Allemagne : les non-dits du retour économique
Depuis plusieurs mois, la politique allemande est citée
comme un exemple en matière économique, à la fois par les médias et par de
nombreux politiques. On parle du chômage en baisse, de la croissance sur la
bonne pente, des exportations florissantes, de la balance commerciale qui
penche très fort du côté positif... Mais on oublie souvent certains détails
importants au sujet de l’économie allemande et de ses réformes, qui pourraient
pourtant refroidir plus d’un Francais. En voici un aperçu.
Tout d’abord au niveau du chômage : il reste toujours au-dessus des 9 %, soit plus qu’en France. Et les chômeurs allemands le sont pour
la moitié d’entre eux depuis plus d’un an, contre 40 % en France et 20 % en
Grande-Bretagne. Mais les Allemands sont depuis quelques années sur la bonne
pente en la matière, et il faut le justifier par la réforme du marché du
travail, lancée sous Schröder. Cette réforme s’est traduite par une succession de
lois, les lois Hartz, visant à favoriser la flexibilité et la mobilité des
travailleurs et à améliorer les services d’aide au retour à l’emploi. L’Agence fédérale du travail a donc été réformée : elle est désormais plus décentralisée
et autonome (notamment au sujet des indemnités à verser), mais aussi plus
proche de ses demandeurs d’emploi (1 agent pour 70 chômeurs maximum). En
réponse, les demandeurs d’emploi allemands doivent être plus ouverts et volontaires :
un chômeur dispose désormais de 12 mois d’allocation chômage. Passée cette
période sans trouver un emploi, l’allocation sera abaissée à 345 euros. Autre
exigence, la mobilité : ainsi, tout demandeur d’emploi célibataire et sans
enfant se doit d’être mobile à travers toute l’Allemagne. Aussi, les chômeurs
doivent accepter un emploi même s’il est moins bien rémunéré que le marché,
sous peine de baisse des allocations. Cette politique encourage bas salaires et
temps partiels. Et elle est efficace : le salaire moyen allemand a par exemple
baissé de 2 % en 2005 ! Dans le même temps, les coûts salariaux baissaient de 6 %.
Cette baisse des salaires a provoqué une baisse du pouvoir d’achat, et donc
l’atonie de la consommation, problème d’envergure que nous connaissons peu en
France pour l’instant.
Mais si la demande intérieure stagne, les exportations vont
bon train : l’Allemagne est "championne du monde des exportations" et
sa balance commerciale est largement bénéficiaire (+160 milliards, contre -30
milliards en France et -70 milliards en Espagne). Cependant, nos voisins ont
connu et connaissent encore de larges vagues de délocalisations à l’est,
notamment dans le domaine de l’industrie. Du coup, l’Allemagne doit importer
des biens intermédiaires d’Europe de l’Est (14 % contre seulement 5 % en France),
le marché étant conquis à 50 % par ces entreprises étrangères. Ainsi, une partie
des exportations est faite à partir de biens importés. Pas étonnant que le
rapport valeur ajoutée/exportation ait baissé. Cette baisse des bénéfices
dégagés par les exportations s’exprime dans cette comparaison avec la France :
entre 2001 et 2004, croissance des exportations allemandes par rapport aux
exportations françaises : +16 %. Dans la même période, croissance comparée des
PIB des deux pays : +3,6 % pour la France ! Ainsi, l’idée allemande de baisse des
coûts de production, notamment par le biais de délocalisations, semble être un
échec au niveau comptable.
Comme la France, l’Allemagne instaure une fiscalité moins
lourde. On a notamment vu les charges sociales passer de 39 % à 30 %. Outre
l’accentuation de la pression fiscale sur les autres pays européens, ces types
de réformes ont creusé des déficits. Alors l’Allemagne fait depuis quelques
années la course aux gaspillages et aux "surdépenses" publiques. Les
Allemands ont aussi vu changer leurs systèmes de santé et de retraites. Pour
redresser les comptes de l’assurance-maladie, déremboursements, limitation des
ordonnances de médicaments des médecins et TVA sociale ont fait leur
apparition. De plus, les cotisations patronales pour les indemnités de congés
maladie sont désormais à la charge des salariés. Au niveau des retraites, les
Allemands sont largement invités à adopter un système capitalisé. Pour les y
inciter, primes et allègements fiscaux. On pourra certainement bientôt en
recueillir les résultats, et les prendre en considération dans les choix
français en la matière.
Ces quelques précisions ne sont pas là pour évincer le modèle allemand tant désiré. Elles sont simplement là pour montrer par où passent les Allemands pour obtenir leurs si encourageants résultats, et les limites de cette politique assez libérale.
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