• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de La Taverne des Poètes

sur Bien raide justice !


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

La Taverne des Poètes 27 juillet 2007 19:39

Voici comment le prince Zykosar et sa cour respectent les femmes. Le seigneur du plus haut fief du pays ayant insulté une dame dans des termes que la décence qui est la marque des gens honnêtes m’interdit de prononcer ici, le prince Zykosar fut questionné en public sur cette affaire. Il ne répondit point et fit un geste du revers de la main voulant dire « De l’air ! Veuillez ne pas importuner le Prince avec de telles sottises. Il ne convient pas d’importuner sa Majesté qui n’aime pas être fâchée. La grandeur du prince est au-dessus de tout cela »

Nul ne dit jamais plus mot là-dessus. Ses sujets avaient déjà oublié que le Prince lui-même avait usé de ces mots orduriers à l’égard de l’ancienne ministre de la Guerre. Pour dissiper à jamais cette broutille, le Prince fit emprisonner encore plus de gueux dans les geôles de son royaume. Il monnaya la libération de quelques femmes emprisonnées par un prince maure voisin, et enfin récompensa son vassal par l’octroi d’une charge importante et la légion d’honneur, distinction qu’il attribua finalement à la femme de ce dignitaire pour montrer avec éclat combien il avait souci de l’honneur des femmes...de sa cour.

Très souvent, Zykosar retire de sa tête sa couronne qui fait de lui le prince du pays, pour redevenir le chef du clan des plus riches du royaume, ce qui est le rôle qui lui va le mieux et de toute façon celui qu’il préfère aussi et de loin. C’est en cette occasion qu’on le vit oublier le nom d’une ministre de son gouvernement devant deux mille de ses partisans les plus acharnés.

Avant le règne de Zykosar, c’était le gouvernement et non point le Parlement, pourtant créé pour cette noble tâche, qui votait les lois. L’avènement du prince Zykosar a tout changé : c’est désormais le Prince tout seul qui les décide ! Comme il ne veut point être gêné dans sa noble entreprise, il a nommé à son gouvernement un grand nombre de personnes ignorant tout de la politique ou proprement inaptes à exercer les compétences qu’il leur confie. Il a pris son serviteur le plus fidèle pour comme Principal ministre. Il aime ce titre de « Principal ministre » qui veut bien dire ministre du Prince. Grand seigneur, il octroya à un éminent représentant du clan adverse le poste de ministre des affaires étrangères. Bien sûr il le fait surveiller et donne à sa femme le véritable rôle selon les affaires et son bon plaisir. Mais il y avait encore un point de détail qui contrariait sa Majesté : les élections qui étaient trop libres.

Il fit mine d’accéder à la demande du candide François-le-Béarnais de rendre la loi électorale plus juste. Il s’engagea solennellement à veiller à ce qu’elle le devienne. Et quel meilleur gage que d’engager sa royale personne pour imprégner la future réforme de toute la justesse de ses vues supérieures et de toute la grandeur de sa belle âme ? Dans l’esprit comme dans la lettre, la loi serait conforme à ses désirs qui sont des ordres ! Il voulait que le monde entier sache, qu’en plus de sa magnificence, il était le prince le plus épris de justice la terre.

Mais Zykosar trouvait que cela était encore insuffisant pour mettre en valeur sa grandeur incomparable. Il lui fallait briller dans des domaines où on ne l’attendait guère et dans lesquels trop de doctes personnes lui faisaient de l’ombre. Il se résolut alors à s’intéresser de près aux sciences afin d’y aller de ses propres théories. Son avis était qu’en sciences tout était simple. Qu’il suffisait de se défaire de toutes les inepties apprises ou étudiées avec trop de soin et de temps. Il se mit à le prouver en mettant de la simplification dans toutes les sciences. Sa joie ne fit que croître au fur et à mesure qu’il proclamait de nouvelles et belles vérités scientifiques : « Tous les hommes sont égaux sauf les pédophiles et les homosexuels qui naissent comme ils sont, avec leurs vices honteux ». Ces gens sont à ranger dans la catégorie des monstres puisqu’il est établi avec toute l’évidence qui va de soi, et qui de surcroît reçoit la sanction princière, qu’il en est ainsi et que ce ne peuvent être des êtres humains. Zykosar employa ensuite les lumières de son infinie intelligence à montrer que certains enfants naissent mauvais et qu’ils n’ont d’autre volonté que de devenir dangereux pour la société. Il fit établir un système sophistiqué de surveillance de ces enfants, puis peu à peu de toute la population suspecte. Pour ne point être gêné par des sottises que d’aucuns nomment « éthique », il rendit ridicule et dérisoire le rôle de la commission chargée des contrôles des surveillances et des fichages.

Ainsi s’annonçait le règne de Zykosar. Le peuple en était content car on lui promettait toujours plus de divertissements, et la personne elle-même de son souverain était en elle seule un divertissement de choix et de tous moments. Il ne manquait jamais une occasion de parader, moins pour sa gloire, que pour le bonheur de ses sujets qui l’aimaient et le réclamaient. Tout dernièrement, une fâcheuse nouvelle vint à ses oreilles princières : la Grande course du royaume à vélocipèdes serait, dit-on, entachée de suspicion de tricherie. Il en est même qui murmuraient que Zykosar se faisait se fait livrer lui-même quelques substances pour entretenir sa santé légendaire et ses qualités d’ubiquité. Zykosar fit rapidement disparaître ces allégations en muselant les journaux et toutes formes d’expression qui, du reste, lui obéissaient au doigt et l’oeil. Puis, s’avisant qu’interdire le dopage gâterait ces jeux très prisés par le peuple, il jugea plus raisonnable d’aplanir les montagnes pour rendre les montées plus faciles. Enfin, montrant au peuple qu’une telle entreprise était trop gigantesque et pèserait trop lourd sur l’impôt, il résolut de ne rien faire du tout, au grand soulagement du peuple qui acquiesça, édifié par tant de sagesse. « Que la fête continue ! » déclara le Prince Sarkozar. Et tout alla pour le mieux et de mieux en mieux dans le royaume désormais appelé « Royaume de Zykosarie ».


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès