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Commentaire de finael

sur De la démocratie à la dictature de l'opinion


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finael finael 27 mai 2007 08:25

Je trouve cet article intéressant car il soulève bien des questions dont certaines ont été abordées par les intervenants.

Toutefois il faut relativiser ce que l’on entend par « démocratie » : Je connais nombre de personnes qui souhaiteraient instaurer un « permis de voter », réservé aux gens ayant une « certaine » connaissance de la chose publique, le « bas peuple » étant trop ignorant pour savoir ce qui est bon pour lui.

Dans le l’ouvrage de science-fiction des années 60 : « Starship Trooper » de Robert Heinlein (le livre, pas le navet cinématographique) l’auteur développe l’idée que la citoyenneté, et donc le droit de vote, est réservé à celles et ceux qui, ayant accompli leur service miltaire, ont montré qu’ils étaient capables de placer l’intérêt collectif au dessus de leur intérêt égoïste, voire de leur vie - ce qui valut à Robert Heinlein le qualificatif de « fasciste ».

Comme quoi ce questionnement, et la diversité des réponse, ne sont pas nouveaux.

(Parenthèse : j’adore la science-fiction car elle permet d’aborder de nombreux sujets de société sans avoir l’air d’y toucher).

Mais j’aimerais revenir à ce que l’on entend par « démocratie » dans nos systèmes actuels, par le biais de quelques citations :

« La démocratie est un système où vous pouvez faire tout ce que vous voulez tant que vous faites ce que nous vous disons ».

Noam Chomsky « la doctrine des bonnes intentions »

"Là où le libéralisme fonctionne le mieux, c’est où existe une démocratie formelle, mais où la population se voit privée de l’accès à l’information et aux forums publics nécessaire à sa participation sérieuse à la prise de décision. ... La démocratie est permise aussi longtemps que le contrôle exercé par le grand capital échappe aux délibérations et aux changements voulus par le peuple, c’est-à-dire aussi longtemps qu’elle n’est pas la démocratie. ... A certains égards, la médiocrité du débat et du choix lors des élections évoque plutôt les Etats communistes à parti unique qu’une authentique démocratie.

Robert W. McChesney : Préface au « profit avant l’homme »

« Faire des profits est l’essence même de la démocratie ; tout gouvernement qui poursuit une politique contraire aux intérêts du marché est antidémocratique quand bien même il jouirait d’un large soutien populaire. »

« Milton Friedman : Capitalisme et liberté »

"Malgré tout, cela ne compte pas tant que les élections sont habilement gérées afin d’esquiver les problèmes de fond et de marginaliser la « population du dessous », pour user à nouveau de la terminologie de Veblen, ce qui laisse aux dirigeants élus toute liberté de servir les « gens d’importance ». Et c’est ce qui s’est produit.

Ferguson et Rogers décrivaient les premiers effets de la puissante riposte coordonnée à la « crise de la démocratie » des années 1960 dont s’inquiétait tant la Commission Trilatérale, à qui l’on doit cette expression. La commission se composait d’importants internationalistes libéraux issus des trois grandes régions du monde industrialisé : l’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon. Pour avoir une idée de leur vision générale, il suffit de préciser que l’administration Carter est essentiellement sortie de leurs rangs. La crise dont ils discutaient était fort préoccupante : les années 1960 avaient suscité, disaient-ils, un « excès de démocratie ». Des milieux, en général passifs et marginalisés - les femmes, les jeunes, les personnes âgées, les syndicalistes, les minorités et d’autres composantes de la « population du dessous » - commençaient à entrer sur la scène politique pour promouvoir leurs revendications. La « crise de la démocratie » était jugée encore plus dangereuse par les milieux de l’élite qui, idéologiquement, se situaient à droite de la commission, et par le monde des affaires en général."

Noam Chomsky : « Les états manqués »

« Conformément aux habitudes de ces dernières années, les campagnes électorales de 2004 (aux USA NdT) ont été organisées par l’industrie des relations publiques, dont la vocation normale est de vendre du dentifrice, des médicaments de confort, des automobiles et d’autres marchandises. Son principe fondamental est la tromperie. La publicité a pour mission de miner les libres marchés qu’on nous apprend à admirer, ces entités mythiques où des consommateurs informés font des choix rationnels. Dans de tels cadres les entreprises se limiteraient à donner des informations sur leurs produits : bon marché, facile, simple. Elles n’agissent pas ainsi, ce n’est pas un secret. Elles dépensent ces centaines de milliards de dollars par an pour projeter une imagerie visant à induire en erreur le consommateur. Tout le monde en convient : tel est l’objectif de la publicité - et non d’apporter de l’information. [...] De plus -Veblen l’a souligné il y a longtemps -, l’une des premières tâches de la propagande d’entreprise est la « fabrication des consommateurs » activité qui consiste à induire « tous les symptômes classiques du totalitarisme d’état : atomisation, irrationalité et apathie politique, perte de sens et banalisation de procédures politiques prétendument démocratiques, frustration croissante de la population, etc ... ». »

Noam Chomsky : « Les états manqués »

"Platon avait un mot magnifique pour tous ces gens, celui de doxosophe : ce « technicien-de-l’opinion-qui-se-croit-savant » pose les problèmes de la politique dans les termes mêmes où se les posent les hommes d’affaire, les hommes politiques et les journalistes politiques (c’est-à-dire très exactement ceux qui peuvent se payer des sondages ...).

Le philosophe s’oppose au doxosophe, comme le philosophe, en ce qu’il met en question les évidences et surtout celles qui se présentent sous la forme de questions, les siennes autant que celles des autres. C’est ce qui choque profondément le doxosophe, qui voit un préjugé politique dans le fait de refuser la soumission politique qu’implique l’acceptation inconsciente des lieux communs au sens d’Aristote : des notions ou des thèses avec lesquelles on argumente, mais sur lesquelles on n’argumente pas.

... Ce que je défends avant tout, c’est la possibilité et le nécessité de l’intellectuel critique, et critique d’abord de la doxa intellectuelle que sécrètent les doxosophes. Il n’y a pas de démocratie sans véritable contre-pouvoir critique. L’intellectuel en est un et de première grandeur. C’est pourquoi je considère que le travail de démolition de l’intellectuel critique, mort ou vivant - Marx, Nietzsche, Sartre Foucault, et quelques autres que l’on classe en bloc sous l’étiquette de « pensée 68 » -, est aussi dangereux que la démolition de la chose publique et qu’il s’inscrit dans la même entreprise globale de restauration."

Pierre Bourdieu : « Contre-feux »

Et je vous recommande la lecture des ouvrages de Noam Chomsky : « La fabrique de l’opinion publique », « Propagande Médias et Démocratie ». Ces ouvrages très éclairants sur ce qu’il appelle (et d’autres avec lui) la « démocratie formelle » dans laquelle nous vivons.


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