Mon cher NPM (commentaire du 12 juin 2007 à 09H48), permettez-moi de vous contredire en réafirmant pleinement le fait que le Royaume-Uni et l’Allemagne ont tous deux un régime parlementaire.
Certes le chef du gouvernement (respectivement premier ministre et chancellier) dispose d’un pouvoir fort, plus fort même que ceux du premier ministre français (loin, très loin de ceux du président de la république française, néanmoins).
Certes, à l’instar du président de la république française, ils ont certains pouvoirs sur le parlement.
Mais, et c’est là que se reconnaît un régime parlementaire, c’est le parlement et non le gouvernement qui décide de la politique à suivre, car il peut tout simplement décider de bloquer toute action gouvernementale et même de virer purement et simplement le chef du gouvernement.
En fait, dans un régime républicain représentatif institutionnel (l’accumulation des épithètes semble nécéssaire) où la vie politique est partagée entre les pouvoirs législatif et éxécutif, il n’existe à l’heure actuelle que deux formes de régimes :
- le régime parlementaire où le législatif est dominant
- le régime gouvernemental où l’éxécutif est dominant
Dans le régime parlementaire, pour que soit maintenu l’équilibre des pouvoirs, éxécutif et législatif ont tous deux même pouvoir l’un sur l’autre :
- le chef du gouvernement a des comptes à rendre devant le parlement, qu’il peut dissoudre (à certaines conditions)
- le parlement possède le pouvoir de bloquer toute action gouvernementale et peut démettre de ses fonctions le chef du gouvernement
Dans le régime gouvernemental, le principe phare est l’indépendance de l’éxécutif et du législatif :
- sauf cas exceptionnel, le chef du gouvernement ne peut en rien attaquer, bloquer ou dissoudre le parlement
- sauf cas exceptionnel, le parlement n’a aucun pouvoir pour démettre de ses fonctions le chef du gouvernement
A la lumière de ces deux principes, un petit peu de connaissance des principes régissants nos voisins nous envoie la vérité en plein visage : oui, la France est le seul pays d’Europe de l’Ouest (si l’on excepte l’Autriche) a ne pas avoir un régime parlementaire.
Seulement, jettons un oeil aux régimes présidentiels (puisque c’est le nom du régime gouvernemental dans les républiques, ces temps-ci). Même au régime présidentiel type : les Etats-Unis d’Amérique.
On l’a dit, on l’a répété, les USA sont LE régime présidentiel par excellence, avec un renouvellement du fonctionnariat à chaque éléction présidentielle, des pouvoirs dans tous les domaines (à l’exception du religieux et des deux autres pouvoirs) et une quasi-indépendance du gouvernement d’avec le parlement (à l’exception de la mesure de l’Impeachment du parlement ou du droit de veto du président - unique dans son mandat).
Or, que constate-t-on ? Cette indépendance des deux pouvoirs n’existe pas non plus en France, où le président de la république (chef de l’Etat) peut dissoudre jusqu’à 5 fois l’assemblée nationale (une fois par an), où le premier ministre peut imposer la mise en oeuvre d’un texte de loi sans déllibérations, où le parlement peut par un « simple » vote de défiance destituer le gouvernement, etc.
Mais d’où vient cette particularité tellement française qui a, il faut bien le reconnaître, servit maintes fois la France auparavant ?
Tout simplement d’une subtilité dans la formation de l’appareil d’état : la croyance que le président est chef d’Etat et le premier ministre chef du gouvernement.
A vrai dire, les deux personnages se partagent les deux fonctions.
En effet, si le premier ministre a en charge le porte-feuille de la France (charge dévolue traditionellement au gouvernement et donc à son chef) et si le président représente la Nation à l’étranger (tache par excellence du chef d’Etat), les prérogatives de l’un entâment (parfois sérieusement) le terrain de l’autre et vice-versa.
Ainsi, le président de la république, sur suggestion du premier ministre, nomme les ministres. Là, déjà, il y a un problème, mais sauf cohabitation, c’est pas super grave. Ensuite, si le président de la république est chef de la diplomatie française (ce qui est normal), c’est le premier ministre qui dispose à loisir des consuls et diplomates français et c’est à lui ainsi qu’au ministre des affaires étrangères (ça c’est normal, par contre) qu’ils rendent compte. Mais encore une fois, sauf en cas de cohabitation et de graves divergences du point de vue des affaires étrangères, ce n’est pas très gênant (même si ça l’est un tantinet). Il existe d’autres exemples de la même veine, il suffit d’ouvrir la Constitution de 1958 et de comparer les deuxième et troisième titres à leurs équivalents dans les pays dôtés d’une constitution (je déconseille les USA dont la constitution semble aujourd’hui une caricature du genre, mais bon, vous y retrouverez de toutes manières ce que je vous dit) et surtout de comparer les responsabilités dans les faits des homologues étrangers à nos deux hauts personnages de l’Etat pour les découvrir.
Et malgré cela, il y a un bien étrange phénomène en France : si le principe des pouvoirs et contre-pouvoirs est bien respecté avec le duo parlement/premier ministre (ce dernier disposant du bien étrange pouvoir de forcer l’application d’une loi mais pouvant être destitué par l’Assemblée Nationale), l’immiscion du président de la république dans ce jeu des influences fausse tout : le premier ministre est privé de son droit de dissoudre l’Assemblée Nationale (à qui il rend des comptes et qui dispose sur lui d’un pouvoir sans égal par rapport à celui qu’il a sur elle), mais ce droit est confié au président de la république qui est inattaquable par le parlement.
On a donc un président de la république qui peut nommer le premier personnage du gouvernement (ça c’est normal), éxercer un fort pouvoir sur l’Assemblée Nationale (ce qui serait normal sans ce qui suit) mais qui est mit sur un piedestal, intouchable par l’un comme par l’autre et dont la responsabilité ni les décisions ne peuvent être remises en cause.
Si c’est pas un monarque, ça y ressemble drôlement.