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Commentaire de Georges Yang

sur Dieu est un fumeur de harengs


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Georges Yang 25 mai 2007 17:33

Je tiens à signaler que, bien que grand fumeur, je viens d’arrêter depuis le premier mai et que je compte reprendre le 25 juin, soit 55 jours d’abstinence volontaire. J’arrête tous les ans, depuis l’âge de vingt quatre pour une durée déterminée et déclarée à l’avance à mon entourage. Je le supporte très bien sans nervosité, boulimie ou prise de poids. Tout est question de volonté. Ce dont je suis sûr, c’est que je n’arrêterai jamais définitivement tant qu’il y aura des lois anti tabac ! Fumer pour moi de nos jours, c’est comme prier dans la rue pour un polonais au temps du communisme. Fumer était jadis une aliénation, c’est devenu maintenant un cri libertaire et avouons-le, un comportement beaucoup moins dangereux pour moi-même et pour les gens que je croise occasionnellement (je ne parle pas de mon entourage de proximité) que beaucoup de situations fréquemment minimisée telles la sédentarité, la dépression, les jeux d’argent et j’en passe. Cela dit, je ne veux m’ériger en moraliste, chacun fait ce qu’il lui plait ou peut et en assume les conséquences. J’ai toujours été un admirateur du film la « grande bouffe » de Marco Ferreri, même s’il ne s’agit pas vraiment d’une ligne diététique à suivre. Mourir en bouffant, buvant et baisant, il y a pire comme mort.

Quant à ceux qui pensent que les fumeurs coûtent cher à la sécurité sociale, ils ne prennent pas en compte les taxes perçues par l’état sur le tabac. Un fumeur diminue son espérance de vie certain, du moins statistiquement, il touchera donc moins longtemps les prestations sociales, retraites et autres bénéfices liés à l’âge. D’autre part, il ne faut pas oublier que chaque prévention a son revers. Tous ceux qui ne meurent pas de cancer du poumon ou du foie, de cirrhose, d’accident de voiture, en général avant ou aux alentours de soixante iront grossir les rangs des vieillards dépendants, Alzheimer ou non. Ces gens vont coûter en soins à la personne dépendante, en aide à domicile, en équipements spécialisés du fait de la mobilité réduite, etc.... S’ils sont riches, cela s’équilibrera car les dépenses seront prises sur leurs revenus, il y aura en plus création d’emploi. Les seules victimes seront les héritiers qui pourront dire adieu aux veaux, vaches et couvées de leurs aînés, l’argent étant dilapidé pour entretenir des vieillards grabataires. Par contre, si elles sont pauvres, les personnes dépendantes seront à la charge de la société, donc du contribuable. A ce jour, aucun macro économiste n’a pu prouver que la prévention sanitaire dans un pays à forte espérance de vie, et bonne couverture sociale avait un impact positif (ou négatif) sur l’économie. Ce qui est épargné d’un côté est dépensé de l’autre.

La prévention peut se défendre sur une base morale ou éthique, mais sûrement pas suer une base économique. Permettre une fin de vie agréable ou du moins non pénible est souhaitable. Tout faire pour maintenir en vie des gens qui souffrent, s’ennuient et se lamente, n’est pas d’une grande richesse morale. La question qui se pose est donc : doit on forcer les gens à « bien se comporter » ? La réponse est oui si l’on garde une certaine mesure. Les lois sont là pour éviter des abus. Il semble admis par tous (disons presque tous) qu’il est normal et salutaire d’avoir des lois, décrets et règlements contre la violence physique, contre l’atteinte aux biens privés et la propriété tant matérielle qu’intellectuelle.

La loi, par contre, devient contrainte inutile et même inique qu’en elle s’érige en manière d’agir ou de penser, quand elle devient ridicule à force de précaution excessive. Ce légalisme de mauvais aloi se retrouve hélas dans le comportement de tous les jours de bien des citoyens. Je me souviens d’une petite anecdote, publiée dans la presse populaire il n’y a pas si longtemps. Dans une école primaire, un gamin de neuf ans terrorisait enfants et... adultes ! Droit de retrait des institutrices ! Deux gifles à la Bayrou auraient probablement suffi à calmer cette terreur des cours de récré. Vivre est aussi prendre des risques mesurés, avoir en permanence peur n’aide pas à vivre, bien au contraire. Ces comportements frileux pénalisent même l’initiative, la recherche, l’exploit, l’héroïsme. Je ne sais plus qui a fait remarquer que si le principe de précaution avait existé au temps des cavernes, l’invention du feu aurait été fortement pénalisée.

Je me souviens aussi d’avoir rencontré il y a quelques années, un parachutiste dans un TGV, soldat de métier faisant parti de l’élite du genre. Le brave jeune homme, amateur de hand-ball, m’a dit qu’il pensait prendre une assurance, car, s’il se blessait un genou en pratiquant son sport favori, il serait dans l’incapacité se sauter. Le nombre de sauts influant sur le plan de carrière, cet attrait pour ce passe-temps pouvait lui être financièrement préjudiciable. On voit mal les spartiates de Léonidas ou les grognards de Napoléon faisant de telles remarques. Autres temps, autres mœurs. Malgré tout, je ne sais pas si la dérive sécuritaire et les précautions excessives vont développer une société saine et moralement défendable. Je me souviens enfin de Gaston Defferre, se battant en duel avec un vague gaulliste en 1967, c’est-à-dire, il y a des siècles. De nos jours, il le traînerait en justice avec l’aide de Maître Collard ou ferait une émission voire un débat contradictoire et bruyant chez Fogiel ou Ardisson. Enfin, l’hiver dernier, de retour en France, j’ai eu la surprise de voir une carte avec les risques d’avalanches. Le risque zéro, n’existant pas, Landes, Loiret et Bretagne étaient dans la classe 1. C’est très drôle, mais significatif du monde de pleutres et de pisse-froid dans lequel nous évoluons.

Souvenons nous de Corneille dans Tite et Bérénice :

« Chaque instant de la vie est un pas vers la mort ! ». En attendant, profitons-en de façon hédoniste !


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