@ laurent m..
« .. un mot sur cinq.. »
La proportion que vous indiquez est un peu datée..
La Turquie, depuis les années 1910, avec une tentative à l’époque de moderniser l’écriture en gardant l’alphabet arabe mais sans lier les caractères, système qui ne fut adopté que par l’armée, a continué et continue encore de réformer sa langue.
Le but, très tôt, a été d’expurger la langue turque ottomane (osmanli dil) de ses apports arabes (70%) et perses (20%). Il s’agissait alors de revenir aux éléments turcs originaux et de batir une langue, le turc dit « pur » (öztürkce) qui soit compréhensible à la fois des ruraux que des citadins qui eux, maniaient des complexités de l’osmanli inaccessibles aux gens des campagnes.
Afin de compléter le stock lexical, les linguistes allèrent puiser dans le vocabulaire utilisé en Azerbaïdjan, qui avait réalisé plus tôt sa révolution linguistique (dil devrim) en tournant le dos aux alphabets arabes et cyrilliques et en créant un alphabet latin modifié qui inspira celui que fit adopter en Turquie Mustafa Kemal dans les années 20.
Petit à petit, l’öztürkce remplace l’ottoman ancien. Il suffit de se livrer à une comparaison du lexique à l’aide de dictionnaires turcs espacés chacun d’une décennie pour s’en apercevoir.
Cette politique est volontariste et largement soutenue par l’Etat et touche les mots les plus courants.
Dans la logique, c’est un peu comparable à ce qu’avait tenté en France Charlemagne, quand il voulut prôner le retour à l’usage d’un latin plus pur.
Mais, comme dans l’exemple de Charlemagne, on s’aperçoit que parfois la substitution s’opère totalement - dis hekim, mot turco-arabe désignant le dentiste, a disparu depuis les années 50 au profit de disci, totalement turc - ou alors crée des doublons - kara et ak mots turcs pour noir et blanc cohabitent avec siyah et beyaz, mots d’origine arabes de même sens.
Avec la progression de l’öztürkce s’estompent peu à peu les différences linguistiques entre la Turquie et l’Asie Centrale, qui, d’une origine commune, s’étaient trouvées éloignées par les aléas de l’histoire.
Un autre phénomène concourt à l’unification linguistique : la pénétration de la télévision turque grâce aux satellites. Vous pourrez y observer que la météo de la chaine nationale donne ainsi quotidiennement les prévisions pour Bakou, Tachkent, Alma-Ata, etc..
Le même phénomène a été observé au Maghreb où, grâce à la télévision, s’est amélioré pour ces populations la compréhension de l’arabe dit « classique ».
Les différences ne sont pas si importantes que vous le mentionnez et il est moins difficile à un turc de comprendre un ouzbek qu’un français de converser avec un italien. Les différences portent parfois sur les voyelles.
Un ouzbek disant « aksakal » (barbe blanche) sera parfaitement compris par un turc qui pronocerait plutôt « ak sakol »..
Je ne développerai pas votre mention des évolution historiques différenciées qu’ont connues ces nations en vous rappelant que la France et la Roumanie, proches linguistiquement, ont vécu ni sur l’alliance entre la technologie turque et les ressources en matières premières de l’Asie Centrale, ni sur le pont avec le monde chinois que permettent les populations du Xinjiang car...
..je manque de temps..
Veuillez m’en excuser.
gAZi bORAt