Un avis récent,et autorisé sur la question :
Michel Godet, membre du Conseil d’analyse économique « L’exonération de charges sur les heures supplémentaires a des effets pervers » LEMONDE.FR | 31.05.07 | 16h12 • Mis à jour le 04.06.07 Michel Godet est membre du Conseil d’analyse économique du premier ministre et professeur au Conservatoire national des arts et métiers. Il a écrit Le Courage du bon sens : pour construire l’avenir autrement (Odile Jacob).
La réforme des heures supplémentaires va-t-elle permettre de « travailler plus pour gagner plus » ?
Oui, par définition. Mais l’idée, que j’avais formulée à partir de 2002, a été déformée. Au départ, il y a le constat que les 35 heures n’ont créé aucun emploi et ont appauvri la France, qui recule. Les Français travaillent, en moyenne par habitant, trois semaines de moins que la moyenne européenne. Notre niveau de vie, en PIB par habitant, est rattrapé par nos voisins. La question est : comment sortir des 35 heures par le haut ?
Un coût estimé à cinq milliards d’euros
« Nous sommes tombés dans le puits des 35 heures, qui ont coûté 20 milliards d’euros. Cela nous coûte quatre fois moins cher d’en sortir que d’y être entrés. Au pire », estime Denis Godet. Selon Les Echos du jeudi 31 mai, « la suppression des 65 % de cotisations (45 % employeur, 21 % salarié) sur les quelque 900 millions d’heures effectuées actuellement représenterait à elle seule plus de 5 milliards d’euros ».
Le ministère de Bercy est en train de chercher des arbitrages et pourrait privilégier la suppression de l’intégralité des charges salariales, CSG comprise, estime le quotidien économique. [-] fermer
J’ai fait une proposition, partant du principe que l’intérêt bien compris des cigales est qu’il y ait le maximum de fourmis actives. Il fallait qu’on ait plus d’heures supplémentaires dans certains secteurs, où il y a un besoin. Par exemple le bâtiment, où les employés travaillent au noir le samedi matin, avec la connivence de l’employeur. 50 % des Français ne sont pas imposés. Les employés et les salariés n’ont pas de raison d’être imposés sur leur temps libre. Donc, c’est normal psychologiquement que les heures supplémentaires, au-delà de 35 heures, ne soient pas imposables pour le salarié. C’est du « black officiel ».
Là où l’idée a été déformée, c’est quand, n’entendant que le mot « défiscalisation », on a rajouté l’exonération de charges patronales. Cela coûte très cher et a un tas d’effets pervers.
Quels sont ces effets pervers ?
Des augmentations fictives, d’abord, c’est-à-dire des augmentations de salaire déguisées en fausses heures supplémentaires. L’idée est : « Je veux bien vous augmenter mais cela me coûte moins cher de le faire avec des heures supplémentaires, que vous n’effectuez pas. » L’autre gros effet pervers est que, dans les secteurs où il n’y a pas de pénurie de main- d’œuvre, au lieu d’embaucher quelqu’un de nouveau qui était sur le pavé, on sera tenté de faire travailler plus ceux qui travaillent déjà. Ce sont des effets évidents.
Ces effets pervers sont sources de fraude. Donc sources de contrôle bureaucratique. Cela renforcera le « modèle soviétique » français, comme l’appelait Jacques Lesourne (prospectiviste et ancien directeur du journal Le Monde).
Ces effets pervers font-ils de la défiscalisation des heures supplémentaires une mauvaise réforme ?
Il faut expérimenter. Et le gouvernement va devoir négocier avec les partenaires sociaux. Il va devoir lâcher des choses. Les partenaires sociaux vont demander le maintien des charges patronales, pour financer le social, ce qui est normal. Sauf peut-être dans le cas des cadres qui travaillent à la journée. Il va falloir adapter, secteur par secteur, entreprise par entreprise.
Que va-t-il rester de la réforme des heures supplémentaires inscrite dans le programme du candidat Sarkozy ?
Symboliquement, on va revaloriser le travail. 40 % des Français souhaitent travailler pour gagner plus. Ils pourront le faire. Les 60 % restants qui sont contre, libre à eux de ne pas le faire.
Avec la défiscalisation, les employeurs ne seront-ils pas tentés d’en imposer à des employés qui n’en veulent pas ?
On n’a pas dit qu’il fallait les imposer. Mais j’irai même plus loin. Je suis pour qu’on permette la pluriactivité : un salarié va faire des heures supplémentaires dans une autre entreprise. Je prône aussi le cumul emploi-retraite.
Un salarié peut-il ou pourra-t-il refuser les heures supplémentaires ?
On doit pouvoir refuser les heures supplémentaires. Evidemment, si vous refusez, vous serez moins bien noté et moins bien vu par l’employeur. Mais c’est normal que la promotion se fasse en fonction du mérite et de l’effort.
Certains salariés, qui ont un parent à charge par exemple, ne sont-ils pas empêchés de faire des heures supplémentaires, sans être pour autant moins méritants ?
Absolument. D’ailleurs, j’étais pour qu’on propose une réduction du temps de travail aux parents de jeunes enfants et aux gens qui ont un parent à charge. Il y a de très fortes inégalités devant le temps libre, aussi fortes que les inégalités de revenus.
Au fond, l’essentiel n’est donc pas de travailler plus ou moins, mais de faire du sur-mesure ?
Oui. Il faut négocier branche par branche, entreprise par entreprise. Il serait dangereux de se comporter comme Martine Aubry avec les 35 heures. Sinon, on fait une réforme aveugle. Boire de l’eau c’est vital, mais si on en boit trop, on peut en mourir. Une bonne idée, quand on la pousse trop loin, peut devenir une mauvaise idée. Propos recueillis par Alexandre Piquard
08/06 06:08 - JPL
@ PHILOU l’expérience d’une augmentation de la TVA de 2% a été menée par M. Juppé (...)
08/06 06:00 - JPL
@ Actias Votre réponse tiendrait la route... si la France avait eu des résultats dans la (...)
06/06 08:55 - flamandrose
En quoi les altermondalistes « réduisent le libéralisme à son versant économique (...)
05/06 16:35 - iciailleurs
Bon, je ne me trompais pas de slogan. Le seul qui corresponde à la réalité c’est « (...)
05/06 14:34 - ZEN
Un avis récent,et autorisé sur la question : Michel Godet, membre du Conseil d’analyse (...)
05/06 13:58 - FredP
« Il faut permettre à ceux qui le veulent de travailler davantage pour gagner plus. » Ce (...)
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération