• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de caius

sur La Turquie à la croisée des chemins


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

caius 3 mai 2007 08:15

La Turquie est-elle vraiment laïque ?

Contrairement à la quasi totalité des autres pays musulmans, il est, certes, socialement et juridiquement possible de se dire athée (dinsiz, « sans religion » ) en Turquie (du moins dans les grandes villes).

Mais :

· La religion (din) est indiquée sur la carte d’identité (Nüfus Cuzdani) : Müslüman/Islam, Rum ortodoks, Ermeni, Hristyan, Süryani, Keldani, Nasturi, Musevi, Dönme). Depuis 2000-2001, sous la pression de l’Europe, il a été question soit de supprimer purement et simplement cette mention soit d’autoriser ceux qui le souhaiteraient à la laisser en blanc, mais pour l’instant ces projets sont restés sans suite

· Seules trois minorités religieuses sont reconnues officiellement, conformément au Traité de Lausanne du 24 juillet 1923, et ont donc le droit de maintenir des écoles spécifiques : les Grecs orthodoxes (sous l’égide de l’Église orthodoxe de Constantinople), les Arméniens apostoliques (sous l’égide du Patriarcat arménien de Constantinople) et les Juifs. Or, si la majorité de la population est (du moins sur papier) sunnite, la Turquie compte au minimum de 15 à 20 millions d’Alévis (musulmans TRES hétérodoxes), ainsi que de 500.000 à 1.500.000 chiites et un nombre indéterminé (100.000 ?) d’Alaouites.

· A l’école publique, les enfants sont obligés de suivre un cours de religion musulmane sunnite sauf pour les élèves des trois minorités non musulmanes reconnues (Grecs orthodoxes, Arméniens apostoliques et Juifs). Un parent alévi qui avait attaqué en justice le caractère obligatoire de ces cours n’a pas eu gain de cause (voir International Religious Freedom Report 2005).

. D’après un rapport rédigé en octobre 2002 par le Dr Tessa Hofmann du Bureau de l’UE pour les associations arméniennes d’Europe (EU Office of Armenian Associations of Europe), les non musulmans font souvent l’objet de traitement discriminatoire et dégradant de la part des autres soldats et des supérieurs pendant leur service militaire. « Ils se font insulter, traiter « [d’]infidèles » ou « [de] sales cochons chrétiens qui ne se laissent même pas circoncire ». [I]ls sont harcelés et subissent des sévices physiques. Par ailleurs, ils sont continuellement menacés de circoncision forcée [...] ».

· Il existe une fondation (waqf) religieuse étatique (Türk Diyanet Vakfi) administration rattachée au premier ministre turc, avec ses fonctionnaires qui finance la construction des mosquée, supervise toutes leurs activités, forme les imams et les enseignants de religion dans des écoles spéciales (imam hatip) et en envoie certains dans ses succursales (dirigées par des fonctionnaires consulaires) à travers le monde, là où existent des communautés immigrées turques. Cependant, la doctrine officielle de la DIYANET est le sunnisme et les alévis et les chiites qui paient leur impôts comme tout les citoyens turcs ne profitent pas de ses services : en effet, ce vrai ministère des cultes (diyanet) ne met pas un centime dans la constructions des mosquées chiites ou des cemevis (salles de cultes des Alevis), et encore moins dans la formations de leurs Dedes (chefs religieux) , etc. Exaspérés, les alévis ont récemment demandé la création d’une Diyanet alévie, en vain pour l’instant.

· Par ailleurs on constate que les demandes de permis de bâtir pour les temples alévis (cem) sont régulièrement refusés, que dans les manuels scolaire officiels il n’y a aucune référence à l’islam alevi tant pour la croyance que pour l’histoire ou la littérature, que dans l’appareil étatique, plus l’on monte dans la hiérarchie moins il y’a d’alevis (cette dernière discrimination est plus difficile à prouver mais l’on ne peut que constater qu’il n’y aucun chef de police (« emniyet muduru » en turc) ou gouverneur de province (« vali » en turc) qui soit alevi...) quant aux non musulmans, ils sont aussi rares que le merle blanc dans la fonction publique ...


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès