Tribunal de Lyon, comparution immédiate du 27/11/2006
Mr M., algérien, un peu moins de 50 ans, pas d’adresse puisque pas autorisé au séjour sur le territoire.
14h22
Le tribunal n’a pas l’honneur de vous connaître l’accueille le juge, un peu déçu de ne pas recevoir de star plus souvent.
A Caluire, le 25/11/2006, en qualité d’étranger sous le coup d’une interdiction de séjour de 10 ans sur le territoire français, vous avez renouvelé votre présence. Vous risquez une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 10 ans d’interdiction de séjour sur le territoire national.
A Lyon le 16/09/2004, vous avez été condamné à 3 ans d’emprisonnement pour une infraction à la législation sur les stupéfiants et à 10 ans d’interdiction de séjour, pour séjour irrrégulier sur le territoire.
A votre sortie de la prison de St Quentin Fallavier, le Préfet de l’Isère avait chargé les gendarmes de mettre à éxécution l’arrêté d’expulsion vous concernant. Les gendarmes vous attendaient et vous avez été envoyé au centre de rétention de Satolas puis, le 17 mai, mis dans un avion vers l’Algérie avec une interdiction de séjour sur le territoire Français pour 10 ans.
Vous êtes revenu en France alors que vous n’aviez pas le droit ; votre petit manège (voyage Algérie/France/Algérie/France) aurait pu durer longtemps si un conducteur de bus n’avait signalé à la police un homme en train de se masturber dans une cabine téléphonique. Les policiers sont arrivés sur place, vous avez été interpellé et ils ont relevé votre situation de séjour irrégulière.
Pourquoi être revenu en France, après votre expulsion ?
- Pour voir ma femme et mes enfants qui vivent en France.
Vous avez pris un coup de pied au derrière et vous décidez quand même de revenir ! La seule méthode légale pour revenir est de demander au ministre de l’intérieur une dérogation vous autorisant au retour ( !).
Comment êtes vous revenu ?
- Je suis revenu en bateau il y a un mois.
Vous êtes retourné en Algérie au mois de mai, et entre le mois de mai et le mois de novembre vous n’avez pas réussi à vous adapter en Algérie ? Vous avez de la famille la-bàs !
- Non, mes parents sont morts.
Comment êtes vous revenu en France sans passeport ?
- Je suis parti d’Oran jusqu’à Marseille (le prévenu ne comprend pas bien les questions du juge et ce n’est pas la première fois depuis le début du procès). Je suis marié depuis juin 2000 et j’ai deux enfants de 5 et 4 ans et demi.
C’est bien à vous ?
- ...
Est-ce que ce sont bien vos enfants ?
- Oui...je suis le père légitime et il fait le geste pour désigner sa famille dans la salle.
Quoi faire de vous ?
- Je n’ai rien fait monsieur, ce n’est pas moi qui était dans la cabine téléphonique.
Qui ne me dit pas qu’il peut y avoir des écarts de conduite sur vos enfants (parfois je me demande si le juge et l’avocat ont les mêmes dossiers sous les yeux, attendez la plaidoirie de l’avocat). Il faut faire votre demande de retour sur le territoire comme il se doit, c’est à dire auprès du ministre de l’intérieur ( !). Vous risquez trois ans d’emprisonnement !
Le procureur
L’attitude du prévenu nous montre qu’il a compris qu’il fallait s’entêter ! S’entêter, s’entêter et obtenir quelque chose ! Quelles que soient les condamnations pénales, il veut rester en France !
Il veut rester en France parce que sa famille y est, famille avec une fille handicapée. Sa fille est handicapée et cela aide beaucoup pour le trafic du père ! (Le procureur est tellement odieux qu’on n’ose plus comprendre ce qu’il dit, il parle maintenant de l’infraction à la législation des stupéfiants datant de 2004 et insinue que sa fille handicapée lui aurait servi de couverture à cette époque).
La seule solution monsieur le Président : s’il lui est interdit de séjour sur le territoire national, sa famille elle, n’est pas interdite d’absence sur le territoire, c’est que toute sa famille le rejoigne en Algérie.
Le prévenu a saisi la cour de cassation pour son dossier ; celle-ci a rejeté sa demande. Quel est le rôle d’un juge pénal ? D’énoncer purement des abstractions (la loi) qui n’ont aucun reflet matériel (le prévenu revient en France) ? Non. Si il y a des considérations vaguement humanitaires, on peut en faire abstraction.
Je requiers 10 mois de prison ferme.
L’avocat
Je ne suis pas d’accord avec les réquisitions du procureur qui affirme qu’on peut faire abstraction de considérations vaguement humanitaires ! Au contraire ! Pour ce dossier, on ne peut pas faire abstraction du milieu social et familial du prévenu.
Si mon client revient en France c’est parce que sa femme et ses enfants vivent ici ; sa femme est en France depuis 30 ans et ça n’est pas facile pour elle de prendre la décision de quitter la France.
Ce n’est pas une fille handicapée, mais un GARCON, handicapé, de 5 ans qui ne parle pas et ne marche pas, et en plus il a une fille de 4 ans. Ce n’est pas convenable d’évoquer dans ce procès une utilisation du handicap de son fils dans le cadre de l’infraction à la législation sur les stupéfiants de 2004 ; et mon client a déjà été jugé et a purgé une peine pour ce délit.
Enfin monsieur le président, l’enquête policière nous apprend quele chauffeur de bus qui a appellé la police n’a pas reconnu Mr M. comme étant la personne qu’il avait vu dans la cabine. Il ne doit pas être jugé pour cette histoire et la question des écarts de conduite n’est pas à propos. Je vous demande de réduire au maximum la peine
d’emprisonnement.
14h42 : Délibéré
Monsieur M., le tribunal vous a reconnu coupable du délit reproché, vous avez pénétré sur le sol français malgré une interdiction de séjour : vous êtes condamné à 8 mois de prison ferme avec mandat de dépôt (le prévenu est immédiatement emmené en prison).
L’interdiction de séjour de 10 ans a déjà été prononcée et mise en application il y’a 6 mois lors de la précédente audience (en 2004).
A votre sortie de prison vous serez conduit en centre de rétention puis embarqué dans un avion et reconduit à la frontière algérienne ; et si vous réessayez de venir en France, vous vous ferez casser les reins...
http://rebellyon.info/article2869.html