Lorsqu’il était candidat à la présidence de la République française, M Sarkozy a déclaré qu’il est opposé à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. C’était une déclaration neutre, qui ne l’engage en rien. Une déclaration aussi neutre que celle qu’un général avait jadis prononcée devant une foule nombreuse : « Je vous ai compris ! ».
M Sarkozy n’a pas promis qu’il fera tout pour arrêter le processus d’adhésion de la Turque. M Sarkozy peut continuer à faire des déclarations médiatiques « contre l’entrée de la Turquie » mais le processus d’adhésion de la Turque, conduit par les institutions de l’Union européenne, continuera. M Sarkozy a simplement fait des déclarations qui étaient censées lui apporter des voix des électeurs qui n’ont aucun autre moyen de voter pour arrêter le processus d’adhésion de la Turque.
Ceci dit, il ne faut pas croire qu’on n’y peut rien, que l’Union européenne, plus exactement les institutions de l’Union européenne, décident de l’élargissement de l’Union européenne sans que les politiques des États membres soient en position de s’y opposer.
Il faut se rappeler que les institutions de l’Union européenne ne sont pas autonomes quand elles décident de l’élargissement de l’Union européenne. La décision de ce genre est prise à l’unanimité du Conseil européen. Le Conseil européen réunit quatre fois par an les chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’Union européenne. Toutes les orientations importantes de l’Union européenne sont décidées lors de ces sommets périodiques. Ensuite les parlements nationaux doivent ratifier la décision et le Parlement européen, composé de membres directement élus, doit donner son avis conforme.
Il apparaît donc que les politiques qui se partagent le pouvoir en Europe sont globalement favorables à l’entrée de la Turquie. Peut-être qu’on peut soupçonner divers lobbies d’influencer les orientations politiques qui sont décidées par les politiques au pouvoir.
Mais dans tout cela, où est le respect du principe fondamental de la démocratie, le respect systématique de la volonté de la majorité des citoyens ? La majorité des Européens veut-elle prolonger le processus d’adhésion de la Turque ? Les politiques tiennent-ils compte de l’opinion de la majorité des citoyens ? Les politiques au pouvoir sont-ils démocrates ?
Les cas sont nombreux quand les politiques, qui ont reçu le mandat du peuple, décident ce qui bon leur semble et ne respectent pas la volonté de la majorité de la population. Exemple flagrant : le vote sur la Constitution de l’Union européenne, dans la version proposée aux citoyens européens en octobre 2004. En France, cette constitution avait été approuvée par le Président de la République française, puis avait été approuvée par 92 % des parlementaires de l’Assemblée nationale française, avant d’être rejetée par 55 % des électeurs français lors du référendum de mai 2005. C’est une parmi les preuves que les politiques, qui ont reçu le mandat du peuple, ne reflètent pas la volonté de la majorité des citoyens.
Concernant l’adhésion des nouveaux États membres, le problème du non respect de ce que veut la majorité des citoyens est apparu avec l’invitation que les chefs d’État et de gouvernement ont faite à la Turque pour qu’elle vienne adhérer à l’Union européenne. La démocratie n’est pas respectée puisque la volonté de la majorité des citoyens n’est pas respectée.
La solution à ce genre d’erreurs anti-démocratiques faites par l’UE, quand la volonté des citoyens européens est ignorée, est dans l’amélioration des processus démocratiques de l’UE, notamment dans l’introduction des référendums, y compris des référendums sur l’initiative du peuple.
Au lieu de faire ce que leur demandent majoritairement les citoyens européens, les politiques au pouvoir imposent aux citoyens leur idéologie, peut-être dictée par certains lobbies, qui est semble-t-il opposées à la volonté majoritaire des citoyens.
En temporisant, en étalant dans le temps la procédure d’adhésion de la Turquie, les politiques espèrent éroder l’opposition de la population européenne. Ces politiques au pouvoir dans l’UE, qui dans leurs discours utilisent souvent le mot « démocratie », appliquent cyniquement leurs procédés antidémocratiques. En démocratie, le devoir des individus qui représentent le pouvoir - politique, éducation publique, médias officiels - est de respecter la liberté d’opinion et d’appliquer systématiquement et scrupuleusement les décisions qui viennent de la volonté de la majorité des citoyens.
Pour chaque pays candidat, il faudrait AVANT de commencer la procédure d’adhésion (et pas seulement à la fin de la procédure !) demander aux Européens d’exprimer leur accord ou désaccord.
La procédure d’adhésion dure des années et coûte de l’argent aux contribuables européens, par conséquent il ne faut démarrer la procédure d’adhésion que si les Européens ont démocratiquement exprimé leur accord. Un référendum serait approprié, car il permet aux citoyens de s’exprimer sans l’intermédiaire des politiques, qui souvent pour le moins déforment la volonté majoritaire des citoyens, et parfois l’ignorent délibérément. Lorsqu’à la fin de la procédure, qui peut durer des années, le pays candidat semble avoir rempli les conditions économiques et législatives (c’est l’objectif de la procédure d’adhésion) il faut un deuxième référendum pour confirmer que les Européens n’ont pas changé d’avis et qu’ils sont d’accord avec les politiques qui prétendent que le pays candidat a rempli les conditions.
Si l’Union européenne était une fédération, la procédure démocratique exigerait que le référendum en vue d’une adhésion d’un nouvel État membre soit un référendum unique, commun à l’ensemble des Européens. Mais l’Union européenne n’est pas une fédération.
L’Union européenne est de fait une confédération d’États indépendants. Dans ce contexte, la procédure démocratique exige qu’en vue d’une adhésion d’un nouvel État membre soit organisé un référendum séparé dans chaque État membre de l’Union européenne. La Constitution actuelle de certains États membres ne permet pas d’organiser les référendums. Ce n’est pas un obstacle. La Constitution n’est pas parole divine, c’est un texte de lois comme un autre, écrit par des humains pour des humains, et il doit pouvoir être corrigé quand le besoin s’en fait sentir. La Constitution française a d’ailleurs été modifiée environ une fois tous les trois ans au cours de ces dernières décennies. Donc si les Constitutions doivent être modifiées pour pouvoir généraliser l’utilisation de référendums, alors il faut les modifier.
Si dans le passé et jusqu’à présent les politiques européens ont pris l’habitude d’agir de manière antidémocratique, cela ne signifie pas que les citoyens européens doivent continuer à subir cette dictature. Il est temps de changer les mécanismes selon lesquels fonctionnent les institutions politiques dans les États membres ainsi que les institutions politiques de l’Union européenne. Il est temps d’introduire et de généraliser la démocratie véritable à tous les niveaux.