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Commentaire de Nemo

sur Allemagne : les non-dits du retour économique


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Nemo 28 août 2007 18:12

@ l’auteur,

Je trouve votre intention de détailler les réformes - ressenties comme douloureuses - de nos voisins allemands tout à fait louable. Votre article appelle cependant certaines remarques.

Tout d’abord du point de vue méthodologique. Vous partez du principe de décrire les mesures allemandes, ce que vous faites sur la question des mesures de lutte contre le chômage.

Puis vous glissez au cours de votre rédaction sur une comparaison avec la France, en ce qui concerne les exportations.

Et enfin vous revenez sur un descriptif germano-allemand en ce qui concerne la protection sociale.

Ce développement bancal (description/comparaison/description) nuit à la qualité de votre démonstration.

Du point de vue logique ensuite :

« entre 2001 et 2004, croissance des exportations allemandes par rapport aux exportations françaises : +16%. Dans la même période, croissance comparée des PIB des 2 pays : +3,6% pour la France ! Ainsi, l’idée allemande de baisse des coûts de production, notamment par le biais de délocalisations, semble être un échec au niveau comptable. »

Cette assertion est fausse :

Vous comparez le différentiel entre la croissance des exportations et la croissance du PIB. Même si ces deux éléments ne sont pas complètement décorrélés, les présenter comme un processus de cause à effet, avec une valeur de démonstration est en contradiction totale avec la définition même du PIB, puisque vous ommettez les importations. Et ce, quelque soit les méthodes de calcul employées :

Décomposition par la dépense : PIB = CF + FBCF + ΔS + eX - iM

Décomposition par les revenus : PIB = RS + T + EBE + RX

Décomposition par la production : PIB = Somme des Valeurs Ajoutées Hors Taxe + Taxe sur Valeur Ajoutée + Droits de Douanes

Vous abordez d’ailleurs la question de la balance commerciale à contre-temps : vous vous contentez d’énoncer les chiffres sans les utiliser à bon escient, à savoir l’évolution de la balance commerciale.

En effet, vous parlez de l’évolution des exportations alors que vous devriez parler de l’évolution de la balance commerciale.

Imaginez que les exportations passent de 100 milliards à 200 milliards en un an, et vous avez une augmentation de +100% des exportations. Mais si dans le même temps, vos importations passent de 50 milliards à 280 milliards, votre balance commerciale passe de +50 milliards à -80 milliards, l’impact sur l’évolution du PIB est tout à fait différent.

Votre lien logique ne tient pas.

« Ainsi, une partie des exportations est faite à partir de biens importés. Pas étonnant que le rapport valeur ajoutée/exportation ait baissé. »

Même faiblesse, même constat. Ce n’est pas parce qu’une partie des exportations est faite à partir de biens importés que le ratio Valeur Ajoutée/Valeur des exportations baisse. Ce ratio évolue en fonction de la longueur de la chaîne de transformation que les biens intermédiaires subissent dans un ensemble géographique donné, et de la valeur apportée par chacune de ces transformations tout au long de la chaîne.

Avec un minimum de réflexion, on peut facilement se rendre compte qu’il n’y a quasiment pas de biens et de services pour lesquels il n’y a pas d’adjonction de biens intermédiaires importés. Que ce soit l’essence, les engrais, les ordinateurs, et la liste peut s’allonger, tous ces biens sont des biens intermédiaires qui rentrent dans le processus de production des biens et des services.

Donc dites-vous bien que TOUTES les exportations sont faites à partir de produits importés. La vraie question est dans quelle mesure, et pour quelles valeurs. Ce sont ces chiffres là que vous devriez apporter pour fonder votre propos sur des bases solides.

Je passerai rapidement sur votre confusion entre fiscalité et prélèvements sociaux (« l’Allemagne instaure une fiscalité moins lourde. On a notamment vu les charges sociales passer de 39 % à 30 %. »), et je vous encourage vivement à approfondir la question en vous penchant sur les différences fondamentales (nature et responsabilité des acteurs -politiques/partenaires sociaux-, modes de gestion, budgets limitatifs/évaluatifs,...) entre ces deux questions, et les limites des comparaisons de ces chiffres entre la France et l’Allemagne en raison justement des différences d’organisation de la protection sociale et de l’assistance.

Enfin, en dernière remarque, et contrairement à une idée reçue, une balance commerciale déficitaire n’est pas forcément (elle peut l’être mais ce n’est pas automatique) une mauvaise chose. Une forte consommation est souvent le signe d’une bonne santé de l’économie. Et la concommitance entre des importations et des exportations de niveau élevé, même si le solde est négatif, est un indicateur beaucoup plus positif qu’un solde excédentaire avec un niveau d’échanges moindres.

Cordialement,


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