@ M. Bilger :
Bonnes questions, bon état des lieux (méme si je crains que personne n’ait vraiment les clefs de cet appartement...)
Tout cela reste cependant « l’écume des choses » : demeurent en effet
d’authentiques questions de fond, pour les praticiens comme pour les simples étudiants en droit. Je crains que ce gouvernement-ci (ou plutot la future législature, car il s’agit de lois), ne les résolvent pas plus que les précédents :
1/ La politique pénale de notre glorieux état de droit est principalement dictée par des questions immobilières :
Tout le monde connait le problème de la surpopulation carcérale, mais personne n’évoque ouvertement le tabou de la construction de nouveaux établissements (rendus nécessaires par l’augmentation de la population générale, donc, à taux de délinquance constant, des détenus). Ca parait simple, mais il y a des tabous, pas seulement financiers,mais idéologiques.
Résultat : notre Justice, volontiers arrogante et sourcillieuse sur ses prérogatives, rend des jugement pollués par la surpopulation carcérale, accélérant par ailleurs le différentiel peines encourues/ peines prononcées/ peines effectivement purgée.
2/ Parlons-en , de ce ratio : comme disent les voyous (et leurs avocats) « t’encours 10 ans, tu prends 5, tu fais 3 ».
Le vrai problème est là : la certitude de la peine (comme on dit dans les principes généraux du droit que je ne vous ferais pas l’insulte de rapeller). Pourquoi continue-t-on à dire dans le CP que le VMA est puni d’une peine pouvant aller jusqu’à la RC à perpétuité, si la moyenne des jugements ( y compris pour les récidivistes)tourne autour de 5/7 ans (prononcés, pas effectués) ?
On connait la conséquence immédiate en terme de récidive : chez les voyous professionnels, la fonction principale de la peine est la fonction dite « d’élimination », c’est à dire la période où, étant en prison , il ne pourra évidement pas -sauf évasion- récidiver.
3/ La moyenne des jugements, parlons-en : la Justice s’honore à dire qu’elle est indivisible et constante (toutes circonstances de l’éspèce égales par ailleurs), de Brest à Nice.
Soyons sérieux : un port d’arme prohibé de 1ere ou 4 eme catégorie en Corse ou à Marseille, c’est devenu une pécadille (du genre : « qui n’a pas un 11.43 chez soi, M. le Président »).
En Bretagne ou dans la Creuse, c’est encore un petit évenement.
Idem pour les braquages de banque ou de fourgons : leur fréquence historiquement haute en PACA les a banalisé et abaissé la moyenne des peines pronnoncées.
En fac, on apprend qu’un crime ou un délit est classé dans l’échelle de gravité par le Code Pénal, pas par le fait qu’il soit fréquent ou non, déclenche ou non l’émotion dans la population.
Or c’est le cas : une Justice des « affects », du café du commerce. Où a-t-on vu ( en droit, je rapelle) qu’un crime devient moins grave parce qu’il est fréquent ?
Si les viols étaient multipliés par 5 en 2 ans, va-t-on les contravantionaliser ?
4/ En finir avec l’aberration de la confusion des peines :
pour les profanes, cela veut dire qu’en cas de pluralité de crimes et délits, tous sont instruits et jugés, mais seule la peine la plus haute pronnoncée pour le crime le plus grave sera éxécutée.
Concrétement, que vous commettiez 5 hold-up en 6 mois ou un seul, vous aurez la méme peine , si vous étes pris. Quelle hérésie ! Le CPP vous offre deux, trois ou dix crimes « gratuits » : profitez-en.
On se moque souvent des USA où ce sytème n’existe pas et où les peines sont cumulatives (d’où des personnes condamnées à 60 ou 80 ans de prison, ce qui semble absurde).
On voit pourtant tout l’intéret de cela : aboutir à une perpetuité qui soit réllement perpetuité pour les criminels les plus dangereux, odieux, et réitérants, au lieu d’avoir une « perpète » qui vaut 20/25 ans (sous la pression des syndicats de gardiens).
Pensez-vous vraiment , M. Bilger, que ce gouvernement, au delà de ce « gadget » des peines planchers, veuille réellement s’attaquer aux 4 points que j’ai évoqué, qui sont récurrents, minent l’efficacité et la crédibilité du système judiciaire français, et contribuent à la flambée des récidives inutiles (celles qui auraient été mathématiquement évitées si :
- la peine encourue avait effectivement été prononcée
- la peine prononcée avait effectivement été purgée
- si la peine avait été prononcée selon la méme jurisprudence, d’Ajaccio à Valenciennes
- si la peine prononcée tenait compte du fait que 6 viols, c’est plus grave qu’un seul viol....
Trop simple, sans doute ?