@Caius
Merci d’avoir cité un long texe précieux pour comprendre le Pakistan. Mais mon intepréation n’est pas la vôtre : pour Jinnah, qu’on le veuille ou non, la religion en Inde définit deux ’nations’ dans le plein sens du mot. Personne ne peut nier que l’Hindouisme soit un ordre social avant même un ensemble de croyances métaphysiques. Jinnah fait remarquer aussi que dans la longue histoire du sous-continent, les héros des Hindous sont les méchants des musulmans, et vice-versa. Il ajoute que les seules périodes qui ont vu des ’nations’ si différentes vivre sous le même toit ont été soit l’empire moghol, soit l’empire britannique : « souhaitez-vous donc, » demande Jinnah aux Hindous, « qu’on soit gouverné par un empereur ? »
En somme, il estimait que la loi du plus grand nombre, inhérent à la démocratie, résulterait en de terribles crises inter-communautaires.
Dans son discours, Jinnah conclut en disant que deux nations indépendantes n’auraient aucune raison de ne pas s’entendre chaleureusement, alors que les deux mêmes, obligées à vivre sous le même toit, ne cesseraient de s’affronter.
Je vous l’accorde, Nehru a tenté d’y répondre par toutes sortes de garanties, reconnaissant néanmoins qu’on ne pourrait jamais changer quelque chose à la loi du plus grand nombre.
Personnellement, j’estime que la Partition a été une tragédie, d’abord par les pertes en vies humaines, mais aussi par la déperdition de toute une culture musulmane urbaine et raffinée, dans les villes comme Delhi et Lucknow. Là où, légèrement majoritaires, ils n’auraient rien eu à craindre de la part des Hindous majoritaires dans l’Union.
Mais je respecte la vision de Jinnah, dont l’analyse des notions de ’nationalité’ de ’peuple’, ’qaum’ et de ’watan’est lumineuse quoique fondamentalement pessimiste. Et je récuse l’accusation d’opportunisme, que nous renvoie toute une tradition hagiographique entourant Gandhi, faisant de Jinnah le méchant de l’histoire.
S’il avait vécu, il aurait certainement piloté le Pakistan vers une destinée bien différente. En s’inspirant de lui et de sa pensée, Musharraf peut encore l’emporter, d’autant que sa croyance en un rapprochement chaleureux avec l’Inde est sincère.