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Commentaire de Gazi BORAT

sur Le monde : terre de Djihad ?


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Gazi BORAT 3 mai 2007 07:26

@ Kosmalib

« libéral-islamisme et protectionnisme kémaliste »

Entièrement d’accord avec vous en ce qui concerne le libéralisme économique d’Abdüllah Gül. Par contre, en ce qui concerne le multiculturalisme des kémalistes du CHP, ceci est une autre histoire...

Il apparaît cependant que, dans l’histoire récente de la Turquie, l’introduction comme l’instrumentalisation du religieux dans le politique en Turquie est INDISSOLUBLEMENT liée au modèle économique libéral et que la laïcité, elle, est liée au modèle interventionniste étatique.

Si l’intrication croisée de ces concepts date des débuts du débat politique moderne en Asie Mineure, elle fut réactivée lors de la grande réaction au kémalisme (une sorte de contre-révolution ) et avec des arrière-pensées populistes dans l’immédiat après guerre et dans un contexte mondial de mise en place de la guerre froide et est constamment réapparue tout au long du siècle dernier, jusqu’aux évènements que nous voyons se dérouler aujourd’hui.

Pour tenter de clarifier tout cela, revenons aux origines et à la fin de l’empire ottoman pour comprendre ce qui structure actuellement la vie politique en Turquie.

L’occidentalisation commencée sous le règne de Mahmud II vers 1830 se vit interrompue par Abdülhamid II à la fin du XIX° siècle qui bloqua toute évolution vers une forme constitutionnelle du régime. Il suscita une opposition qui vit naître deux tendances que l’on retrouve aujourd’hui sur la scène politique turque.

Les Jeunes ottomans, dont l’inspirateur fut le prince Sabahattin souhaitaient une réforme constitutionnelle et prônaient une vision libérale de l’économie et un gouvernement multiculturaliste oeuvrant dans le respect des principes de l’Islâm. On peut les considérer comme les ancêtres de l’actuel AKP de Tayip Erdogan

Ils furent supplantés par les Jeunes Turcs, laïques, protectionnistes et qui se réclamaient à la fois des principes des Lumières et d’une vision prussienne de l’état. On peut les considérer comme des proto-kémalistes, ancêtres du CHP (Cümhürriyet Halk Partisi - Parti Républicain du Peuple)

Leur prise de pouvoir en 1908, sous la forme du Comité « Ittihad ve Terraki » (Union et Progrès, référence à Auguste Comte) évolua vers la dictature d’une junte militaire en 1913 qui fut responsable du génocide que l’on sait. La vision prussienne avait pris le dessus et engagea d’ailleurs le pays derrière l’Allemagne durant le premier conflit mondial.

Une figure se détache parmi les membres de la junte : Enver Pacha. Celui-ci était le chef de file du courant pantouraniste, partisan d’une grande Turquie étendue à l’Asie Centrale. C’est l’ancêtre du courant ülkücü (idéaliste) des Loups Gris du colonel Alparslan Türkes et dont l’avatar actuel est le MHP (Milliyet Hareket Partisi -Parti du Départ Nationaliste). Leur programme, qui apparaît de temps en temps sur des affiches, proclame sans complexe : la grande Turquie : d’Istanbul à Vladivostok... Excusez du peu..

Et Kemal Atatürk ? Il apparaît sur la scène quand s’effondre l’empire et que surviennent des menaces de démembrement par les vainqueurs du conflit mondial. Il organise la défense du pays, repousse les armées étrangères, instaure un régime laïque, une conception dirigiste de l’économie et une tentative de bipartisme qu’il abandonnera très vite.

Ce bipartisme réapparaitra dans l’immédiat après-guerre (la seconde) qui verra la naissance du Parti Demokrat (Demokrat Partisi). Celui-ci se verra activement soutenus par les A... bénéficiera des largesse du Plan Marshall mais multipliera les provocations à l’égard des kémalistes et de l’héritier Historique de Mustafa Kemal : Ismet Inönü.

Ce premier gouvernement islamo libéral sera renversé en 1960. Le Parti Demokrat inaugurera une longue série de partis du même type, successivement interdits et écartés du pouvoir au nom de la laïcité : Adalet Partisi, Refah Partisi... et actuel AKP.

Mais alors, existe-t-il des libéraux non-religieux ? Oui, bien sûr, mais le principal mouvement, le DYP (Dogru Yol Partisi), qui amena Mme Tansu Ciller au pouvoir dans les années 90, se disqualifia par sa corruption... et laissa la place en 1995 au Refah Partisi de Necmettin Erbakan d’où émergera Tayip ,Erdogan.

Et le multiculturalisme dans tout ça ? Le CHP y est absolument opposé et se montre intransigeant sur certains articles de la constitution stipulant par exemple que : la langue du peuple turc est le turc, la Turquie est indivisible, etc... ce que les Kurdes de l’Est anatolien ne connaissent que trop bien. L’AKP, par contre, et les libéraux non religieux ne seraient pas opposés à un certain fédéralisme, mais s’attaquer à ce dogme est aussi dangereux pour eux que réformer les principes laïques, action prioritaire pour les islamistes modérés d’Erdogan.

Islamistes modérés ? Mais alors, existe-t-il des islamistes radicaux en Turquie ?

Oui, bien sûr, mais ils se situent dans une zone trouble, encore plus nébuleuse qu’Al Qaïda et qui s’apparente aux barbouseries et au Services d’Action Civique de l’époque gaulliste. On trouvera ici pêle-mêle : Services secrets turcs (dont le MIT), branche locale du Gladio, mafia de l’héroïne, Loups Gris et islamistes radicaux. Je n’oserai pas mentionner les unités spéciales (kontrgerilla) et leurs conseillers de la CIA, sous peine de me faire accuser d’anti américanisme primaire.

Parmi ces radicaux, deux mouvements des années 90, Hizbollah et Tek Yol Islam étaient des manipulations éhontées du MIT et de la Gendarmerie Nationale (Jandarma) qui utilisaient la confrérie des Naqshbandi contre les séparatistes kurdes (marxistes-leninistes) du PKK . C’est dans ces mouvances que l’on trouve les hommes de main tels Ali Agça, Abdüllah Catli, Cakici et ceux qui tuèrent Hrant Dink et les prédicateurs évangelistes.

J’invite ceux que le sujet intéresse à effectuer leurs propres recherches sur le Net à partir de des noms propres cités où à lire « Neige » le dernier roman d’Orhan Pamuk (l’immérité Prix Nobel) qui évoque en passant ce sanglant panier de crabes.

Et les Communistes turcs ? Relativement discrets dans l’histoire récente. Pour la simple raison qu’Atatürk, pragmatique, négocia très tôt la neutralité de l’Union Soviétique à leur égard en échange de la neutralité turque à l’égard des turcophones des républiques d’Asie centrale.

L’extrême gauche fut plus active et des mouvements illégaux (THKPC, TKPML, HAKKO-TIKKO, etc..) ,défraient encore de temps à autre la chronique et dont certains ont conclu des accords avec le PKK d’Abdüllah Öcalan.

Alors, que penser de tout ça ?

La défense de la laïcité mérite-t-elle une mise entre parenthèses de la démocratie ? Ou alors, doit-on respecter à tout prix le résultat des urnes qui amena un gouvernement islamiste au pouvoir ?

Si vous mêlez l’Europe à tout cela, le choix devient impossible ...

gAZi bORAt


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