@ kosmalib
« droit religieux et évolution du cadre juridique »
Le souci, c’est que, dans votre argumentation, vous assimilez toujours allègrement l’ensemble des musulmans aux partisans de Ben Laden, en leur donnant comme point commun un corpus de textes sacrés dont bien des Musulmans de mon entourage, ont une méconnaissance ou totale ou très partielle et une sorte indifférence sur la question que partagent (sauf à l’occasion des fêtes traditionnelles) la majorité des Catholiques français de ma connaissance.
De plus, tout comme les wahabites, vous résumez le droit religieux musulman à des textes figés à l’époque du Prophète or, c’est là que le bât blesse.
Le droit religieux musulman, tout comme son équivalent catholique ou tout autre système juridique, comporte des possibilités d’évolution et s’ouvre sur des possibilités de jurisprudence. Comme l’a souligné Gilles, l’Eglise a évolué par des discussions entre théologiens sur la question de l’âme des femmes par exemple. Le droit musulman aussi.
Vous me rétorquerez que cette religion est condamnée à la stagnation sur ce point, que l’application de la justice dans les émirats et en Iran en est la preuve, tout autant que les discours de Ben Laden.
Je vous répondrais en ce cas que des régimes politiques basés sur une vision intégriste du catholicisme ont existé en Europe dans les années 1930, qu’ils ont disparu et que des millénaristes sont apparus à certains moment dans toutes les religions et que le judaïsme, par exemple a eu aussi son lot de faux messies. (A ceux que l’histoire turque intéresse, j’invite à se documenter sur le cas de Shabbataï Zvi). Durant toute l’époque de la bipolarité, la majorité des états de la sphère arabo-musulmane accédant à l’indépendance se sont dotés de codes juridiques modernes comparables aux nôtres et ont fait, à cette époque, des avancées réelles dans le domaine des droits de la femme, questions qui avaient laissé les puissances coloniales relativement indifférentes pour ce qui concernait les populations indigènes.
Pour le cas du droit musulman classique auquel vous vous référez constamment en invoquant le modèle de chaaria en usage en Arabie Saoudite et que vous érigez à tort comme norme, il faut déjà savoir que pour les Sunnites existent plusieurs écoles d’interprétations et de jurisprudence (hanéfites, chaféïtes, malekites, hanbalites). Que pour chacune de ces écoles, il existe un processus de réflexion qui met en jeu suucessivement la référence aux textes (Coran et hadiths), le raisonnement par analogie (fiqh), la recherche du consensus (ijma) et aussi l’opinion personnelle du juge... Ce qui est loin d’un modèle figé.
Si aujourd’hui, avec l’écroulement du bloc socialiste et par extension celui du non-alignement issu de Bandoung dont se réclamaient beaucoup de pays à majorité musulmane, la référence par défaut pour certains s’est déplacée de la lutte des classes à un retour au religieux, il ne faut pas oublier que cette récupération du conflit nord-sud par des groupes obscurantistes spectaculaires, ne recueille pas l’adhésion de la majorité des ressortissants de ces pays et qu’elle fut largement instrumentalisée à des fins de lutte anticommuniste par une puissance qui se présente aujourd’hui comme l’unique rempart contre l’intégrisme.
Enfin, pour éviter toute controverse, je vous signalerai que, pour mon cas personnel, je suis athée.. tout comme l’était le cinéaste Luis Bunuel.
gAZi bORAt