Merci pour cet éclairage,M. Delors. La croissance se justifie donc essentiellement par la nécessité du remboursement de la dette publique. Je suis donc partagé entre deux pôles opposés :
- d’un côté, j’ai envie de travailler pour faire de la croissance pour rembourser ce que je dois aux rentiers de la dette publique, parce que je suis honnête et que ne pas les rembourser serait du vol,
- de l’autre, je suis intimement convaincu que cette croissance économique nous mène droit dans le mur, qu’elle est absolument non durable compte-tenu de la situation énergétique actuelle (économie essentiellement basée sur le pétrole sans espoir de transition suffisamment rapide à une économie basée sur des énergies renouvelables), qu’elle rend de plus en plus imminente une crise énergétique et climatique (et donc géopolitique) qui, avant la fin de ce siècle, donc probablement au cours de ma vie, devrait logiquement tuer quelques milliards de personnes (oui oui, milliards).
Cette vision est catastrophiste, certes, mais vraisemblable si l’on arrive à accepter qu’il est possible que des choses graves arrivent, c’est-à-dire si l’on n’est pas une autruche qui se cache la tête dans le sable de sa foi en l’ingéniosité humaine.
Donc que faire ? Ma morale est mise à mal. Est-il préférable de léser quelques rentiers de leur dû ou de nous condamner à une sorte d’enfer sur Terre ? Cela implique aussi ce genre de considérations, les théories de la décroissance. Alors je comprends le point de vue de l’homme politique, de l’économiste, du financier, pour qui la croissance est une nécessité, une évidence. Mais ça me donne le triste sentiment que l’homme a perdu toute liberté, englué dans la grosse machine financière qu’il a créée. Quel est votre sentiment ?
(Et désolé pour l’emploi de la dialectique un peu radicalement gauchiste du méchant rentier qui exploite les pauvres travailleurs, mais quelle est la situation exactement ? Quel est le profil de ceux auprès de qui cette dette a été contractée ?)