Présumer que la gauche de Parti ne pense plus, ne prospecte plus, c’est assez réducteur, même si ce reproche pourrait souvent convenir à la gauche de gouvernement. Mais surtout, sans vouloir être cynique, on fait bien trop vite le lien entre « revers électoraux » et « crise d’idées », oubliant que ce sont bien souvent davantage les symboles, les images, les postures, les émotions ... qui déterminent le résultat des scrutins au suffrage universel direct, encore plus lorsqu’ils sont nominatifs. Et il me semble d’ailleurs assez évident, au regard du palmarès de la Ve République, que jamais la gauche « idéaliste » (i.e. la gauche pour laquelle l’idée domine et préfigure l’action) n’aurait pu sortir victorieuse d’un seul de ces scrutins : la gauche n’a pu connaître son heure de gloire que grâce à une figure, et les symboles que celle-ci a su exalter autour de son nom.
Une autre leçon évidente, selon moi, toujours de la Ve République, est que le mode de répartition des pouvoirs, ainsi que la manière dont ceux-ci sont attribués (en gros l’exécutif et par extension une part non-négligeable du législatif aux mains d’un seul homme élu à intervalles réguliers sur la base d’un sitcom médiatique de quelques mois) profite et profitera toujours, par défaut, au Parti le plus discipliné, celui au sein duquel le chef est clairement établi et jamais contredit, car cette situation lui confère dès le départ une stature de « présidentiable » ainsi qu’une autorité tacite naturelle. D’ailleurs, tout le monde a bien pu voir à quel point le débat d’idées des primaires socialistes, entre autres choses, avait affaibli la légitimité de Ségolène Royal dès son investiture : le débat d’idées, et par extension toute tentative d’impulsion idéologique, est à la base incompatible avec nos institutions.
Aussi, je pense que s’il y a quelque chose à revoir au PS, même si la réflexion et la remise en question idéologiques doivent de toute façon toujours être au centre de tout, c’est avant tout son aspect le plus formel, à savoir l’image, le symbole, le rôle, qu’il veut incarner aux yeux de l’opinion publique. Or, sur ce point, la plus grande erreur de Ségolène Royal, comme du PS depuis 5 ans, est d’avoir délaissé toute posture pédagogique, pour s’enfermer dans la compassion. Comme si elle avait trop honte, depuis 2002, pour pouvoir être audacieuse et entreprendre la démystification de toutes ces « vérités » populaires qui servent la droite, dans tous les domaines. Et pourtant, le salut du PS ne peut venir que de là : une opinion prête à croire (entre bien d’autres choses) que « travailler plus pour gagner plus » est une solution efficace et équitable sur la durée, n’a pas besoin d’êter plus choyée, ni plus écoutée, ni plus reflettée dans les hautes instances ; elle a besoin d’être instruite.