siècle (dont Jean-Louis Gergorin a souvent fait partie) qui a même été présidée par le Vice-Président en fonction du Conseil d’Etat, mais aussi au niveau international...."
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Sylvain Reboul écrit pour après 2007 :
« On reparlera probablement d’un nouveau traité européen qui ne sera pas forcément une constitution soumise à référendum et qui reprendra l’essentiel du texte du TCE. Je prends date... »
La belle conception de la démocratie de la part des lobbies européens ! Comme les gens disent non, on refera le même chose mais sans référendum...
Mais c’est un excellent aveu du manque total de représentativité citoyenne de tous ces lobbies et de la fiction qu’est devenue la démocratie en France comme en Europe. Le monde politique roule pour les lobbies financiers et se fiche de ses électeurs.
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Bonsoir Ingrid et merci pour votre réaction, merci aussi pour ces citations d’Isabelle que j’avais lues et qui à mon sens sont d’une grande pertinence tout comme vos remarques.
Je précise que je ne suis pas du tout juriste ni versé dans le droit. Je suis un petit agent de l’administration.
Je partage votre inquiétude quant à la représentativité des lobbies européens ; comme si tout ou presque restait à inventer en la matière.
Je pense que mes critiques à l’encontre de la notion d’Etat à la Française ne blanchit pas les systèmes US ou Britanniques dont vous décrivez très bien certains inconvénients et certaines dérives très graves (bien pire que chez nous...séparation des carrières etc...).
Comme vous dites « Chosen » et « Privilege » (dont j’ai lu des critiques, peut être dans Agoravox, je ne sais plus)dénoncent très bien cet état de fait.
Si je peux me démarquer un peu de votre propos... je pense que les différences culturelles entre les anglo-saxons et notre pays rendent difficilement comparable nos fonctionnements respectifs.
« Soyons réalistes : si on lit un peu la presse britannique, ils reprochent deux choses à la France : a) sa protection sociale et son droit du travail, b) l’existence d’un secteur nationalisé de l’économie. Pour le reste, la bureaucratie elle-même ne les dérange pas outre mesure »
Il me semble clair qu’appliquer à la France des règles Anglo-Saxonnes ce que d’aucuns voudraient bien arriver à faire dès 2007 (suivez mon regard)aurait des résultats encore bien plus désastreux qu’en GB ou aux US. Chaque pays s’est doté d’un système un tant soit peu adapté à sa mentalité, et/ou la mentalité a évolué compte tenu du sytème en place.
Aussi un secteur nationalisé fort, un droit du travail très « encadrant », une protection sociale élevée sont nécessaires à notre pays tant que les esprits évoluant peu (sans jugement de valeur)n’appellent pas de changement.
exemple : on licencie davantage en France alors que le licenciement est plus encadré en France ; le chômage coûte cher en france, mais il est plus difficile de trouver du travail ; on connaît les fleurons du secteur nationalisé ou depuis peu privatisé ; on est bien soigné et pour plus cher en France -pas de salles communes-(les espérances de vie se valent presque cependant) mais on est davantage traité comme un numéro chez nous comme si la prestation technique paliait un déficit humain ou relationnel... beaucoup de porteurs du VIH il y a 15 ans se faisaient soigner à Londre car ils se faisaient appeler par leur prénom ; en France on les appelaient devant tout le monde par leur nom (c’est bête mais ça change tout). Ici, au travail, lorsque j’ai voulu donner mon sang, on m’a demandé très fort si j’avais des relations avec des partenaires multiples alors que seul un rideau nous séparait du suivant... est ce que vous comprenez ce que je veux dire en parlant de numéro ?
Dans la même veine, l’administration a une relation selon moi plus humaine avec les administrés aux US et en GB. J’ai d’ailleurs été frappé par la convivialité et une certaine empathie des sites internets de administration américaines (US Canada et Britaniques).
Mr Reboul nous dit :
« l’intérêt dit général dans un démocratie pluraliste (plusieurs conceptions de l’intérêt général en compétition permanente) et individualiste (fondée sur les droits égaux des individus humains) ne peut procéder que du respect des droits réciproques égaux des individus et non d’un état transcendant qui l’imposerait de l’extérieur, au nom d’une prétendue volonté générale, non seulement supérieure, mais contraire aux droits des individus ».
Nous français vivons sous la tutelle de notre Etat, et cela commence à l’école (attention je suis un fervent défenseur de l’éducation nationale et de l’école publique) et nous poursuit toute notre vie.
Nos dons caritatifs sont effectués par procuration par l’Etat avec nos impôts ; cela rend notre relation au bénéficiaire impersonnelle et nous « déresponsabilise socialement ».
Enfin l’employeur n’a pas non plus un lien aussi personnel et aussi responsable avec ses employés car il agit en fonction de l’arbitrage et dans la crainte de l’administration.
L’europe est contente de nos Enarques car ce sont de superbes MACHINES à administrer.
Je ne peux pas conclure sans insiter sur la terrible arrogance des décideurs petits ou grands de notre société, peut être la plus stratifiée. C’est chez nous que les échanges verticuax sont les plus ténus ou inexistants. Des US ou des Brits s’étonnent de ne pas avoir accès aux cadres en France, parfois ils ne participent même pas aux réunions, les décisions en jeu dans la réunion étant déjà prises par leurs soins. Chez nous les cadrillons tous science-po formés dans une grande école post sc po n’ont pas un mot ni un regard à échanger avec quiconque gagne moins de 2000 euros... Ils n’ont d’ailleurs pas la moindre idée de ce qe ceux ci vivent , et à leur sens, à quoi bon ???? La fracture est béante... Et notre société est ossifiée par son état et son administration... qui ne se trompe jamais !!! (enfin presque mais seulement depuis peu ce presque).
Je vous laisse imaginer quel fut le comportement des ministres si par extraordinaire la 1er facteur fragilisant fasse à la canicule en 2003 fût d’être Enarque... ???
Et enfin combien d’Outreau en GB (fingers crossed, souhaitons qu’ils n’en connaissent pas) ils ont eu les 7 de Birmingham, mais c’est une autre affaire terrible elle aussi...
Je m’interromps la fatigue aidant...
Bien à vous
Marc P
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« Dans la même veine, l’administration a une relation selon moi plus humaine avec les administrés aux US et en GB. »
Vraiment ? Je vous invite à lire l’article de De ço qui calt ? intitulé : « Près d’un centième des résidents US sont en prison » :
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Voici un extrait et un lien actualisé de la dépêche d’Elisabeth White dont parle l’article de De ço qui calt ? :
http://www.breitbart.com/news/2006/05/21/D8HODD7G0.html
1 in 136 U.S. Residents Behind Bars
May 21 5:06 PM US/Eastern
By ELIZABETH WHITE Associated Press Writer
WASHINGTON
Prisons and jails added more than 1,000 inmates each week for a year, putting almost 2.2 million people, or one in every 136 U.S. residents, behind bars by last summer.
The total on June 30, 2005, was 56,428 more than at the same time in the government reported Sunday. That 2.6 percent increase from mid-2004 to mid-2005 translates into a weekly rise of 1,085 inmates.
Of particular note was the gain of 33,539 inmates in jails, the largest increase since 1997, researcher Allen J. Beck said. That was a 4.7 percent growth rate, compared with a 1.6 percent increase in people held in state and federal prisons.
Prisons accounted for about two-thirds of all inmates, or 1.4 million, while the other third, nearly 750,000, were in local jails, according to the Bureau of Justice Statistics.
(...)
« The jail population is increasingly unconvicted, » Beck said. « Judges are perhaps more reluctant to release people pretrial. »
The report by the Justice Department agency found that 62 percent of people in jails have not been convicted, meaning many of them are awaiting trial.
(...)
(fin de l’extrait)
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Merci Antoine, je ne vous donne bien entendu pas tort et cela fait partie de ce qui nous sépare culturellement des US (évidemment c’est scandaleux).
Lorsque je voyageais aux états unis en 1980 il m’est arrivé plusieurs fois d’être pris en stop dans leur voiture par des personnes qui littéralement sortaient de prison. Elle m’ont expliqué pourquoi elles y était allées, avaient repris leur ou un boulot et ne semblaient pas outre mesure traumatisées. Je comprends que vous puissiez trouver indécent mon propos, mais je fus le 1er à m’étonner de cet état de chose -à moitié étant moi m^me à moitié anglo saxon- (j’ai aussi pris en stop en France des personnes qui sortaient de prison, et été pris en stop par elles, vers la même époque, l’expérience fut très différente).
Il est indéniable qu’aux US (et même en France) on incarcère beaucoup trop facilement.... ; Un noir sur 3 aux US passe un jour par la case prison...
cependant (il est vrai que je parle des années 80) la culture US fait que cela est vécue très différemment, j’avais l’impression d’avoir affaire à des gens moins stigmatisés par la sanction de la société et en tous cas pas désespérés).
Enfin , je faisais allusion à la relation interpersonnelle ou « humaine » entre l"administration etles administrés.
je préfère 100 fois l’accueil d’un job center à celui d’une ANPE même si au Job Center une incitation beaucoup plus forte (c’est un euphémisme) est appliquée pour qu’on reprenne en emploi.
Je n’ai jamais eu affaire à la justice Française et je ne suis pas pressé que ce soit en tant que plaignant ou le contraire...
Bonne journée.
Marc P
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La matière est assez aride, il faut des lecteurs motivés...
A mes yeux, il faut se méfier d’une sur-évaluation des arguments de légitimité dans ce genre de bagarre. L’intérêt supérieur du justiciable c’est beau, mais le vrai problème c’est d’endogamie d’une nomenclatura. La prudence des avocats en dit plus long que tout le reste.
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« La prudence des avocats en dit plus long que tout le reste. »
De la « prudence » ? Il y a surout, à mon sens, les intérêts financiers que peuvent avoir des cabinets d’avocats qui vivent pour l’essentiel des recours auprès du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation, et dont les honoraires sont très élevés. Ces avocats ne sont d’ailleurs qu’une petite centaine pour l’ensemble de la France.
Toutes les grandes sociétés ont un avocat aux Conseils, et pas seulement pour la cassation civile ou sociale : une partie de leurs intérêts relève, en cas de conflit, de la justice administrative et peut faire l’objet d’un litige devant le Conseil d’Etat. Quel avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation a dans ces conditions intérêt à « se faire mal voir » par des conseillers d’Etat pour une affaire comme celle de la participation du commissaire du gouvernement au délibéré ?
C’est tout le problème que pose un décret qui au lieu de garantir d’office le droit des administrés à un procès équitable cherche à contraindre le justiciable et, surtout, l’avocat aux Conseils, à « se mouiller » demandant l’exclusion du commissaire du gouvernement du délibéré. C’est vrai que ça peut apparaître comme une pression.
Rappelons que le Conseil d’Etat a jugé, et juge, des affaires aux enjeux financiers très importants comme (plus d’une fois) celle des OGM, ou des autorisations d’achat et de vente de sociétés, des octrois de licences, des décrets de privatisation, des attributions de contrats, des appels d’offres, etc... Sans oublier le CNE et bien d’autres aspects des lois et des règlements.
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Nous sommes bien d’accord. Mais Ingrid, vous illustrez bien le sens de ma critique (constructive) à l’article d’Isabelle Deberque.
Il y a des articles sur Agoravox parfois limite débile et des articles remarquables, comme c’est le cas ici. Bien écrit, bien documenté, avec un sujet que la presse est malheureusement incapable de mettre en valeur. Cependant il y a un travers à être bon technicien, ici dans le domaine juridique. L’intérêt du sujet est d’abord sociologique et politique avant d’être juridique. En résumé, le décryptage est juridique et technique mais il ne faut pas croire que l’intérêt essentiel est dans ce que le débat dit par lui-même. En l’occurence, l’essentiel apparaît bien plus clairement dans votre réponse Ingrid !
La pédagogie, c’est souvent ça. Assimiler la technique mais, au niveau de la communication, la faire passer derrière. Encore une fois, je ne veux pas faire la fine bouche sur le travail d’Isabelle Debergue parce que c’est tout simplement excellent et elle m’a vraiment appris qqchose sur un sujet que j’ignorais.
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A mon avis, il faut regarder globalement l’ensemble des articles d’Isabelle Debergue. C’est ce que je viens de faire à l’adresse :
http://www.agoravox.fr/auteur.php3?id_auteur=6605
Ce travail allie la documentation, l’information, l’analyse et la réflexion originale. Il aborde à la fois les aspects techniques,juridiques, scientifiques... et les aspects politiques, sociaux, citoyens... Je trouve que l’ensemble n’est ni aride, ni unilatéral, et qu’on y apprend pas mal de choses.
Le problème qui peut se poser est ailleurs : à savoir, dans la situation de désinformation générale qui règne et que le monde politique s’emploie très largement à fomenter. Le moins le gens seront au courant de comment ça se passe vraiment, le plus facilement ils iront voter.
Raison de plus de remercier l’auteure de cet effort. C’est vrai que de nos jours, la citoyenneté demande du travail et de la réflexion autonome.
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Une autre question importante que me semble soulever cet article est celle de l’indépendance du Garde des Sceaux par rapport aux institutions de la justice. L’auteure en avait parlé dans d’autres articles et avait même écrit :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11825
« L’idée de base de la »théorie des apparences« paraît pertinente pour explorer des voies d’amélioration du fonctionnement global du pays. Pas seulement pour la justice. Elle pourrait empêcher, dans un Etat avec 70 millions d’habitants, le cumul dans un petit nombre de mains de mandats, de responsabilités, de fonctions, d’intérêts... Le débat heurterait quelques décideurs, mais pas la grande majorité des citoyens. Ces derniers pourraient s’exprimer sur un système qui permet aux conseillers d’Etat d’être tantôt membres de cabinets de ministres ou directeurs de grands établissements publics, tantôt juges à la Section du Contentieux. Ou sur des questions analogues intéressant l’ensemble des institutions. Etait-il souhaitable, du point de vue de la transparence, d’élire à la Présidence de l’Assemblée Nationale en juin 1997 (parmi plus de 500 députes) un ancien Premier ministre mis en examen depuis 1994 dans l’affaire du sang contaminé et devant être jugé par la Cour de Justice de la République (CJR) composée de douze parlementaires et trois magistrats de la Cour de Cassation ? C’est un Président de l’Assemblée Nationale en fonction que la CJR a relaxé le 9 mars 1999. Quel aurait été l’impact d’une éventuelle condamnation ? De même, le 2 juin 2005, un président de Conseil général maintenu dans cette fonction a été nommé Garde des Sceaux. Un »justiciable institutionnel« qui, la veille, obtenait du Conseil d’Etat l’annulation d’une ordonnance du juge des référés du Tribunal Administratif de Lyon concernant un appel d’offres (affaire 274053). Ne serait-il souhaitable d’instaurer un régime d’incompatibilités beaucoup plus strict ? La question étant de savoir si l’accès à certaines fonctions doit dépendre d’un »droit à la carrière« pour quelques-uns ou des exigences du service à rendre à la Nation dans l’intérêt du plus grand nombre. »
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Voici l’arrêt 274053, tel qu’il a été diffusé. Le président du Conseil Général de la Loire n’est autre que l’actuel Garde des Sceaux Pascal Clément. La date de la décision (1er juin 2005) est la veille de sa nomination en tant que Garde des Sceaux.
Conseil d’État statuant au contentieux
N° 274053
Mentionné aux Tables du Recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
Mlle Sibyle Petitjean, Rapporteur
M. Casas, Commissaire du gouvernement
M. Stirn, Président
SCP PARMENTIER, DIDIER ; SCP CHOUCROY, GADIOU, CHEVALLIER
Lecture du 1 juin 2005
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 2004 et 25 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA LOIRE, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DE LA LOIRE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 22 octobre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’une part, a annulé la décision du 27 septembre 2004 de la commission d’appel d’offres du département rejetant l’offre de la société Demars, ensemble la procédure de passation du marché ayant pour objet la restauration extérieure du chevet de l’église du couvent des Cordeliers à Saint-Nizier-sous-Charlieu, d’autre part, lui a enjoint de recommencer la procédure au stade de la mise en concurrence ;
2°) de rejeter la demande de la société Demars devant le tribunal administratif de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de la société Demars le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat du DEPARTEMENT DE LA LOIRE et de la SCP Choucroy, Gadiou, Chevallier, avocat de la société Demars,
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que selon les dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, des contrats de partenariat, des contrats visés au premier alinéa de l’article L. 6148-5 du code de la santé publique et des conventions de délégation de service public./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement (...)./ Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lyon, que par un avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication le 19 juillet 2004, le DEPARTEMENT DE LA LOIRE a lancé un appel d’offres ouvert pour la restauration extérieure du chevet de l’église du couvent des Cordeliers à Saint-Nizier-sous-Charlieu ; que, la société Demars a vu son offre rejetée par une décision de la commission d’appel d’offres du 27 septembre 2004 ; qu’après avoir enjoint à la personne responsable du marché, par une ordonnance du 8 octobre 2004, de surseoir à la signature du contrat, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lyon, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative par la société Demars a, par une ordonnance du 22 octobre 2004, annulé la procédure de passation du marché et enjoint au DEPARTEMENT DE LA LOIRE de reprendre cette procédure au stade de la mise en concurrence ; que le DEPARTEMENT DE LA LOIRE se pourvoit en cassation contre cette dernière ordonnance ;
Considérant que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a annulé la procédure de passation du marché au motif qu’en n’indiquant pas dans l’avis d’appel public à la concurrence publié dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics, dans le Moniteur et dans le Progrès le montant prévisionnel du marché, alors pourtant que ce montant avait été préalablement évalué par la commission permanente du conseil général de la Loire dans sa délibération en date du 7 juin 2004, le DEPARTEMENT DE LA LOIRE avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu’en statuant ainsi, alors qu’aucune disposition du code des marchés publics ni aucune autre règle ne met à la charge de la personne responsable du marché une obligation de publicité quant au montant prévisionnel du marché qu’elle entend attribuer, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, le DEPARTEMENT DE LA LOIRE est fondé à demander, pour ce motif, l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Demars ;
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit, la personne responsable du marché n’est pas tenue à une obligation de publicité en ce qui concerne le montant prévisionnel du marché qu’elle entend passer ; que, par suite, la société Demars n’est pas fondée à soutenir que l’absence d’une telle indication dans l’avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication par le DEPARTEMENT DE LA LOIRE le 19 juillet 2004 était constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à ce dernier ;
Considérant que, en vertu des dispositions du II de l’article 57 du code des marchés publics : Le délai de réception des offres ne peut être inférieur à cinquante-deux jours à compter de la date d’envoi de l’appel public à la concurrence. (...) Ce délai peut toutefois être ramené à vingt-deux jours minimum : (...) b) Pour les marchés de travaux dont le montant est compris entre 230 000 euros HT et 5 900 000 euros HT. ; que par sa délibération du 7 juin 2004 la commission permanente du conseil général de la Loire a fixé à 400 000 euros le montant estimé du marché ; que, par suite, en prévoyant dans l’avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication le 19 juillet 2004 un délai de 45 jours entre cette date et la date limite de réception des offres, le DEPARTEMENT DE LA LOIRE n’a pas méconnu les dispositions précitées du code des marchés publics ;
Considérant que selon les dispositions du VI de l’article 40 du code des marchés publics : Les avis mentionnés aux III, IV et V sont établis conformément aux modèles fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie ; que si l’arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 30 janvier 2004 fixant, en application de ces dispositions, le modèle de formulaire des avis relatifs à la passation de marchés publics, dont le montant est inférieur au seuil communautaire, pour leur publication dans le bulletin officiel des annonces de marchés publics a prévu une rubrique relative aux modalités de financement et de paiement du marché, cette rubrique n’est pas au nombre de celles que l’arrêté fait obligation à la collectivité publique de remplir ; qu’ainsi en ne mentionnant dans l’avis d’appel public à la concurrence du marché en cause que les modalités essentielles de paiement, sans indiquer les modalités essentielles de financement, le DEPARTEMENT DE LA LOIRE n’a méconnu ni les dispositions de l’arrêté du 30 janvier 2004, ni ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que pour apprécier les offres des entreprises candidates le DEPARTEMENT DE LA LOIRE a retenu un critère relatif au prix et un critère relatif à la valeur technique de l’offre ; que la société Demars n’est pas fondée à soutenir que le choix de ce second critère n’était pas justifié eu égard, d’une part, au choix fait par la collectivité de recourir à un appel d’offres sans variante et, d’autre part, à l’objet du marché envisagé lequel consiste en des travaux de restauration d’un couvent ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que les modalités prévues par le DÉPARTEMENT DE LA LOIRE pour apprécier la valeur technique des offres ne sont pas pertinentes ; qu’en particulier, contrairement à ce que la société soutient, les renseignements demandés au titre de la présentation des offres, distincts de ceux demandés pour la présentation des candidatures, n’étaient pas étrangers à la nature des prestations demandées ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Demars n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 27 septembre 2004 par laquelle la commission d’appel d’offres du département a rejeté son offre ainsi que celle de la procédure de passation du marché dans son ensemble ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Demars la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par le DEPARTEMENT DE LA LOIRE et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle ce que soit mise à la charge de cette collectivité, qui n’est pas la partie perdante, la somme demandée par la société Demars au titre des mêmes frais ;
DECIDE :
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lyon en date du 22 octobre 2004 est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Demars devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lyon et devant le Conseil d’Etat sont rejetées.
Article 3 : La société Demars versera au DEPARTEMENT DE LA LOIRE une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA LOIRE et à la société Demars.
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C’est dire qu’en effet, il me semble qu’il serait souhaitable que le Garde des Sceaux n’occupe pas en même temps une fonction publique extérieure à son rôle de ministre et susceptible de le rendre justiciable institutionnel. Pour les litiges du Garde des Sceaux, il devrait y avoir un tribunal spécial.
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J’ai été de ceux qui pendant plusieurs années ont critiqué vivement l’attitude du Conseil d’État et du Gouvernement à refuser d’appliquer le jurisprudence Kress.
Pour autant, ce que je déplorais n’était pas tant la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré, que le refus de se plier à un constat de violation de la Cour de Strasbourg.
En effet, cette décision n’était, et ne reste, fondée que sur la théorie des apparences. Que les justiciables en soient convaincus, nul, et pas même le commissaire, ne vient faire pression sur la décision des juges administratifs durant le délibéré. La présence du commissaire ou des stagiaires ne les autorise pas à s’exprimer et favorise juste la diffusion du raisonnement de la juridiction et la compréhension de sa jurisprudence.
Si des pressions existent, elles viennent d’ailleurs. Surtout pas des avocats (même aux Conseils), qui n’entretiennent aucune collusion (bien au contraire) avec les magistrats. En tout état de cause, pour juge, la pression existe toujours dans les gros dossiers en dehors de toute intervention extérieure.
Mais à lire la teneur de l’article et des commentaires, je conviens bien que les apparences n’allaient pas dans ce sens et que cette présence engendrait une véritable incompréhension. Une modification de la réglementation était donc aussi nécessaire pour cette raison.
Je suis donc plutôt heureux de l’intervention de ce décret, alors qu’il y a quelques mois encore la résistance n’était pas vaincue. Surtout, cette modification permet au justiciable d’écarter le commissaire s’il le souhaite (l’avocat doit se plier à la demande en ce sens de son client).
Bien sûr, le Conseil d’État continue à pouvoir disposer de son commissaire durant le délibéré si personne ne s’y oppose. Mais, in fine, je trouve que ce décret arrive parfaitement à concilier les intérêts en présence.
N’est-ce pas à cela qu’on reconnaît une juste réglementation ?
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« ... je trouve que ce décret arrive parfaitement à concilier les intérêts en présence. »
Ah bon ! Vous ne trouvez donc pas choquant que, devant le Conseil d’Etat, on soit obligé de « se mettre en avant » pour bénéficier du respect de ce que la Cour Européenne des Droits de l’Homme qualifie d’« intérêt superieur » ?
La théorie des apparences n’est pas basée simplement sur « ce que les gens peuvent penser », mais aussi et surtout sur « ce à quoi ça se prête ». Il a toujours été admis que quelqu’un qui exprime publiquement son opinion sur une affaire ne doit pas participer au jugement de cette affaire, car le délibéré est par définition contradictoire et l’intéressé peut être tenté de ne pas vouloir se déjuger.
Il est d’ailleurs admis que le commissaire du gouvernement de doit pas faire partie de la formation de jugement. Pourquoi, alors, cette présence à tout prix au délibéré ? Qu’on ne vienne pas nous dire que c’est pour qu’il comprenne mieux les motifs de la décision, car dans ce cas cela signifierait que les jugements du Conseil d’Etat ne sont pas vraiment motivés et qu’on ne dit pas tout aux justiciables.
Mais ce qui est encore plus inquiétant, c’est le fait même que la plus forte résistance vienne du Conseil d’Etat, une instance où précisément la composition de la formation de jugement peut n’avoir aucun rapport avec les magistrats qui ont effectivement traité l’affaire au cours de son instruction. Et que, devant la CEDH, le gouvernement français a plaidé sur la base de l’ « utilité » de la présence du commissaire du gouvernement au délibéré. Je pense qu’Isabelle a vu juste lorsque dans son précédent article sur le sujet, elle écrivait :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11825
"Débat académique, purement formel ? Tel ne semble pas être le cas, pour peu qu’on examine le contexte institutionnel. D’abord, la question de la présence du commissaire du gouvernement au délibéré n’est pas mineure, vu le fonctionnement réel de la Section du Contentieux du Conseil d’Etat où le rapporteur de l’audience publique n’est pas forcément l’auteur du rapport écrit versé au dossier. Le rapporteur initialement désigné au titre des articles R611-20 et R611-30 du Code de Justice Administrative peut ne pas faire partie de la formation de jugement. Le changement de rapporteur avant l’audience est une conséquence possible de la durée de la procédure ou de l’inscription de l’affaire à un rôle qui ne prévoit pas la participation du rapporteur initial. Mais il est alors à craindre que le commissaire du gouvernement ne soit le seul magistrat en charge de l’affaire ayant procédé à un examen approfondi du dossier. Ce qui expliquerait l’incroyable référence du gouvernement français, devant la CEDH, à l’aide que le commissaire du gouvernement apporterait aux juges. Car, autrement, l’auteur du rapport écrit est censé avoir consacré au dossier la même attention que le commissaire du gouvernement, y compris dans la période précédent l’audience. Les conclusions de ce dernier sont publiques et n’ont pas à être complétées ni développées, ni précisées, au cours du délibéré. Si jamais le fonctionnement de facto de la juridiction administrative devait s’avérer un peu différent et si, dans la pratique, c’était le commissaire du gouvernement qui jugeait un certain nombre d’affaires, il y aurait un réel problème.
Les arrêts de la CEDH soulignent que le commissaire du gouvernement ne saurait être en même temps un juge de l’affaire. Ce point essentiel ne peut pas avoir échappé au Vice-Président français et Président de Section de la CEDH, ancien président de sous-section du Contentieux au Conseil d’Etat. Pourquoi, alors, cette polémique autour de la « présence » du commissaire du gouvernement au délibéré ? Le justiciable pourrait même se demander si les autorités françaises font vraiment confiance aux formations de jugement. Quel équilibre sacro-saint a été bousculé par les arrêts de la CEDH ? Il semble bien que notre Haute Juridiction administrative nécessite une réforme. Malheureusement, ces derniers temps, des mesures « de terrain » ont privé les justiciables français de moyens de contrôler des aspects importants du fonctionnement de la juridiction administrative. Par exemple, la feuille contenant l’historique des opérations de la requête et permettant de connaître notamment l’identité de chaque rapporteur, réviseur et commissaire du gouvernement désigné, les dates des désignations, de dépôt d’éventuels rapports écrits... n’est plus jointe à la communication du dossier. Si le justiciable la réclame, on lui répond que c’est un document « interne ». C’est une réelle perte de transparence. D’autant plus, que ce refus peut empêcher la récusation d’un rapporteur dont le rapport écrit, une fois déposé, restera valable malgré toute récusation ultérieure. Si le rapporteur à l’audience n’est pas l’auteur du rapport écrit, le justiciable peut rester dans l’ignorance de l’identité réelle de ce dernier. Une information qui n’est pas sans importance, vu l’absence de séparation des carrières entre la juridiction administrative et les administrations, cabinets de ministres compris."
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« La présence du commissaire ou des stagiaires ne les autorise pas à s’exprimer et favorise juste la diffusion du raisonnement de la juridiction et la compréhension de sa jurisprudence. »
Et là, outre ce que je viens de rappeler sur la question de la présence du commissaire du gouvernement, vous oubliez que les « invités » ne sont pas de simples stagiaires. Plus haut, Isabelle a rappelé ce qu’elle avait écrit dans son article du 25 juillet :
« Le décret du 19 décembre 2005 comporte une autre mesure avec une dangereuse charge conflictuelle. Il introduit dans le Code de Justice Administrative un article R731-8 aux termes duquel : »Peuvent aussi être autorisés à assister au délibéré, outre les membres de la juridiction et leurs collaborateurs, les juges, avocats stagiaires, professeurs des universités et maîtres de conférences accomplissant auprès de celle-ci un stage ou admis, à titre exceptionnel, à suivre ses travaux, qu’ils soient de nationalité française ou étrangère....« Les justiciables peuvent-ils raisonnablement se satisfaire de dispositions ouvrant la porte du délibéré à des personnes autres que les juges, qui leur sont inconnues et dont il n’est même pas prévu de leur signifier la présence ? Il paraît très difficile de concilier un tel fonctionnement avec les droits de la personne et les principes de l’Etat de droit, tels que le citoyen peut les comprendre. »
(fin de citation)
Pouvez-vous m’expliquer comment fera le justiciable pour savoir si la formation de jugement n’a pas « invité » au délibéré tel ou tel Monsieur le Professeur ou Monsieur l’Avocat, qui s’avère « connaître » l’administration défenderesse par tel ou tel biais ?
C’est la porte ouverte à tout. D’autant plus qu’étant invités « pour qu’ils comprennent mieux » les décisions de justice, personne ne pourra reprocher à ces « professionnels » de poser des « questions naïves », fut-ce dans la « pause café »... Et, soit cette présence d’ « invités » est parfaitement inutile du point de vue de la compréhension du jugement, soit on ne dit pas tout aux justiciables sur ses motifs réels.
En tout état de cause, ça paraît très grave.
Bon, si vous devez gagnez votre vie avec le droit administratif, ne nous lisez pas trop. Vous risquez de finir sous un pont...
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D’ailleurs, ni la haute magistrature, ni les avocats « de haut niveau », ne se privent de participer aux grands cercles d’influence comme le Siècle. Personne ne le leur interdit, alors que c’est bien connu.
Lire à ce sujet les commentaires à l’article de De ço qui calt ? sur les OGM :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11189
ou encore l’article d’Isabelle :
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François écrit :
« in fine, je trouve que ce décret arrive parfaitement à concilier les intérêts en présence... »
et d’ailleurs dans son blog on peut lire :
http://www.blogdroitadministratif.net/
« La France rentre donc dans les clous de la jurisprudence européenne, sauf à ce que celle-ci considère que la participation de principe du commissaire devant le Conseil d’État constitue une violation de l’article 6 §1. Mais, je ne le crois pas. »
Pardon mais je trouve triste que, déjà étant « doctorant » et « élève avocat », on en soit à employer un tel langage. L’université fraçaise va vraiment très mal. Comment parlerez-vous quand vous aurez 50 ans ? Et vous n’avez en rien répondu à l’argumentation d’Isabelle Debergue :
« Si on part du critère énoncé par la CEDH, à savoir que la présence du commissaire du gouvernement au délibéré est contraire au principe du procès équitable, alors le texte précité du décret du 1er août revient à écrire en somme que le procès est équitable si une partie en fait la demande expresse, mais qu’en France le contraire est la règle. Pour obtenir le respect effectif de ce droit fondamental par l’absence du commissaire du gouvernement du délibéré, le justiciable devra »se faire remarquer« avec une démarche ad hoc que tout le monde n’osera pas entreprendre. Il pourra même, de ce simple fait, apparaître comme un »contestataire« , si ce n’est comme un »meneur". Difficile, pour le moins, de concilier une telle situation avec ce que le citoyen peut considérer comme les bases de l’Etat de droit.
(...)
Quoi qu’il en soit, il est à craindre que la rédaction de l’article R 731-7 instaurée par le décret 2006-964 ne puisse s’avérer de nature à générer une pression tacite à l’égard des avocats et des justiciables. On se trouverait alors aux antipodes des considérants des arrêts Kress et Martinie qui évoquent rien de moins que l’intérêt supérieur du justiciable. Un intérêt supérieur peut-il être valablement protégé par des droits optionnels et marginaux avec des modalités d’exercice quasiment à risque ? Mais il faudrait d’abord savoir si les institutions françaises admettent l’idée d’un intérêt supérieur du justiciable...."
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Les droits et libertés fondamentaux sont des droits et libertés auxquels ON N’A PAS LE DROIT DE DENONCER.
Or, ce que fait le décret de Clément, c’est DESISTER D’OFFICE D’UN DROIT FONDAMENTAL tous ce qui ne se manifesteraient pas dans le sens contraire. Il est donc permis de spéculer sur tout : la peur de l’institution et des juges, des intérêts corporatistes ou personnels des avocats, la simple ignorance, le retard dans la réception d’un avis d’audience...
J’espère qu’il y aura, déjà en France, beaucoup de recours contre ce décret.
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CP :
Vous basez votre raisonnement sur un préjugé de partialité des magistrats administratifs. Et, de toutes manières, si ceux-ci voulaient se préter aux pressions de l’administration, nul besoin que cela se passe dans la salle du délibéré.
N’oubliez pas que l’actualité récente montre que le juge administratif n’hésite pas à censurer l’administration, même dans des dossiers très sensibles (cf. le Clémenceau ou, plus récemment, la ligne à très haute tension du Verdon). Pour avoir travaillé en juridiction administrative durant un an, je peux vous rassurer, les magistrats administratifs n’appartiennent collectivement à aucun groupuscule occulte !
Il est vraiment dommage que de tels préjugés pèsent sur notre justice, qui ne mérite pas, je vous l’assure, cette vindicte. Mais, il est clair que le Conseil d’État a très mal manoeuvré dans ce dossier et qu’il en paye aujourd’hui les conséquences.
Quant à ma carrière, n’ayez pas plus d’inquiétude. Je vis déjà du droit administratif et continuerait à en vivre, que le commissaire du gouvernement soit présent ou non au délibéré et même si celui-ci disparaissait.
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« Vous basez votre raisonnement sur un préjugé de partialité des magistrats administratifs... »
Ce n’est pas CP, pas plus qu’Isabelle ou d’autres sur Agoravox dont moi-même, qui avons été les premiers à nous poser cette question. D’ailleurs, on comprend bien que si on veut gagner sa vie dans cette filière où les enjeux financiers sont colossaux malgré les apparences de platitude administrative, on a tout intérêt à prétendre le contraire.
Me je rappelle, malgré tout, ce que souligne l’article à propos des déclarations d’un avocat très connu :
« ... il faudrait d’abord savoir si les institutions françaises admettent l’idée d’un intérêt supérieur du justiciable. Dans un article de l’Express du 21 février 2005, un avocat français déclare : »Le droit public étant en soi défavorable à l’administré, parce que l’intérêt général se doit d’être supérieur à l’intérêt particulier, les tribunaux administratifs avaient besoin de démonstrations d’indépendance pour améliorer leur image« . Et pourquoi le droit public devrait-il être »défavorable à l’administré« ? Une telle conception ne revient-elle pas à identifier l’Etat avec les fonctionnaires influents qui le gèrent ? »
J’ajouterai : et avec les avocats influents qui travaillent pour les grandes sociétés (dont l’Etat sert largement les intérêts) et les administrations puissantes.
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D’ailleurs, les imbrications entre les grandes administrations et la haute magistrature sont bien connues, et pas seulement dans la juridiction administrative.
Par exemple, à la Section du Contentieux du Conseil d’Etat, comme à la Cour de Cassation et dans des juridictions moins « hautes », les professeurs associés aux universités (nommés dans un premier temps par décret et renouvelés ensuite par simple arrêté du ministre délégué à l’Enseignement supérieur) ne manquent pas.
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François écrit :
« N’oubliez pas que l’actualité récente montre que le juge administratif n’hésite pas à censurer l’administration, même dans des dossiers très sensibles (cf. le Clémenceau ou, plus récemment, la ligne à très haute tension du Verdon). Pour avoir travaillé en juridiction administrative durant un an, je peux vous rassurer, les magistrats administratifs n’appartiennent collectivement à aucun groupuscule occulte ! »
Je ne sais pas ce que vous appelez un « grupuscule occulte », mais je ne vois pas pour quelle raison les magistrats vous tiendraient au courant de leurs fréquentations.
En tout cas, il est bien connu que le Vice-Président du Conseil d’Etat était en 2005 président du Siècle, un « cercle de décideurs » qui « rassemble la quintessence du pouvoir politique, économique et médiatique » :
http://www.strategies.fr/archives/1365/136504901/management_14_le_pouvoir_a _la_table_du_siecle.html
Quant à la question de savoir dans quelle mesure la justice administrative sanctionne les administrations, les deux dossiers que vous citez ont une charge politique qui n’est pas la même que peut avoir le dossier d’un justiciable « de base » devant qui les décideurs seront en général solidaires, toutes tendances politiques confondues.
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Le problème de fond de la justice administrative, c’est que la plupart des politiques influents sont des ministres ou anciens ministres, des présidents de conseil régional ou général, des maires, des hauts fonctionnaires... Leurs propres intérêts ne poussent donc pas à la mise en place de garanties d’impartialité très strictes en ce qui concerne les juridictions administratives.
Il n’y a pas que le problème des professeurs associés. On trouve, par exemple, pas mal d’anciens conseillers de ministres ou de premiers ministres au sein de la Section du Contentieux du Conseil d’Etat. Naturellement, le Parlement et le Gouvernement pourraient introduire un régime d’incompatibilités beaucoup plus fort, mais ils ne le feront JAMAIS.
Je suis malgré ce blocage, et SURTOUT vu ce blocage, entièrement d’accord avec Isabelle lorsqu’elle réclame que des critères d’incompatibilités plus sévères soient mis en place. Lire, notamment :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=10278
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11051
ou encore :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=9490
Et, en ce qui concerne l’actuel Garde des Sceaux, il convient également de rappeler qu’au moment de l’arrêt 274053 du Conseil d’Etat il était (la veille de sa nomination en tant que Garde des Sceaux) président de la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale, voir sa biographie dans Wikipédia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Clément
Une autre fonction qui, vu les fréquentations qu’elle comporte, devrait à mon sens se voir frappée d’un certain nombre d’incompatibilités.
D’autant plus que la restauration du chevet de l’église du Couvent des Cordeliers de Charlieu concernéé par l’arrêt 274053 est l’une des « opérations » en matière de patrimoine de Pascal Clément en tant que président du Conseil général de la Loire. Voir les liens :
http://www.loire.fr/display.jsp?id=c_5661
http://www.loire.fr/display.jsp?id=c_394726
http://www.loire.fr/display.jsp?id=c_416687
http://www.loire.fr/display.jsp?id=c_418200
http://www.loire.fr/display.jsp?id=c_421071
http://www.loire.fr/display.jsp?id=c_394740
etc...
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Et, en ce qui concerne les avocats, pas seulement ceux de droit administratif mais de manière plus globale, le problème du double rôle « avocat-conseil » qu’ils se sont auto-octroyés au cours de la dernière décennie a conduit à une situation qui ne peut en aucun cas satisfaire le « petit justiciable ». Ce dernier peut raisonnablement craindre de ne plus se trouver « à armes égales » avec des parties adverses, privées ou publiques, riches ou influentes.
Lire, à ce sujet, un autre article d’Isabelle :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=10662
ou encore un article d’Indymedia :
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J’ai eu l’occasion de développer mon analyse - conforme à la votre - de ce décret sur mon blog (http://cacambo.over-blog.net/article-3465084.html). La simple comparaison entre les positions adoptées par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, confrontés à la même jurisprudence européenne, permet de constater que le Conseil n’a toujours pas comblé son retard culturel sur la Cour de cassation face au droit européen (sous toutes ses formes).
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Mais, si vous procédez à des comparaisons, alors il faut le faire complètement. Il me semble que, comme l’a souligné un autre article d’Isabelle Debergue :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11856
la Cour Européenne des Droits de l’Homme et la Cour de Cassation française présentent d’autres inconvénients, encore pires. Notamment, la procédure éliminatoire des recours qui permet de les déclarer irrecevables (à la CEDH) ou non admis (à la Cour de Cassation) sans aucune motivation de la décision.
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L’élimination « à grande échelle » si j’ose dire, par une simple lettre type, de recours auprès de la CEDH ou de pourvois en cassation rend impossible toute transparence en ce qui concerne l’égalité réelle en droits de tous les citoyens.
C’est donc, de mon point de vue, le problème le plus sérieux auquel on doit faire face au niveau des juridictions dites « supérieures ». Il faudrait des actions politiques pour demander que ces procédures sommaires disparaissent.
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Il paraît évident qu’un DROIT FONDAMENTAL (c’est la compétence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme), correspondant à un INTERET SUPERIEUR du justiciable, ne peut pas être optionnel. Encore mois, l’EXCEPTION par rapport à une REGLE qui viole ce droit. Le décret a donc l’air franchement indéfendable.
C’est vrai pour la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré, mais aussi a fortiori en ce qui concerne celle de professeurs, avocats, etc...
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En effet, pour ce qui est de la présence du commissaire du gouvernement au délibéré, ce décret semble spéculer sur la crainte des justiciables d’indisposer les magistrats et sur l’intérêt professionnel des avocats à « ne pas se brouiller » avec des conseillers d’Etat. Ce n’est pas admissible.
En ce qui concerne la présence de « personnalités invitées », « stagiaires », etc... au délibéré, je trouve une telle pratique extrêmement dangereuse, car elle se prête à d’incroyables dérives. C’est sans doute le problème le plus grave que posent les décrets de décembre 2005 et août 2006.
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« Qu’on ne vienne pas nous dire que c’est pour qu’il comprenne mieux les motifs de la décision, car dans ce cas cela signifierait que les jugements du Conseil d’Etat ne sont pas vraiment motivés et qu’on ne dit pas tout aux justiciables. »
J’espère que votre ton est ironique : effectivement, les arrêts du CE sont rarement motivés. Voir l’arrêt Nicolo, la question posée n’y est même pas mentionnée : http://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/quarante/notes/nicolo.htm
C’est pour cela que pour connaître les motifs qui ont conduit à telle solution, on est souvent obligé de consulter les conclusions du CE, du moins quand elles ont été suivies. Je crois que dans le cas du CC, les rédacteurs du commentaire « officiel » assistent également au délibéré pour connaître la motivation, qui n’est pas toujours dans la décision, allez savoir pourquoi : http://www.paxatagore.org/index.php?2005/07/27/425
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