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Commentaire de Patrick Adam

sur Moines contre Mollahs : question tolérance 1 à 0 pour les moines


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Patrick Adam Patrick Adam 11 août 2006 17:29

@ Ibraluz Je vous remercie de laisser au vestiaire les armes de combat. Vous étiez le premier à les avoir brandies, il est normal que vous soyez le premier à les ranger.

Vous développez un long argumentaire sur la politique agricole et environnementale du Sahara. Ne connaissant pas le cheikh ould Abdel Weddoud que vous mentionnez, je m’en tiendrai à Pierre Bonte dont vous n’êtes pas sans savoir que ses conclusions n’ont guère été suivies. Les politiques hydrauliques des années 60 jusqu’aux années 80 ont toutes été entachées de dommages collatéraux parfois irréversibles. Il n’est que de citer le barrage Nasser à Assouan. Vous citez l’époque de Coppolani à propos du nombre de puits répartis dans toute la Mauritanie. Parlons-en. C’est lui qui disait, je crois : « au Sahara, tenir les puits, c’est tenir le pays ». Moyennant quoi, afin de desserrer l’emprise des chefs de tribus et émirs qui tenaient le pays en coupe réglée, il avait voulu s’assurer la collaboration des tribus ralliées en leur facilitant l’accès à l’eau. Il y était arrivé jusqu’à son assassinat commandité par Cheikh Ma el Aïnin.

Mais ce ne sont ni les Français, ni même les hommes qui ont asséché le Sahara.

Wadan, Tichitt, combien de villes gagnées par le sable, sans que l’homme n’y soit pour rien. La sécheresse actuelle du Sahara a commencé aux environs de l’an 1000. Et jusqu’au XIXème, il y avait des villages de pécheurs aux bord de la sebkha de Timimoun, dans le Gourara. Les premiers méharistes ont péché des silures dans le Hoggar ou le Tassili.

Parler de « milliers d’espèces végétales » disparues au Sahara, vous exagérez. Vu le nombre d’espèces dont nous disposons en France, en climat tempéré, le chiffre exact doit être de l’ordre de quelques dizaines. D’ailleurs, je suis frappé d’avoir vu, cet hiver, le Sahara renaître à la suite de pluies torrentielles qui ont touché le bassin de l’oued Saguia el Hamra. Les vieux n’avaient jamais vu cela. Des terrains de golf à perte de vu, et sur la route de Tantan, plus de cent kilomètres d’immenses étendues de plantes à fleurs jaunes... Et l’on voyait très bien que le Sahara était entièrement couvert de graines qui ne demandaient qu’à repartir.

Notons aussi au passage que depuis quelques décennies, pour répondre à un démographie galopante, les autorités se voient contraintes de pomper l’eau fossile contenue dans des nappes phréatiques qui n’avaient jamais été exploitées. Jusqu’à quand ? La première fois que je me suis rendu à Smara, en 1998, il y avait environ 25 000 habitants. Aujourd’hui, huit ans après, il y en a de 60 à 65 000 et j’ai vu refaire à deux reprises le réseau de canalisations qui apporte l’eau à la ville, depuis une nappe située à plus de 80 km. Et que fait Kadhafi en Libye, à pomper son Nil souterrain ?

Le monde a changé et il change encore. L’homme essaie de s’adapter. Parfois avec succès, parfois il connaît des échecs retentissants. Mais pour moi, le problème capital de toute l’Afrique, blanche ou noire, reste un problème de démographie et de structures sociales. Le savoir ancestral comme vous dites ne peut résoudre les problèmes du XXIème siècle. Les femmes sahraouies se font construire des salles de bain avec baignoire et, le soir, elles passent leur temps dans des boutiques de produits de maquillages, où bien elles changent de téléphone portable tous les mois. Croyez-vous que la roue va se mettre à tourner à l’envers ? J’en doute.

Même chose en France, les nostalgiques qui retournent à la terre sont ceux qui ont goûté aux charmes de la ville et qui, pour x raisons, s’en s’ont lassés. La plupart des gens qui vivent dans le Larzac n’y sont pas nés.

Ne pensez pas que les Sahraouis ont envie de retourner vivre dans le désert. Pourtant ils l’aiment ce désert et, le soir, ceux qui possèdent une voiture sortent de la ville et vont jeter une couverture au pied d’un acacia pour boire quelques bereds de thé et faire griller un peu de viande. Mais le soir ils rentrent tous en ville. Souvent, je visite des tentes de nomades. Il y en avait beaucoup cette année dans l’oued Saguia. Et chaque fois j’en viens à me demander de quoi les gens peuvent parler toute la journée ?

Pour moi, l’âge nomade est révolu. Je sais c’est iconoclaste de parler ainsi mais c’est la réalité. C’est le sens de l’histoire qui l’impose. Les sociétés nomades sont des sociétés fossiles qui, tôt ou tard, sont appelées à disparaître, ou tout au moins à modifier radicalement leur mode de fonctionnement. Aujourd’hui, tout le monde se déplace en Land Rover ou en camion, et même les dromadaires sont déplacés ainsi d’un campement à l’autre. il n’y a plus que les touristes pour « jouer » à la caravanne. Les tentes reçoivent des quotas de fourrage et si on ne creuse plus de puits, on construit un peu partout des citernes que les autorités remplissent régulièrement.

Pour ce qui est du retour du religieux, il a pour moi une autre signification. Celle d’un échec, d’un blocage, d’une impuissance des sociétés à répondre aux aspirations des peuples.

C’est parce que tout le monde n’a pu accéder, dans des délais décents, à la modernité, que maintenant certaines populations s’en détournent. Ce n’est pas de la rancœur, c’est du dépit. Allez donc voir comment vivent les députés, les caïds, tous les gens du pouvoir. La modernité ils connaissent et leur éloge des traditions ressemble trop souvent à de la condescendance ou à de la pire des hypocrisie. Un peu comme le mollah Omar fuyant en mobylette vers les montagnes d’Afghanistan retrouver son ancestralité. Souvenez-vous de sa maison aux couleurs et à l’ameublement hollywoodiens.

Patrick Adam

Ps - pour ce qui est de la condamnation à mort de l’homosexualité en Mauritanie, c’est dans le code civil et c’est rapporté dans le Guide du Routard...


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