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Commentaire de Eric De Ruest

sur Constitution européenne ; renoncer à la démocratie et aux acquis sociaux ?


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Eric De Ruest Eric De Ruest 24 mai 2007 11:22

Extrait de l’article écrit par Eric Toussaint à propos du traité constitutionnel http://www.cadtm.org/article.php3?id_article=1284

Dans le traité, tous les ingrédients sont présents pour une cure d’austérité perpétuelle...

Ignorant ces résultats, les dirigeants européens nous demandent maintenant, au travers du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, d’entériner l’application d’un programme d’ajustement structurel permanent. Tous les ingrédients sont présents pour une cure d’austérité perpétuelle. L’Etat est sommé de toujours plus se désengager ce qui se traduit par une discipline budgétaire toujours plus stricte (art. III-184 et III-194) qui empêche toute politique budgétaire de relance. Comme le principe de la majorité qualifiée ne s’applique pas dans le domaine fiscal, l’unanimité est requise en la matière (art. III-171) et il y a fort à parier que toute harmonisation ne pourra se faire qu’en s’alignant sur le moins disant. Dès lors, l’austérité budgétaire ne peut être réalisée qu’en réduisant les dépenses publiques et les subventions (art. III-167). Si la politique budgétaire devient inopérante, la politique monétaire est également restrictive puisqu’elle conserve son unique objectif de maintien de la stabilité des prix (art. I-30 et III-177). Alors que l’inflation n’est plus un problème depuis une quinzaine d’année, la poursuite de ce seul objectif n’obéit qu’à des considérations idéologiques privilégiant les détenteurs de capitaux.

L’heure est également à la suppression de toute entrave à la libre concurrence et à l’ouverture croissante des économies. Selon le refrain maintes fois entonné, les pays de l’Union européenne doivent respecter le principe d’une économie de marché où « la concurrence est libre et non faussée » (art. I-3, III-177, III-178 et III-185). Dans cette perspective, les services publics ne sont pas épargnés. Ils deviennent des « services d’intérêt économique général » (art. III-122) soumis à la concurrence (art. III-166) et ne peuvent plus bénéficier d’aides de l’Etat s’ils faussent ou simplement menacent de fausser la concurrence (art. III-167). La voie de la privatisation des services publics est ainsi ouverte. Les marchés du travail doivent être « aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie » (art. III-203) ce qui implique plus de flexibilité. La libéralisation des services est acquise (art. III-130, III-146, III-147 et III-148), celle des mouvements de capitaux ne peut être remise en cause malgré les conséquences dramatiques qu’elle a déjà occasionnées en de nombreux endroits de la planète (art. III-156). Il est cependant un domaine qui échappe à la concurrence et qui doit être protégé. Il s’agit du commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre (art. III-436) !

Si l’on ne peut évidemment pas mettre sur un même plan les membres de l’Union européenne et les PED, l’institutionnalisation du programme d’ajustement structurel européen ne pourra qu’entraîner plus de pauvreté et d’inégalités, comme ont déjà pu le constater de nombreux PED. Dès lors, quel crédit apporter à un texte dont l’objectif affiché est d’œuvrer pour « le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement » (art. I-3) ? Le volet social, qui constitue une avancée majeure pour les partisans du oui, envisage d’améliorer, entre autres choses, les conditions de travail, la sécurité sociale et la protection des travailleurs, l’égalité entre hommes et femmes, la lutte contre l’exclusion, tout en évitant « d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises » (art. III-210). Sauf à considérer que « la concurrence libre et non faussée » est le moyen de réaliser ces objectifs, ce que les faits, têtus, ne cessent d’infirmer, l’objectif de progrès social a toutes les chances de demeurer un vœu pieu tant qu’il sera subordonné à l’économique (art. III-213). De la même façon, l’introduction d’un volet environnemental est un leurre. Car que penser d’un développement durable qui ne consacre que deux articles (sur 448 !) aux questions environnementales (art. III-233 et III-234) et nécessite l’unanimité pour agir ? Que penser d’une politique agricole commune qui ne fait aucune référence à la protection de l’environnement et se soumet toujours à une logique productiviste destructrice (art. III-227) ? Que penser enfin de l’action extérieure de l’Union qui soutient « le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d’éradiquer la pauvreté » (art. III-292) et qui pour cela encourage « l’intégration de tous les pays dans l’économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international » (art. III-292), mesures dont on constate chaque jour les effets dévastateurs sur les PED ?

Dès lors, puisqu’on nous demande si nous souhaitons poursuivre une construction européenne dominée par les questions économiques, le non pro-européen, qui repose sur des considérations sociales et environnementales, est légitime. Dire non à ce Traité, c’est vouloir remettre l’économie au service de l’Homme, c’est refuser une logique qui considère que l’« avoir plus » équivaut au « mieux-être », c’est considérer que les valeurs sociales et environnementales ont au moins autant d’importance que les considérations économiques, c’est enfin aider les PED à promouvoir un autre développement.


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