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Commentaire de Thucydide

sur Il était une fois Ségolène à la porte de la « maison des hommes »


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Thucydide Thucydide 23 mai 2007 17:02

Article bien écrit, mais un peu trop militant, ce qui nuit à son objectivité. Par exemple, la phrase de Sarkozy selon laquelle il n’a pas en face de lui une femme, mais un candidat, est qualifiée -avec indignation- de sexiste. Or, il me semble que c’est l’inverse : ce faisant, Sarkozy reconnaît l’égalité de son adversaire avec lui-même. C’est tout le contraire de l’attitude de Mitterrand avec Chirac. A ce dernier qui lui demandait de ne plus considérer leurs échanges comme ceux d’un premier ministre à son président de la république, il répondit avec une morgue et une suffisance effarantes : « mais naturellement, Monsieur le Premier Ministre ». Sarkozy a joué sur le registre opposé tout au long de leurs échanges, avant, pendant et après le débat. Et il a joué sur du velours, tant l’agressivité déplacée de Royal l’a aidé. Cette agressivité déplacée a été perçue par une majorité de spectateurs, et cette perception n’est pas, contrairement à ce que dit cet article, une marque de sexisme. Fabius, en son temps, est tombé dans le même piège tendu par Chirac en l’agressant, puis en ayant un signe de mépris à l’égard de l’importun qui osait s’adresser au premier ministre dans des termes qui ne lui plaisaient pas. Fabius a eu l’intelligence de reconnaître son erreur, dans un documentaire analytique, en disant : « on en apprend tous les jours ».

Que Royal ait eu à subir des attaques sexistes est certain, bien que la quasi-totalité soient venues de son propre camp. Mais ce n’est pas ce qui a fait la différence. Ce qui l’a desservie, s’est d’avoir usé l’argument du sexisme jusqu’à la corde chaque fois qu’un journaliste lui posait une question dérangeante. Elle a clairement manqué de discernement là-dessus, et a fini par mettre ce genre d’échappatoires en sourdine lorsqu’elle s’est aperçue que le filon était épuisé. Enfin, si elle a perdu, c’est surtout à cause du manque de cohérence et de logique, à la fois de la machine qu’elle avait derrière elle -le PS- et d’elle-même, qui n’a pas su donner un cap clair à sa campagne, avec le PS ou en marge de celui-ci, avec le centre ou sans lui, mais pas un jour oui, un jour non. En face d’elle, son adversaire assumait pleinement ses objectifs, y compris impopulaires, avec le succès que l’on sait.

Plus généralement, pour revenir au sexisme, il est évident que toute forme de discrimination injustifiée doit être gommée, mais pour autant, les différences fondamentales entre hommes et femmes ne peuvent l’être. D’une manière générale, si les femmes aiment réussir leur vie familiale et affective et les hommes leur vie professionnelle, ce n’est pas par conditionnement, mais par leur nature même (et d’abord, pourquoi le deuxième choix serait-il meilleur que le premier, qui est d’ailleurs préféré par beaucoup d’hommes ?!?!).

Comme pour beaucoup de mammifères, la motivation profonde, animale, du mâle humain est de dominer, alors que celle de la femelle est d’aimer. L’un et l’autre répondent en fin de compte à un besoin de réussir au mieux la reproduction (et donc, de perpétuer l’espèce) : le mâle en s’assurant la suprématie pour l’accès aux femelles, et les femelles par un soin optimal à la progéniture. C’est un peu simplifié, parce que cette réalité correspond à une structure familiale en harem, alors que l’homme n’est que partiellement à tendance polygame (sa stratégie reproductrice n’est pas figée, mais je ne m’étends pas, ça nous emmènerait trop loin). Le psychisme humain oscille entre la polygamie et la monogamie, ou encore l’agamie. D’où les différences d’un individu à l’autre. Sans compter que la part de variation individuelle concerne aussi les femmes, qui peuvent être plus dominatrices, alors que certains hommes peuvent être plus « maternels ». Il n’y a pas de schéma absolu, mais des tendances, le plus souvent fortement sous-tendues par le patrimoine génétique, mais en partie liées aussi au vécu d’un individu, qui peut exacerber telle ou telle propension (le « conditionnement » féminin peut jouer à double tranchant). Vouloir faire entrer tous les individus dans un moule unique est réducteur, tout autant que vouloir absolument que les femmes et les hommes pensent et agissent exactement de la même façon.

Enfin, pour en revenir à Elisabeth Badinter, je n’ai pas eu l’heur de lire son livre, mais j’ai eu celui de l’écouter à la radio (je ne saurais dire où, mais c’était peu avant le premier tour). Elle m’a fait une très forte impression, précisément parce qu’en réalité, elle ne tombe pas du tout dans les poncifs féministes qu’on entend souvent. Et je dois dire que j’ai été surpris de l’entendre avouer une grande réserve à l’égard de Ségolène Royal, dont elle disait en substance que loin d’être un handicap, sa féminité était un atout, de nos jours, mais qu’elle (Badinter) avait des doutes quant à sa (Royal) capacité à se montrer à la hauteur de la tâche.


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