Le pédagogue Philippe Meirieu a pour sa part estimé que les propos de Nicolas Sarkozy sur mai 68 relevaient d’un retour à « l’autoritarisme » prôné par Pétain, critiquant la vision « infantilisante » de l’école par le candidat UMP. M. Sarkozy avait estimé dimanche lors de son meeting à Bercy (Paris) que mai 68 avait « liquidé l’école de Jules Ferry », et « imposé le relativisme intellectuel et moral ». « Ce que Nicolas Sarkozy dit sur l’autorité ressemble au discours de Pétain, avec un retour à l’autoritarisme, à une forme d’obéissance arbitraire fondée sur la force et non sur la compétence », a estimé le fondateur des IUFM (instituts de formation de maîtres). « C’est une vision infantilisante de l’école », a-t-il déploré. « Liquider mai 68, c’est un recul inquiétant de la démocratie : c’est mettre une place un dispositif dans lequel l’autorité ne se discute pas, or l’autorité démocratique, par essence, se discute », a-t-il estimé. « Il y a eu des excès libertaire en mai 1968, mais ils ont très vite été cadrés, on est revenus aux notes depuis des dizaines d’années, et il n’y a jamais eu autant de sanctions, autant de conseil de discipline qu’actuellement, sans que cela ne fasse baisser la violence scolaire d’ailleurs », a-t-il ajouté. « Ce qui a fait l’enfant roi, ce n’est pas mai 1968, ce sont les médias et la publicité, qui exaltent les caprices de l’enfant consommateur », a-t-il conclu, exhortant le candidat à s’attaquer au « crétinisme intellectuel » que promeuvent les médias et les multinationales.
Tout cela est évident. Mais plus intéressant encore que ces mises au point est le motif de la violence de cette charge de la part d’un candidat qui fait ainsi peser la responsabilité de tous nos maux sur un événement qui remonte à près de quarante ans, alors même qu’il ne cesse lui-même de se décharger de sa propre responsabilité dans une situation économique et sociale qu’en tant que chef du parti de la majorité et ministre de l’Intérieur - mais aussi de l’Economie et des Finances - il a durant cinq années contribué à significativement aggraver. L’explication est plutôt simple et il s’agit encore une fois de revanche. Il s’agit encore une fois pour cet homme de faire de la politique en réponse à ses propres névroses. En 1968, Nicolas Sarkozy était un tout jeune adolescent cloîtré entre les murs bourgeois de son XVIIème arrondissement parisien où on l’imagine aisément fulminer de ne pouvoir « moralement » participer à l’ébullition d’une jeunesse dont il se sent exclu comme de par sa naissance - génétiquement ? Car il s’agit en mai 68 de politique, mais également de libération sexuelle, et ça pour un adolescent scolarisé au lycée privé Saint-Louis de Monceau et élevé dans un catholicisme moralisateur et rigoriste, où par exemple le sexe est tabou et l’onanisme un péché mortel, c’est sans aucun doute insupportable. On peut comprendre la fêlure qui s’est alors créé dans le petit coeur du petit Nicolas, mais le passage à l’âge adulte signifie d’avoir été capable de surmonter les traumas de l’enfance, de les avoir intégré et d’avoir appris à les vivre. Cette hargne qui ronge encore Nicolas Sarkozy illustre comme ses déchirures sont encore béantes et comme il reste habité par ce besoin de revanche qui finalement demeure son principal moteur. Comment faire confiance à un homme à ce point dévoré par ses névroses ? Comment envisager de lui remettre le pouvoir et les responsabilités qui accompagnent ce pouvoir ? Tout pouvoir est assorti de sa contestation, mais comment réagira-t-il face à tous ceux qui, en France ou sur la scène internationale, viendraient lui contester son pouvoir, ce jouet qu’il serait enfin parvenu à conquérir ? Car une chose est certaine, c’est que la revanche n’efface pas le mal qu’on a ou croit avoir subi. Une fois Président, la plaie ne se trouvera pas miraculeusement cicatrisée et la rage du petit Sarkozy n’en sera qu’exacerbée. Il lui faudra alors nourrir d’autres mets à son appétit de revanche... N’est-ce pas toujours de ce bois revanchard dont sont fait les dictateurs ? Ne vaudrait-il pas mieux qu’il s’allonge sur un divan plutôt que de grimper sur ce trône qu’il convoite depuis si longtemps et duquel il ne pourra contempler que son grand vide intérieur ?