Bravo à l’auteur qui semble avoir commis le crime de lèse « chouchou » des médias...
Une petite annexe sur le rapport de M Kouchner à propos de Total en Indonésie :
Ce rapport payé « 25000€ » fait 19 pages dont certaines sont pratiquement vides... Le Kouch a dit « Il faut bien que je vive » (à 1315 € la page soit à peu près le smic mensuel)
"Sur l’essentiel, c’est-à-dire le travail forcé des populations locales dont Total est accusé d’avoir profité vers 1995, Kouchner reprend l’argumentaire bien rodé du pétrolier : « Le chantier a employé 2 500 personnes (...). Toutes bénéficièrent d’un contrat écrit, de salaires réguliers, d’une protection sociale et de normes reconnues. »
Des travaux forcés ? Il ne s’agissait que d’une confusion avec le chantier voisin d’une voie ferrée où « il est probable que des travaux forcés aient malmené les populations ».
« N’oublions pas, ajoute Kouchner pour ponctuer son paragraphe, que pour détestable qu’il soit, le recours au travail forcé est une coutume ancienne, qui fut même légalisée par les Anglais en 1907. »
« Plus tard, au début du chantier, concède l’ancien ministre en se contredisant quelque peu, des villageois avaient été raflés par l’armée pour défricher la forêt et se livrer à d’autres besognes aux services des militaires (...). Ayant été prévenue de cette violation des droits de l’homme, la compagnie Total exigea que ces exactions cessent. Elle s’en ouvrit à Rangoon, aux dirigeants qui promirent d’intervenir et le firent. Deux décrets abolissant le travail forcé furent publiés en mai 1999 et octobre 2000. »
L’auteur du rapport explique donc que Total, contrairement à ce que certains esprits « mal informés » ont pu supputer, a en réalité lutté contre le travail forcé.
« Il oublie de dire, commente Farid Ghehioueche du collectif Info Birmanie, que ces décrets n’ont jamais été appliqués. » « En fait, ajoute le militant, Total a su que du travail forcé avait lieu sur son chantier, et lorsque l’entreprise s’est aperçu du danger que cela comportait en terme d’image, elle a changé de politique. »
Nombreux sont les témoignages accréditant le recours au travail forcé au profit de Total. Il y a le rapport confidentiel « L’action de Total en Birmanie », commandité par Total en juin 1996, dont Libération s’est procuré une copie. L’ancien responsable des questions de sécurité du pipe-line relate que « les unités affectées à la protection du projet Yadana ont déjà utilisé les services des local helpers (recrues locales) réquisitionnés pour le chemin de fer, pour certaines tâches à leur profit direct ou pour du défrichage au profit de Total, alors que la société ne cesse de leur expliquer qu’elle dispose de ses propres moyens pour effectuer des travaux ».
La compagnie française a opéré un certain nombre de glissements sémantiques. En novembre 2002, le PDG Thierry Desmarest, affirmait que Total n’avait « jamais recouru, directement ou indirectement, au travail forcé ». Mais en novembre 2003, Jean du Rusquec, chargé de mission de Total en Birmanie, déclarait à l’AFP : « Il y a eu des problèmes au démarrage du chantier. Strictement du travail forcé, vers décembre 1995, pour la construction de baraquements et pour du portage (...). Nous avons indemnisé les villageois, 400 environ. Il a fallu se bagarrer. »
Malgré ce demi-aveu, la ligne de défense de Total demeure la même, précise l’avocat des plaignants birmans, William Bourdon, à savoir qu’« il n’y a jamais eu de travail forcé sur le chantier ».
Total, s’il n’a pas profité sciemment de ce travail forcé, pouvait-il penser qu’il échapperait à ces pratiques ? Une étude confidentielle, commandée dès 1992 par Unocal, le partenaire américain de Total, à Control Risks Information Services, dont Libération s’est procuré une copie, avertissait le pétrolier : « Dans toute la Birmanie, le gouvernement utilise habituellement des travailleurs forcés pour construire les routes (...). Dans de telles circonstances Unocal et ses partenaires n’auront qu’une marge de manoeuvre très réduite. »
Dans son rapport, payé selon lui 25 000 euros par Total, Kouchner se prononce pour l’engagement constructif avec la dictature : « Fallait-il répondre aux appels d’offre et installer ce gazoduc en Birmanie ? Je le crois. »
Et de conclure : « L’époque n’est plus à l’embargo et au boycott. » Position en totale contradiction avec ses convictions d’antan. Dans la préface de Dossier noir Birmanie (Ed. Dagorno, 1994), où il qualifiait la junte de « narcodictature », il reprenait à son compte l’idée selon laquelle « il faut imposer à la junte birmane des sanctions économiques ». Ajoutant que de telles sanctions « heurtent bien souvent l’intérêt des Etats, dont la France qui, comme beaucoup d’autres, commerce avec les généraux via ses industries pétrolières ». Pour justifier son revirement, Kouchner explique qu’à l’époque : « Je n’avais pas fait d’enquête. Mais un certain nombre de prix Nobel, dont mon ami Elie Wiesel, prétendaient l’avoir menée pour moi. »
Libération, Par Philippe GRANGEREAU, mercredi 10 décembre 2003, p. 9-10