Un de ces jours faudrait voir à sortir de l’angélisme pour considérer la réalité de la situation, celle d’un monde qui glisse doucement mais sûrement vers un conflit généralisé. Non pas entre Islam et démocraties, bien que des décennies de heurts idéologiques érigés en déclencheurs de guerre nous pousse inconsciemment vers ce facile amalgame. Mais bien un conflit de survie, face à l’inédit et implacable constat que la planète n’a plus assez de ressources pour assurer à chacun de ses habitants un niveau de vie décent. L’islam radical et ses méthodes tout aussi radicales n’en sont que le détonateur. Et nos civilisations occidentales noyées d’idéologie n’abordent finalement le problème que sous cet angle incomplet.
Alors les règles du jeu changent. L’obligation de résultat se fait plus pressante, surtout en matière de terrorisme. Celui qui obtient des résultats reste le plus fort. Et le plus fort survit, loi immuable de la nature. On en revient donc au cœur du sujet : on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Il y a des erreurs judiciaires. Mais l’entrave éventuelle à la liberté d’une personne innocente ne peut prévaloir sur la mort éventuelle de dizaines d’autres personnes dans un attentat. Telle est la réalité des nouveaux problèmes que pose le terrorisme de masse.
Il y a encore une quinzaine d’années, les actes préparatoires en vue de commettre une infraction n’étaient pas punissables, nous dit l’auteur. Pris mot à mot, on peut considérer ce principe comme une autorisation pour un terroriste de circuler avec une ceinture d’explosifs en pleine rue, tant qu’il ne se fait pas sauter. Si prendre des mesures destinées à empêcher ce type de situation est franchir la ligne rouge, alors il était plus que temps de la franchir.
Bien sûr, face à de nouvelles limites encore floues entre sécurité et droits de l’homme, on se pâme, on s’insurge, selon notre degré d’empathie. D’un point de vue strictement pragmatique visant à assurer, selon le principe démocratique, la survie du plus grand nombre, la plupart de ces mesures sont nécessaires. Un peu de documentation sur le nombre d’attentats déjoués chaque année, dont beaucoup ne sont pas dévoilés pour d’évidentes raisons de maintien d’une quiétude minimale dans l’opinion, entame sérieusement, en général, le scepticisme des plus acharnés. Toutes ne le sont pas, certes. Et la lutte contre le terrorisme peut aussi mettre en exergue les bassesses humaines de ceux qui pensent incarner la défense d’un monde libre (Guantanamo, Abu Ghraïb). Mais au-delà du débat idéologique qui se pose, on retrouve derrière tout ceci les mécanismes d’un instinct de survie toujours plus vif à mesure qu’on se sent menacé, d’un côté comme de l’autre, et dont la pression comme les excès qu’il entraîne est appelée à croître avec le temps.