Merci de ce brillant article. La rébellion repose en effet sur un paradoxe. Qu’est le rebelle sans le regard d’autrui ? Sans le « bourgeois » qu’il est supposé choquer ?
Je pense à un Desproges, rebelle de carrière, qui avait besoin d’une scène, de caméras, de micros et d’un éditeur pour exister en tant que rebelle de carrière au yeux du public qui se reconnaissait dans sa rébellion. Je pense à un Thomas Pynchon, qui publie un livre par décennie et dont pratiquement personne ne connaît le visage. De ces deux personnalités, quelle est celle qui correspond le mieux à l’idée de rébellion ? L’un avait besoin des médias pour distiller sa misanthropie et émettre ses idées voulues dérangeantes, il en était devenu un produit en ce que son propos correspondait à une demande de l’époque. Aujourd’hui il est du registre de l’archive. Il est devenu un classique. Pynchon, critique avisé de la société américaine, n’a pas eu besoin des médias pour s’affirmer comme un classique. C’est en ce sens que je le sens plus proche de l’idée de rébellion. L’oeuvre de Pynchon existe au-delà de son auteur. Celui-ci s’efface derrière ses pages qui, cependant, sont emplies de lui. Alors qu’un Desproges, indépendemment de ses qualités et de son talent, cessait d’exister dès que survenait une panne de secteur.
Je pense à un autre rebelle de carrière, qui était Léo Ferré. On peut dire que le personnage qu’il s’était fabriqué, et son ego empreint d’une latinité encline à la devanture et à la hâblerie, tiraient dans le dos de la rébellion que Ferré artiste, poète et compositeur prétendait afficher. Il y avait le texte querelleur, contestataire, voulu révolutionnaire, et il y avait le classicisme des compositions, les emprunts à Ravel et Beethoven. Il y avait le propos vengeur, le verbe revendicateur, la hargne calculée et l’humour acerbe, et il y avait cette attitude paradoxale du gentleman-farmer retiré qui en Bretagne qui dans le Lot qui en Italie en bon propriétaire, si loin de l’activisme attendu chez l’anarchiste, si loin des meetings et des jets de pavés. Il y avait la Ferrari Dino, les prétentions cocasses de chef d’orchestre, et cette citation, étonnante par sa contradiction : « Monsieur Ford et Monsieur Fiat envoient des ouvriers fabriquer leurs voitures, moi je fabrique mes disques tout seul »... en taillant la cire au burin ? Ou par le truchement de la maison de production Barclay ?
Dans le domaine ordinaire de la vie courante et des petites gens que nous sommes, soumises aux séductions pulpeuses d’un consumérisme perclus de confort jetable, je me pose la question de savoir si on n’est, ou si l’on ne devient pas « rebelle » qu’a posteriori, faute de disposer des moyens de jouer le jeu, de « passer à la caisse », comme les autres ? Par dépit, résignation, frustration ? Je ne peux pas entrer dans le rôle qui m’est assigné, je ne peux pas user de cette capacité qu’ont les autres à exister au travers de l’achat, parce que j’ai échoué à réunir les critères d’admission à tenir ce rôle, alors je dénonce par mon attitude la fatuité de ce rôle. Mais je crève intérieurement de ne pouvoir consommer, et montrer à l’autre que j’ai réussi comme lui, comme la société m’y enjoint.
Cela repose la vieille question de la liberté d’être, du libre arbitre, du courage d’être soi-même, animal social différent au sein du zoo de l’uniformité. N’est pas Diogène qui veut. Cela suppose de prendre certains risques, quand le vulgum pecus se contente de « prendre ses responsabilités » (selon la vulgate en vigueur).
02/09 15:59 - Kamo31
Des faux rebelles qui se croyent rebelles parce qu’ils portent un piercing ou se (...)
28/08 10:43 - La Rose Blanche
@ quicalt , edifiant cette affaire !!! je les trouve bien lisible moi tes articles (...)
27/08 09:07 - Bérenger
Merci de ce brillant article. La rébellion repose en effet sur un paradoxe. Qu’est le (...)
26/08 21:45 - moebius
... tout fout le camp monsieur, c’est la mondialisation, mais reprenez donc une crepe (...)
26/08 19:10 - Aujourd’hui
Pour mettre en évidence la censure politique dans le cas de l’auteur indiqué plus haut, (...)
23/08 12:11 - Vilain petit canard
Et bien moi j’ai bien aimé l’article, qui pose de façon pertinente un vrai problème (...)
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération