@Mjolnir
1. J’aime bien ton pseudo !
2. Sur les actifs de l’Etat
Il n’existe pas de théorie financière de l’Etat (à ma connaissance) et il est par définition impossible de porter un jugement théorique sur la question d’un point de vue financier.
En revanche, on peut discuter de la façon dont l’Etat gère son patrimoine. Si on admet que l’Etat français a un patrimoine qu’il doit gérer, il faut déterminer les objets et en déduire la politique de gestion.
Le portefeuille d’actifs public actuel est (i) peu diversifié, (ii) peu liquide, (iii) géré de façon confuse sur le plan opérationnel et (iv) dénué de toute approche en terme de stratégie de flux de trésorerie.
a. Un portefeuille peu diversifié et peu liquide qui ne permet pas une gestion optimisée
Le manque de diversification apparaît dans la prépondérance des actifs d’infrastructure, notamment les monopoles naturels (ses parts dans EDF et GDF représentent la moitié de la valeur des participations). Ceci est contraire à la théorie financière moderne, appliquée par les fonds de retraite américains qui se servent de recommandations sectorielles d’économistes et de talents d’analystes pour investir dans les classes d’actifs (obligations, actions, immeubles...) et se protègent des risques par un jeu complexe d’instruments financiers.
Cette gestion dynamique du risque n’est possible que lorsque le portefeuille est composé d’actifs cotés non détenus de façon majoritaire. En effet, l’utilisation d’instruments financiers pour limiter le risque n’est pas possible, à bas coûts, avec des entreprises non cotées, avec l’immobilier.
b. Une gestion confuse
La gestion que l’Etat fait de ses participations n’obéit pas à une logique claire. L’Etat a la casquette de (i) actionnaire et de (ii) défenseur des emplois/sources de revenus fiscaux. Derrière ces deux approches il y a des logiques de fonctionnement contradictoires (mais pas irréconciliables). Ainsi, pour l’Etat actionnaire, une délocalisation pourrait avoir des effets positifs alors que pour l’Etat défenseur d’emplois, cela créé un coût social (de formation, d’indemnisation) et pour l’Etat préleveur d’impôts, cela le prive de recettes fiscales.
Peu importe quelle ligne sera adoptée, il faut chercher à maximiser la clarté dans la gestion et cette clarté ne peut être établie que si des objectifs sont fixés sur des critères de succès facilement identifiables. L’exemple d’EADS a clairement montré comment les deux logiques ont amené à un blocage au niveau des décideurs qui n’a bénéficié ni aux actionnaires, ni aux salariés.
c. Une absence de stratégie
Les fonds de pension gèrent leur portefeuille en investissant dans les actifs dont ils espèrent des flux futurs qui leur permettent de payer les dettes qu’ils ont envers les cotisants. Ainsi, l’appétit des investisseurs pour les actifs immobiliers, d’infrastructure et les bonds assimilables du trésor à 50 ans de l’Etat français vient de ce que les financiers appellent leur profil de flux de trésorerie. Autrement dit, les gestionnaires tablent sur des flux récurrents pour payer les retraites de leur cotisants dans 30, voire 40 ans alors même que cela parait plus aléatoire avec des sociétés d’autres secteurs. De plus, les sociétés d’autoroute ou d’infrastructure paient des dividendes récurrents, ce qui permet de payer les retraites sans vendre de titres (il y a toujours un risque de liquidité).
L’Etat français n’a pas clairement identifié ses besoins de financement à long terme et n’a donc pas ajusté son portefeuille en fonction. Cela est dommage. En effet, si les actifs français étaient vendus, les fonds pourraient être réinvestis (i)dans des compagnies d’autres pays européens (pour diversifier le risque de cycle économique et renforcer l’interdépendance des pays membres, notamment à l’Est), (ii) dans des pays étrangers qui sont à un stade différent du cycle de vie de leur population (notamment en Asie et en Afrique), (iii) dans des obligations de pays émergeants leur permettant de financer leur développement ou de façon plus générale dans (iv) d’autres secteurs.