Pertinente analyse ! Mais ce vocabulaire « militaroïde » vient d’abord du monde de l’entreprise et du marketing, qui dans les débuts a singé les mathématiques et la sociologie, puis a adopté ce vocabulaire de campagne d’invasion dans les années 80. Il n’était plus question de se positionner, ni de proposer une meilleure offre, mais soudain de contourner le concurrent, parfois même de le détruire, ou d’attaquer ses positions.
On a vu alors les consultants (dont l’incontournable Kotler) proposer des séminaires de marketing de combat, de guerilla marketing. Tout ceci est lié à la montée de la concurrence mondiale et à l’affaissement supposé des valeurs patriotiques en Europe.
L’obsession de garder la forme, la pratique obsessionnelle du jogging, procédent de la même logique (qui va jusqu’aux sauts à l’élastique et autres fariboles, comme les camps/séminaires d’entraînement pour cadres, avec tirs au paintball) : rester opérationnel en cas d’attaque surprise, comme un bon commando.
Parallèlement, pendant la même période, on constate qu’en France, par un mystérieux effet de vases communiquants, l’Armée ne sert plus officiellement à faire la guerre : le Ministère de la Guerre, désuet depuis le conflit mondial, devient progressivement Ministère des Armées, puis Ministère de la Défense (on n’attaque jamais, on ne fait que se défendre), pendant que des consultants sans scrupules lancent l’L’Ecole de Guerre Economique. Bizarrement, l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale organise maintenant des séminaires d’intelligence économique (allez voir, je vous jure !).
Tout ceci fait le lit d’un éloge effréné de la concurrence sauvage (puisque le monde est en guerre économique, battons-nous, et démolissons notre voisin, il l’a bien cherché), au détriment des valeurs de coopération et de partage.
Peu à peu, le citoyen ainsi défendu prend l’habitude de se croire environné de dangers et d’adversaires, et donc de se tourner vers sa puissance tutélaire, ou vers qui prétend l’incarner. La peur rend docile, c’est connu. De plus, devant un ennemi-concurrent aussi flou et diffus, comment faire autrement qu’en restant en garde permanente ? Tout est suspect d’agression : les immigrés, les terroristes, la télé, le voisin ronchon, les pédophiles, les voitures qui roulent trop vite, les cigarettes des autres, les serial-killers. Orwell avait inventé la guerre fictive entre blocs dans 1984, nous avons mis en place la guerre diffuse permanente, avec entraînement physique pour tout le monde...