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Commentaire de

sur Le MRAP devrait avoir honte


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Henrique Diaz 22 mai 2007 15:57

Le seul argument de ce libelle, c’est que même si ledit ministère continuait les politiques de Vichy et n’avait qu’une obsession, choisir les bons immigrés et exclure les mauvais, il serait honteux de le critiquer puisque les urnes ont parlé.

Rappelons un principe républicain fondamental : le contrat politique qu’un peuple passe avec ses représentants n’est légitime qu’à deux conditions : qu’une majorité se reconnaisse effectivement dans les termes de ce contrat, et que les termes de ce contrat servent effectivement l’intérêt de tous en n’excluant personne. Hitler est venu au pouvoir de façon démocratique mais sur la base d’un programme - voilé au début mais décelable pour ceux qui voulaient bien y regarder d’assez près - d’oppression d’une minorité par la majorité, idem pour Pétain : cela ne pouvait donc être légitime et il faut saluer les vrais républicains qui ont résisté à la dictature de la majorité au nom même de la chose publique.

Dans le cas présent, nous avons un ministère qui associe immigration et identité nationale. Que peut signifier une telle association au delà de tout procès d’intention ? Que l’identité nationale a un rapport avec l’immigration, sinon quoi d’autre ? Quel peut-il être ? Que l’une est menacée par l’autre ou que l’une est enrichie par l’autre ? Justement, tout cela est indéterminé, et de fait qui peut dire quelle est la feuille de route de Brice Hortefeux dans ce cadre d’ici à 5 ans ? Tout ce qui est indéterminé peut mener au meilleur comme au pire. Le fait d’associer vaguement l’identité nationale à la notion d’immigration, comme s’il s’agissait des deux bouts d’une seule et même question est extrêmement dangereux dans la mesure où ce qui définit justement l’identité nationale française, ce sont des valeurs universelles, affirmant, tant bien que mal depuis la Révolution Française, que tout pouvoir - politique, économique, militaire - ne peut avoir de légitimité que s’il se réduit à servir les droits naturels des citoyens français et de l’homme en général.

Et de fait, les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité doivent s’appliquer à toutes les décisions de politique particulière, on ne voit pas pourquoi la question de l’immigration aurait ici un statut à part, à moins de vouloir redéfinir l’identité républicaine française en faisant passer la question de l’immigration pour un principe susceptible de la délimiter, de la définir, voire de la menacer - ce qui serait parfaitement anti-républicain. Car en définissant l’identité nationale par opposition au fait migratoire, puisqu’à aucun moment il n’a été dit le contraire, on peut parfaitement s’autoriser à exclure du reste de la société des immigrés, ou même des citoyens issus de l’immigration, sous prétexte qu’ils ne correspondraient pas aux nouveaux critères de l’identité nationale.

Rappelons deuxièmement, pour revenir également sur le premier principe républicain que j’ai énoncé, que de par les institutions de la 5ème République, le peuple est appelé à accepter en bloc les propositions d’un candidat ou à la rejeter en bloc. Or il faudrait être bien naïf pour croire que 53% de français adhèrent objectivement à l’idée même de ce ministère et de ce qu’il peut impliquer. D’après mon expérience immédiate, ce qui a motivé la majorité des français que je peux cotoyer à voter Sarkozy, c’est l’image de dynamisme qu’il donne pour « faire bouger les choses et relever le pays », peu savent ce que peut signifier « bouclier fiscal à 50% », « Contrat Unique », « suppression des droits de succession ». Et si il est vrai que beaucoup ont été séduits par le côté « Le Pen de l’establishment », en gros contre les immigrés, aucun à ma connaissance n’a réfléchi à ce que peut signifier la mise en relation de l’immigration et de l’identité nationale. De fait, M. Sarkozy n’a que fort peu précisé lui-même ce à quoi il pensait par cette association. La gauche, menée par Mme Royal, n’a pas brillé par une contre-argumentation très claire à ce sujet non plus, ce qui aurait pu donner une occasion de préciser les choses de façon acceptable. Tout cela fait donc qu’en l’absence de débat clair au cours de la campagne à ce sujet, on ne peut même pas dire qu’une majorité de français adhère au principe d’un tel ministère.

Rappelons enfin qu’invoquer « l’humanisme » pour se dédouanner de toute accusation d’injustice n’est qu’un mot quand dans la pratique on pose des jalons pour exclure une partie de la population d’une société. Quand il s’est agi de passer à une extermination des juifs au gaz Zyklon, l’administration nazie parlait de faire preuve d’humanisme, du fait qu’ils mourraient ainsi rapidement et sans trop de douleurs.


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